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La régionalisation, c’est possible

Les réformes territoriales se suivent et se ressemblent. La prochaine dérogera-t-elle à la règle ? Depuis 1982, acte fondateur de la décentralisation, toutes les lois tournées vers ces réformes voulaient renforcer la décentralisation, clarifier la répartition des compétences, simplifier l’organisation territoriale de la France. Presque toujours en vain.
En effet, on n’a de cesse de créer de nouveaux échelons territoriaux, mais on ne supprime pas les anciens (l’exemple récent de la création des métropoles est topique). On propose de mettre fin à l’enchevêtrement des compétences, mais on ne parvient pas à assigner, à chaque niveau de collectivité territoriale, des compétences spécifiques et exclusives. L’État central veut décentraliser, mais il ne franchit pas le pas d’attribuer aux collectivités territoriales, ou à certaines d’entre elles, un pouvoir venant concurrencer le sien.
 
Tout cela est compréhensible. Supprimer des collectivités existantes est politiquement délicat, comme on le constate actuellement avec les départements. De même, la plupart des missions confiées aux collectivités territoriales requiert une participation croisée de plusieurs d’entre elles : comment mener une mission sociale (compétence du département), sans tenir compte des enjeux et de la politique économiques (compétence de la région) ? Enfin, l’État central craint qu’un pouvoir trop important attribué aux collectivités ne vienne remettre en cause le principe d’égalité, corollaire du principe de l’État unitaire et n’offre une véritable tribune à l’opposition, dans l’hypothèse d’une divergence politique entre l’échelon national et l’échelon local concerné.

Aujourd’hui, on souhaite relancer et accélérer la réforme territoriale. Pour ce faire, une réelle réforme structurelle peut être engagée, sans que les départements ne soient nécessairement supprimés. Car, on le sait, cette suppression passe par une révision constitutionnelle, qui paraît impossible en l’état des équilibres politiques au Parlement. En revanche, il est possible d’entreprendre une forme de régionalisation.

Cette dernière peut se caractériser par deux aspects essentiels : un renforcement du pouvoir normatif des régions ou des collectivités de même niveau et l’octroi de droits et pouvoirs spécifiques à certaines collectivités. Aucune révision de la Constitution n’est alors requise : celle de 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République, a déjà posé un cadre suffisant.

D’une part, l’article 72, alinéa 1, issu de cette révision, permet de créer de nouvelles collectivités « en lieu et place d’une ou plusieurs collectivités » existantes, par simple voie législative. Le législateur peut ainsi supprimer des départements et des régions dans certaines parties du territoire, en les remplaçant par une ou plusieurs collectivités particulières, nouvellement créées. Ce pourrait être le cas en Bretagne, en Corse ou encore en Île-de-France. Sans la moindre révision constitutionnelle, les départements seraient alors partiellement supprimés et il y aurait des zones territoriales qui en seraient dépourvues, comme cela est déjà prévu pour la Métropole de Lyon, depuis la loi du 27 janvier 2014.

Ces nouvelles collectivités pourront également bénéficier de compétences spécifiques, puisqu’elles ne relèveraient plus du régime général (et homogène) des départements et des régions. Elles pourraient se voir octroyer un véritable pouvoir réglementaire (les compétences législatives, quant à elles, ne pouvant être attribuées qu’à titre expérimental), leur permettant d’appliquer directement les lois, au moins dans certains domaines. L’article 72, alinéa 3 de la Constitution le permet en consacrant « un pouvoir réglementaire pour l’exercice [des] compétences » de ces collectivités.

D’autre part, plutôt que de s’efforcer de distribuer strictement les compétences entre les régions, les départements et les communes, une même compétence peut être confiée à plusieurs niveaux, avec désignation d’une collectivité « chef de file », sur le fondement de l’article 72, alinéa 5 de la Constitution. Cela permettrait de renforcer un niveau de collectivités, comme les régions, sans en supprimer un autre, tels les départements, tout en favorisant un réel concours entre collectivités.

Par cette forme de régionalisation, permise par notre Constitution actuelle, une réforme territoriale d’un genre nouveau verrait enfin le jour.

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