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Présidentielle et législatives : de la confusion à la fusion

 Ces derniers jours, on a pu lire, ici ou , qu’afin de resserrer le délai entre l’élection présidentielle et les élections législatives, l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron était envisagée.

Cette idée est d’abord particulièrement présomptueuse, car elle suppose que se vérifie une autre hypothèse, probable à ce jour mais loin d’être acquise : la victoire d’Emmanuel Macron, qui n’a d’ailleurs pas encore déclaré sa candidature.

Elle est ensuite assez saugrenue et traduit, sans doute, ce que ce fin observateur de la vie politique a confessé, à savoir que « les types s’ennuient tellement à l’Élysée en attendant le début de la campagne qu’ils ont besoin de s’échauffer la cervelle ».

Elle est enfin fort risquée, pour un gain marginal. En effet, on ne manquerait pas de dénoncer une manœuvre politique, de façon incontestablement fondée puisque le seul objectif de cette dissolution serait de rapprocher les élections législatives, prévues les 12 et 19 juin, de l’élection présidentielle, qui se tiendra les 10 et 24 avril. C’est ainsi la première fois qu’il y aura sept semaines entre les deux élections, là où habituellement elles sont espacées de cinq. Mais une telle manœuvre ne permettrait que de gagner 15 jours, trois semaines au mieux.

Pour renforcer la légitimité des députés, sans écorcher la légitimité du Président, il faut les élire le même jour

L’article 12 de la Constitution permet au Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale quand il le souhaite, après simple consultation du Premier ministre et des Présidents des deux assemblées. La courtoisie républicaine voudrait cependant – quoiqu’on ne serait plus à une manœuvre près… – qu’il attende la proclamation officielle des résultats par le Conseil constitutionnel, laquelle intervient généralement le mercredi qui suit l’élection, à savoir le 27 avril.

L’article 12 disposant que les élections législatives ont alors lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution, elles ne pourraient pas intervenir avant les 22 et 29 mai, au plus tôt. Sans garantie aucune d’obtenir effectivement une majorité, car une telle manœuvre pourrait désenchanter les électeurs, alors que l’élection présidentielle paraît elle-même, à ce jour, très ouverte.

Hasardeuse, farfelue et malvenue, cette idée n’interdit pas, en revanche, de mener une réflexion plus approfondie sur le calendrier électoral.

Nous savons que, depuis l’introduction du quinquennat et du rétablissement du calendrier, l’élection présidentielle a lieu quelques semaines avant les élections législatives, la première engendrant un effet d’entraînement sur les secondes, ce qui permet au Président élu d’obtenir de la majorité dont il a besoin pour gouverner. Le bénéfice en est une pérennisation du fait majoritaire, dont les bienfaits contribuent à la stabilité du pouvoir et du régime.

Il ne s’agit pas de le remettre en cause.

En revanche, il est possible de renforcer la légitimité propre des députés, sans écorcher la légitimité présidentielle. Pour cela, il suffit d’élire le Président de la République et l’Assemblée nationale le même jour, une proposition qu’on a déjà pu défendre avec Les Engagés. On y voit un triple avantage.

D’abord, si la cohérence de l’électeur le conduira assez logiquement à voter pour un candidat aux législatives de même couleur politique que le candidat à la présidentielle qu’il a choisi, il pourra parfaitement nuancer son vote sans être influencé par le résultat d’une première élection naturellement déterminante. Ainsi, le fait majoritaire ne disparaîtra pas, mais la vague sera contenue. En 2017, par exemple, rien ne garantit qu’Emmanuel Macron aurait obtenu la même majorité si une telle hypothèse avait été mise en place. S’il s’avérait cependant nécessaire de composer une coalition majoritaire, la Constitution de 1958 rappellerait qu’elle est conçue pour la supporter, tandis que son histoire confirmera qu’il en fut déjà ainsi.

Ensuite, sans cette influence du résultat de l’élection présidentielle sur les élections législatives, les députés tireront certes toujours leur légitimité en partie du Président qui les aura conduits à la victoire, mais le choix de l’électeur sera plus libre et les seconds pourront également se prévaloir d’avoir directement contribué à la victoire du premier.

Enfin, on peut prolonger cette réforme du calendrier électoral en prévoyant que les uns et les autres ne prennent leurs fonctions que plusieurs semaines après l’élection, afin de disposer d’un temps de transition et de mise en place : sélection de l’équipe gouvernementale, recrutement des conseillers et collaborateurs, préparation des dossiers prioritaires, vérifications nécessaires de la HATVP. Dès la prise de fonction effective, les nouvelles équipes seraient alors pleinement et immédiatement opérationnelles.

Ajoutons qu’un tel alignement des élections législatives sur l’élection présidentielle permettrait que toute fin anticipée et inopinée du mandat présidentiel enclenche, de droit, des élections législatives. Il suffirait alors de prévoir que toute démission, destitution ou décès d’un Président en exercice emporte mécaniquement la dissolution de l’Assemblée nationale, dont les élections se tiendraient alors en même temps que l’élection présidentielle. En revanche, la réciproque ne vaudrait pas et cet alignement ne priverait pas le Président de la République de son droit de dissolution, car il lui serait toujours loisible d’y recourir, en cours de mandat, pour discipliner ou sanctionner la majorité. Pour synchroniser à nouveau les deux élections, il faudrait alors prévoir que l’Assemblée ainsi réélue ne le serait que pour la durée du mandat présidentiel restant à courir.

Une telle réforme ne présidentialiserait pas davantage notre régime, au contraire : elle contribuerait à corriger les effets, parfois dénoncés, du quinquennat, en limitant l’impact d’une élection sur les autres et en renforçant la légitimité propre des députés.

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