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On ne peut préserver la démocratie par des mesures antidémocratiques

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs

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On ne peut préserver la démocratie par des mesures antidémocratiques. Cette règle de simple bon sens a pourtant été plusieurs fois remise en cause depuis l’ouverture de la XVIIe Législature.

Cette Législature s’est ouverte, comme il se doit, par l’élection des instances de l’Assemblée nationale : la présidence, le bureau, les commissions. On a alors assisté à une succession de dysfonctionnements.

Yaël Braun-Pivet, Présidente sortante de l’Assemblée nationale, a été réélue au Perchoir, au troisième tour de scrutin (qui ne requiert que la majorité relative), avec treize voix d’écart par rapport à André Chassaigne. Il est incontestable que dix-sept ministres démissionnaires élus députés ont participé à ce scrutin. Il y a un débat sur leur droit d’y participer, puisque l’article 23 de la Constitution et l’article LO153 du code électoral le leur retirent. D’aucuns arguent que ce dernier, au contraire, le leur confèrerait, puisqu’il dispose que « l’incompatibilité ne prend pas effet si le Gouvernement est démissionnaire avant l’expiration dudit délai », oubliant que le délai en question est celui entre la nomination d’un Gouvernement et sa démission éventuelle (or le Gouvernement avait été nommé en janvier) et que, même si on extrapole en retenant que le délai court à compter de l’élection, cette absence d’incompatibilité est seulement destiné à permettre au ministre élu député de rejoindre les bancs de l’Assemblée, sans être remplacé par son suppléant et sans attendre les délais de carence, dès lors qu’il est pleinement délivré de ses fonctions ministérielles, donc qu’il est remplacé.

Parce qu’il a perdu ces élections, le Président de la République n’est plus en mesure de déterminer la direction qui doit être choisie

Mais le principal dysfonctionnement n’est pas là, il est plus profond : cette règle prive l’Assemblée nationale de dix-sept de ses membres, ce qui n’est pas normal, a fortiori lorsqu’il s’agit de désigner les instances qui vont la diriger et veiller sur son bon fonctionnement. Il serait donc souhaitable qu’un député élu qui est également ministre et le demeure puisse être immédiatement remplacé par son suppléant, ce qui n’est pas le cas actuellement.

De surcroît, alors que les règles ont été détournées, force de précédent à l’appui (puisque la même situation s’est déjà produite dans le passé, notamment en 1988), il n’est pas davantage acceptable qu’aucune instance extérieure et indépendante ne soit en mesure de contrôler le fonctionnement interne de l’Assemblée, ne serait-ce que pour confirmer l’interprétation qui a été retenue (ou l’infirmer). Si le Conseil constitutionnel était compétent en cette matière (ce qu’il n’est pas et il ne manquera pas de le redire dans une prochaine décision, puisqu’il a été saisi) et, plus largement, à l’égard des mesures prises au sein de l’Assemblée (par exemple, les sanctions disciplinaires), ses décisions confèreraient une légitimité renforcée à toutes ces mesures et, au-delà, à ceux qui les édictent. C’est d’ailleurs le sens d’une proposition formulée au sein du GRÉCI.

À ce premier dysfonctionnement a rapidement succédé un deuxième, avec la mise à l’écart de toute responsabilité du premier groupe parlementaire de l’Assemblée : le Rassemblement national. Ce dernier défend certes des thèses qui tendent à remettre en cause l’État de droit et la démocratie. Mais il a néanmoins obtenu plusieurs millions de suffrages des Français, dans le respect des règles électorales. Dès lors, il n’est pas acceptable qu’il ne puisse pas bénéficier de l’application de la répartition des responsabilités selon la proportionnelle, comme le prévoit le Règlement de l’Assemblée

Ce dernier permet certes, si les groupes ne parviennent pas à s’entendre (ce qui fut le cas), que les désignations procèdent alors d’un vote lors duquel la règle de la proportionnelle ne s’impose plus. Mais procéder de la sorte renvoie un message antidémocratique, au prétexte de vouloir préserver la démocratie.

Comment reprocher désormais aux députés d’extrême droite de défendre des positions qui vont à l’encontre de l’État de droit ? Comment les empêcher d’appeler leurs électeurs à se mobiliser encore davantage, puisque le « système » qu’ils dénoncent les empêchent justement d’honorer les responsabilités que les électeurs entendent leur confier ? Ce deuxième dysfonctionnement ne fait qu’alimenter leurs thèses. C’est déplorable.

