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En Italie : « Basta un sì! »

Le 4 décembre 2016, les Italiens voteront pour l’avenir de leur pays.

Il ne s’agit ni d’élections législatives ni d’élection présidentielle (le Président de la République italienne est indirectement élu par le Parlement), mais d’un referendum constitutionnel. En effet, une révision constitutionnelle a été engagée par le gouvernement de Matteo Renzi, dès son entrée en fonction au printemps 2014, tendant à « dépasser le bicaméralisme paritaire, à réduire le nombre de parlementaires, à contrôler les coûts du fonctionnement des institutions, à supprimer le CNEL [Conseil national de l’économie et du travail, l’équivalent de notre Conseil économique, social et environnemental] et à réviser le titre V de la seconde partie de la Constitution ».
 
Le referendum vient clore la procédure de révision constitutionnelle, bien qu’il ne soit pas obligatoire. L’article 138 de la Constitution italienne prévoit la possibilité d’y recourir s’il est demandé, dans un délai de trois mois à compter de l’adoption définitive par le parlement, par au moins un cinquième des membres de l’une des chambres, 500 000 électeurs ou cinq conseils régionaux. Toutefois, cette demande ne peut être formulée si le texte a été approuvé, en seconde délibération et dans chacune des chambres, par la majorité des deux tiers de leurs membres.

Le projet de loi constitutionnelle a été adopté par 180 sénateurs le 20 janvier 2016 (et 112 contre) et par 361 députés le 12 avril 2016 (et 7 contre). C’était insuffisant pour éviter le referendum, lequel a été demandé, à la fois par des sénateurs, par des députés et par des électeurs. Ces derniers devront donc répondre « Oui » ou « Non » à la question « Approuvez-vous le texte de la loi constitutionnelle ? ».

Ce referendum est fondamental et déterminant pour l’avenir de l’Italie.

En premier lieu, il l’est parce que Matteo Renzi, Président du Conseil, ne sera pas en mesure de se maintenir en fonction dans l’hypothèse d’une victoire du « Non ». Lui et son gouvernement, principalement Maria-Elena Boschi, Ministre en charge des réformes constitutionnelles et des relations avec le Parlement, se sont fortement mobilisés pour conduire la révision constitutionnelle et son rejet serait un désaveu personnel engageant leur responsabilité.

Le Président du Conseil était même allé jusqu’à s’engager explicitement en indiquant qu’il démissionnerait en cas de défaite. Grand mal lui en a pris car les électeurs ont ainsi personnifié le referendum en s’attachant moins à la question posée qu’à celui qui la pose. S’il est ensuite revenu sur ces déclarations, c’était trop tard : d’une part, il est intimement associé à la réforme et, d’autre part, elle est si attachée à sa politique qu’il ne saurait survivre à son rejet.

Le cas échéant, cela conduirait très probablement à des élections anticipées, dans un contexte où le vote populiste reste très élevé (on se souvient de la victoire de Virginia Raggi à la mairie de Rome en juin 2016, issue du M5S). La victoire du « Non » ouvrirait donc, à court terme, une période d’incertitude et d’instabilité.

En deuxième lieu, ce referendum est fondamental et déterminant parce que cette période d’incertitude et d’instabilité à court terme se prolongerait sur le long terme. Le point essentiel de la réforme est la suppression du bicaméralisme égalitaire, qui est sans doute la cause de l’instabilité politique italienne (jusqu’au début des années 2000 et le retour de Berlusconi au pouvoir, un gouvernement se maintenait en général à peine un an en fonction). La Chambre des députés et le Sénat disposent presque exactement des mêmes pouvoirs : égaux dans la procédure législative, le gouvernement est doublement responsable devant les deux chambres, chacune d’entre elles pouvant voter (seule) une motion de censure.

Toutefois, n’étant pas élues selon la même base territoriale, les équilibres politiques n’y sont pas identiques. Ainsi, le gouvernement investi est généralement un gouvernement d’équilibre, contentant un maximum de parlementaires ou, plutôt, suscitant le moins de désaccords possibles conduisant, trop souvent, à la nomination de gouvernements très faibles, incapables de durer, d’endurer et de perdurer.

Mettre un terme à cette égalité serait donc salvateur et, associée à une réforme électorale conduisant au fait majoritaire à la Chambre des députés (« l’Italicum », sur lequel la Cour constitutionnelle doit se prononcer après le 4 décembre, devrait permettre d’obtenir une majorité claire et stable à la Chambre des députés, à même de soutenir durablement un gouvernement), la révision constitutionnelle conduirait à davantage de stabilité dans la démocratie parlementaire italienne, limitant les travers de la partitocratie qu’elle connaît depuis l’après-guerre. Au contraire, rejeter la réforme condamnerait définitivement ou, au moins, pour de nombreuses décennies encore toute possibilité de faire entrer le régime italien dans l’ère des démocraties modernes, gouvernées par l’universalisme, l’effectivité et la stabilité.

En troisième lieu, ce referendum est fondamental et déterminant pour l’avenir de l’Italie car il l’est tout autant pour l’avenir de l’Europe. Il ouvrirait une période d’incertitude à un moment où cette dernière a le plus besoin de sérénité, lorsque l’on voit les nombreuses crises qu’elle doit affronter (crise migratoire, crise britannique, crise populiste). Elle est directement affectée par le Brexit, indirectement par la victoire de Donald Trump aux États-Unis, économiquement par la crise financière qui a des répercussions en Grèce et en Espagne, politiquement par la montée des extrêmes dans de nombreux pays, notamment en France et en Allemagne.

Une victoire du « Non », une démission de Renzi, le maintien d’une instabilité latente voire chronique n’offriraient pas le soutien fiable et solide dont l’Europe a besoin et que l’Italie peut apporter sur le long terme. Or, en cette période particulière en Europe et même dans le monde, il est indispensable que l’un des acteurs majeurs de la construction européenne puisse dépasser les aléas quotidiens de sa politique interne.

Le 4 décembre 2016, les Italiens voteront pour l’avenir de leur pays et, au-delà, de l’Europe. Pour que cet avenir soit positif, « basta un sì! »*.

* Basta un sì! : Slogan de campagne des partisans du « Oui » au referendum constitutionnel italien du 4 décembre 2016, signifiant « il suffit d’un oui ! ».

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