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Soixante ans d’élection directe du Président de la République

À l’heure de la création d’un conseil national et autres comités ou conventions de citoyens tirés au sort, l’idée la plus efficace qu’on ait eue pour revivifier la démocratie, c’est encore de proposer aux citoyens de voter.

C’est ce que fit le Général de Gaulle, il y a soixante ans, lorsqu’il proposa d’élire le Président de la République au suffrage universel direct. Le contexte était évidemment particulier : la Ve République n’avait que quatre ans, les Accords d’Évian mettant un terme à la guerre d’Algérie avaient été votés, le Premier ministre avait été changé et de Gaulle venait d’échapper à un attentat qui faillit lui coûter la vie. L’élection présidentielle directe est toutefois venue parachever la transformation du régime, entamée en 1958 par l’adoption de la nouvelle Constitution, à double titre.

D’une part, elle vient définitivement conférer au Président de la République une légitimité qu’il ne doit plus qu’à lui-même – et, à vrai dire, à son parti –, selon la volonté originelle du Général de Gaulle de déconnecter l’Exécutif et son chef du Législatif et ses représentants. D’autre part, elle est à l’origine du fait majoritaire, qui contribua nettement à la stabilisation du régime.

Défendre les valeurs républicaines

L’événement est suffisamment rare et grave pour mériter une attention particulière, même plusieurs jours après qu’il est survenu.

Au cours de la séance des questions d’actualité au Gouvernement (QAG) du jeudi 3 novembre après-midi, alors que Carlos Martens Bilongo, député de la Nation et élu dans le Val d’Oise (LFI-NUPES), interrogeait le Gouvernement sur la situation du navire Ocean Viking, en situation de détresse en mer Méditerranée avec plusieurs centaines de migrants à bord, un autre député, issu des bancs de l’extrême droite, a crié « qu’il retourne en Afrique ! », comme attesté par le compte-rendu intégral de la séance.

Parlait-il du navire ? Des personnes à bord (mais alors, au-delà même de la faute d’accord du verbe, c’est le pronom lui-même qui est erroné) ? Du député qui posait la question ? On ne le saura jamais avec certitude et, à vrai dire, là n’est pas la question.

L'instant du 49.3

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune sur Le Monde le 19 octobre 2022.


Le recours au « 49.3 », en référence à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, est généralement perçu comme une violation des principes démocratiques et une atteinte portée au parlementarisme. Cette perception est à la fois justifiée et erronée : tout dépend de l’instant auquel il est mobilisé, cet instant étant généralement lié à la finalité pour laquelle il est activé.

Rappelons que ce mécanisme puissant de rationalisation du parlementarisme, introduit en 1958 et limité en 2008, peut être actionné à tout instant du débat législatif, à l’initiative du Premier ministre et à la condition que la possibilité d’y recourir ait été préalablement délibérée en Conseil des ministres. Il permet d’interrompre immédiatement tout débat sur le texte en discussion. Le texte est alors considéré comme adopté, sans vote, sauf à ce qu’une motion de censure soit déposée dans les vingt-quatre heures suivant l’activation. Si tel est le cas, la discussion porte alors sur cette motion de censure, dans les conditions prévues à l’article 49, alinéa 2 de la Constitution, à savoir un débat entre les soutiens et les opposants à cette motion, laquelle est mise aux voix au moins quarante-huit heures après son dépôt, seules les voix qui lui sont favorables étant recensées (celles qui sont donc opposées au Gouvernement et qui souhaitent son départ). Le Gouvernement est renvoyé et, par la même occasion, le texte est rejeté que s’il se présente une majorité absolue des députés (soit 289) pour voter la motion.

Démissionner n’est pas une peine

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune sur Liberation le 10 octobre 2022.

La République exemplaire n’est plus. Et elle a emporté avec elle la République des responsables.

Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un ministre en exercice – et non des moindres, puisqu’il s’agit du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice – est renvoyé devant la Cour de Justice de la République, cette instance compétente pour juger de la responsabilité pénale des membres du Gouvernement. Il s’agit de l’étape intervenant après une mise en examen, dès lors que la commission de l’instruction a estimé que les faits reprochés sont constitutifs d’un crime ou d’un délit.

Le bon sens, à l’époque où il était « la chose du monde la mieux partagée », mais surtout le sens de la responsabilité politique, auraient commandé qu’un tel ministre démissionne immédiatement. Car la responsabilité politique ne consiste pas uniquement à répondre de ses actes, mais aussi à savoir en tirer soi-même les conséquences.

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