Un troisième dysfonctionnement, enfin, résulte des conséquences que tire le Président de la République de cette situation. S’il a enfin reconnu avoir perdu les élections, plus de quinze jours après qu’elles ont eu lieu, il refuse encore d’admettre qu’un bloc est arrivé en tête. Il ne s’agit nullement de dire que ce dernier est le vainqueur incontestable et qu’il doit gouverner seul ! Non, sur ce point, le chef de l’État a raison : nul n’est en mesure de le faire.

Mais il y a des voies qui doivent être explorées et, précisément parce qu’il a perdu ces élections, le Président de la République n’est plus en mesure de déterminer la direction qui doit être choisie ou privilégiée.

Dès lors qu’un bloc est arrivé en tête et qu’il formule une proposition, le respect de nos principes démocratiques impose qu’elle soit écoutée par le Président. Ne serait-ce que pour constater son échec, si c’est le cas. Mais elle doit être écoutée et prise en considération car le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », selon l’article 5 de la Constitution. Alors qu’un Gouvernement est démissionnaire, le fonctionnement régulier des pouvoirs suppose qu’un nouveau Gouvernement soit nommé. Le rôle d’arbitrage suppose, quant à lui, qu’il écoute les forces politiques en présence. Les règles démocratiques, enfin, lui impose de tenir compte des résultats des élections, qui indiquent, d’une part, que le front républicain a été plébiscité et qu’il faut donc dépasser les clivages et, d’autre part, que le Nouveau front populaire est arrivé en tête et qu’il est légitime à proposer des solutions.

En refusant de les entendre, il agit lui-même de façon antidémocratique tout en voulant préserver notre démocratie et se place dans une contradiction paradoxale : il a voulu redonner la parole aux Français, les Français se sont exprimés… mais il ne les écoute pas.

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Sans souscrire à la « trêve olympique », La Constitution décodée prend néanmoins quelques semaines de vacances.

Sauf événement qui commanderait un retour à l’écran, le blog s’interrompt pour la période estivale et reviendra à la rentrée… dont la date est encore indéterminée !

Bonnes vacances à tous ceux qui me font l’honneur de me lire.

Au four gouvernemental et au moulin de l’Assemblée : une « anomalie »

Cette interview est initialement parue sur lepoint.fr 

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Les ministres démissionnaires ne devraient pas siéger – et encore moins voter – à l’Assemblée, estime Jean-Philippe Derosier. « La Constitution est claire : incompatibilité stricte », soutient ce professeur de droit public.

Propos recueillis par Nicolas Bastuck

C'est le débat juridique du moment, et il agite fortement la petite communauté des constitutionnalistes : les dix-sept ministres du gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, élus députés après la dissolution, peuvent-ils siéger au Palais-Bourbon alors qu'ils sont toujours en charge des « affaires courantes » ? Pouvaient-ils prendre part à l'élection de la présidente et du bureau de l'Assemblée ? Pour Jean-Philippe Derosier, professeur agrégé de droit public (Université de Lille), la réponse est « non ».

Le Point : Le fait que des ministres, démissionnaires, mais toujours en fonction pour « expédier les affaires courantes », puissent siéger et voter à l'Assemblée nationale est, selon vous, contraire à la Constitution et au droit. Une étape supplémentaire a été franchie avec l'élection de la présidente, du Bureau et des commissions permanentes de cette chambre, à laquelle ces ministres ont pris part. Ministre démissionnaire des Affaires européennes, Jean-Noël Barrot a été ainsi élu à la tête de la commission des Affaires étrangères. S'agit-il d'une incongruité ?

Jean-Philippe Derosier : C'est le mot. Pour une raison très simple : quand on est ministre d'un gouvernement, même démissionnaire, on est encore et d'abord ministre ; on exerce toujours l'autorité ministérielle, en vertu du principe de la continuité de l'État, jusqu'à la passation des pouvoirs avec le ministre nouvellement nommé.

On reste membre de l'exécutif…

Absolument. Or l'article 23 de la Constitution est on ne peut plus clair : « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire. » Une incompatibilité stricte a été posée en 1958 entre les fonctions parlementaires et ministérielles.

Pour autant, le même article 23 renvoie à une loi organique, qui fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de mandats parlementaires…

En effet, il s'agit de l'article 1er de l'ordonnance organique du 17 novembre 1958, reprise à l'article LO 153 du Code électoral. Que dit-il ? Que l'incompatibilité (entre les fonctions exécutives et parlementaires) ne prendra pas effet si le gouvernement démissionne avant l'expiration d'un délai d'un mois. Cet article, bien qu'assez mal fichu, est au moins clair sur un point : le délai commence à courir le jour de la formation du gouvernement. Un ministre nommé le 1er juin qui démissionnerait [ou dont le gouvernement démissionnerait] moins de trente jours plus tard, disons le 15 juin, pourrait aussitôt siéger à l'Assemblée [ou au Sénat], sans aucune incompatibilité. Voilà ce que dit l'article LO 153, et rien de plus.

Yaël Braun-Pivet a donc eu tort de s'en prévaloir pour justifier la participation des ministres démissionnaires au scrutin ayant conduit à son élection et à celle de son Bureau ?

Je le crois. Les dix-sept députés ministres démissionnaires, comme je les appelle, ont rejoint le gouvernement le 11 janvier 2024. Il y a plus de six mois, donc... Le délai d'un mois est dépassé. Selon moi, l'article LO 153 trouve à s'appliquer quand un parlementaire est nommé ministre, et va donc devoir quitter l'Assemblée nationale. L'incompatibilité entre les deux fonctions prend effet passé le délai d'un mois. Comme l'a souligné mon collègue Julien Boudon (Université Paris-Saclay), « l'hésitation est permise », durant ce délai ; le cumul, en revanche, ne l'est pas. C'est pourquoi le texte précise que le député, membre du gouvernement, « ne peut prendre part à aucun scrutin ».

Nous sommes ici dans un autre cas de figure : le ministre d'un gouvernement démissionnaire souhaite organiser son retour à l'Assemblée.

En effet. Ce retour est évoqué sommairement dans une autre disposition du Code électoral, l'article LO 176, qui précise que les députés qui auront accepté d'entrer au gouvernement seront remplacés dans leurs fonctions parlementaires par « les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet », autrement dit les suppléants, et ce jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la cessation de leurs fonctions gouvernementales.

Comment les choses s'organisent-elles concrètement ?

Faute de textes précis, il faut s'en remettre à la coutume, Pierre Avril aurait évoqué une « convention constitutionnelle ». Deux cas de figure peuvent être envisagés. Quand l'Assemblée est renouvelée, et que le gouvernement reste en place, les ministres élus sont remplacés un mois après leur élection par leurs suppléants. Pendant ce délai, ils peuvent à tout moment renoncer à leurs fonctions gouvernementales et retrouver l'Assemblée, sans toutefois pouvoir participer à un quelconque scrutin tant qu'ils n'ont pas été totalement délivrés de leurs fonctions ministérielles ; donc, tant qu'ils n'ont pas transmis leurs pouvoirs à leurs successeurs.

Si le gouvernement démissionne après les élections législatives, situation correspondant à celle qui nous préoccupe, l'incompatibilité ne s'applique pas ; les suppléants n'ont pas à remplacer les ministres élus, devenus démissionnaires. On applique en quelque sorte l'article LO 153 par extension, un peu comme si le gouvernement avait démissionné moins d'un mois après avoir été nommé.

Vous êtes donc d'accord avec Mme Braun-Pivet : les ministres du gouvernement démissionnaire peuvent siéger et pouvaient prendre part au vote du Bureau et des commissions…

C'est là où je m'inscris en faux. L'article LO 153 est clair : « Pendant ce délai [d'un mois], le député membre du gouvernement ne peut prendre part à aucun scrutin. » J'en reviens à votre question initiale : que M. Barrot puisse se faire élire président de la commission des Affaires étrangères me semble incongru mais pas forcément illégal. Qu'il ait participé à l'élection de Mme Braun-Pivet, à celle du Bureau et à sa propre élection me semble, en revanche, l'être [illégal]. Car il est toujours membre du gouvernement. Je veux bien concevoir qu'il n'ait pas eu à attendre un mois pour revenir à l'Assemblée. En revanche, et au risque de me répéter, il ne pouvait en aucun cas, pas plus que ses collègues ministres, participer à un quelconque scrutin.

Il est démissionnaire…

Oui, mais toujours en charge des affaires courantes, ce qui le conduit à prendre des décisions, à exercer son autorité ministérielle, fût-ce de façon restreinte, pour les « affaires courantes ».

Au-delà de ces arguties juridiques, ne serait-il pas plus simple d'en revenir à Montesquieu, au principe de la séparation des pouvoirs, et à la lettre de l'article 23 de la Constitution ?

Sur Montesquieu, je répondrais non. Il faut bien voir que la France fait figure d'exception, parmi les régimes parlementaires, en interdisant le cumul d'un mandat de député et d'une fonction gouvernementale, contrairement à ce que l'on observe, par exemple, en Italie ou en Grande-Bretagne.

En revanche, je vous rejoins sur l'article 23, qui pose une incompatibilité stricte entre une fonction gouvernementale et un mandat parlementaire. Ce choix a été fait en 1958 par le général De Gaulle, qui voulait détacher les fonctions législatives des fonctions exécutives. À aucun moment, il n'envisageait que l'on puisse être à la fois ministre et député. J'observe que le texte repris à l'article LO 153 du Code électoral date de cette période. Ce repère historique est fondamental, précisément parce que l'incompatibilité posée à l'article 23 de la Constitution est une innovation de la Ve République.

En 2022, Mme Braun-Pivet a observé cette règle : elle a quitté le gouvernement, où elle siégeait, et Mme Borne a repris ses attributions. Ainsi déliée de ses fonctions, elle a pu briguer le perchoir de l'Assemblée nationale.

Votre position ne fait pas l'objet d'un consensus, chez vos collègues constitutionnalistes. Dominique Rousseau, Julien Bonnet ou encore Benjamin Morel, pour ne citer qu'eux, s'en tiennent au dernier alinéa de l'article LO 153 : « L'incompatibilité ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire avant l'expiration [du] délai [d'un mois]. »

Oui, sauf que cette dernière phrase vient conclure un article où il n'est aucunement question d'un ministre qui revient à l'Assemblée mais d'un député appelé au gouvernement. À supposer que l'on extrapole, et que l'on considère que le délai d'un mois dont parle la loi débute avec l'élection de la nouvelle Assemblée – et non la nomination d'un gouvernement : un ministre élu pourra effectivement rejoindre l'Assemblée et y exercer la plénitude de ses attributions sans avoir été remplacé par son suppléant ; il pourra s'affranchir de ce délai de transition mais une fois, et une fois seulement, qu'il ne sera plus ministre. C'est-à-dire après la nomination d'un nouveau gouvernement et la passation des pouvoirs !

Pourquoi, alors, le texte ne le précise-t-il pas ?

Parce que c'est une évidence ! La lecture que j'en fais est la seule possible pour respecter l'esprit et la lettre de l'article 23 de la Constitution, qui n'envisage aucune dérogation possible, ainsi que la volonté des instigateurs de la Ve République.

Vos contradicteurs font de l'article LO 153 une lecture littérale : l'incompatibilité ne s'applique pas si le gouvernement a démissionné moins d'un mois après l'élection de la nouvelle Assemblée.

En effet.

Il y a des précédents : à plusieurs reprises, notamment en 1988, des ministres élus députés d'un gouvernement démissionnaire ont participé à l'élection du président de l'Assemblée nationale. Ainsi, le premier gouvernement de Michel Rocard avait démissionné le 22 juin, le président de l'Assemblée avait été élu le 23 et Michel Rocard avait été renommé le jour même.

Cela confirme que c'est « possible », non que c'est « légal ». Fumer sur le quai d'une gare est interdit. Vous êtes rarement sanctionné, mais cela reste interdit. Les ministres démissionnaires, élus députés, n'avaient pas le droit de prendre part au vote, mais ils l'ont fait. Les faits ne sont pas toujours conformes au droit.

Sauf qu'ici, il ne s'agit pas d'un mégot de cigarette, mais de nos institutions.

Il y a dans cette situation une succession d'anomalies. À mon sens, les ministres démissionnaires ne devraient pas siéger, mais il n'est pas normal, non plus, que dix-sept voix manquent à l'appel au sein de la nouvelle Assemblée. Deux anomalies se chevauchent.

Une anomalie de plus : le Conseil constitutionnel n'est, a priori, pas « compétent » pour juger de la légalité de l'élection du président et des instances de l'Assemblée nationale… Le recours formé par LFI risque donc de faire long feu…

À coup sûr, car le Conseil constitutionnel ne dispose que de compétences d'attribution (les domaines sur lesquels il doit statuer). Or il n'est écrit nulle part qu'il exerce un contrôle sur le fonctionnement interne des assemblées parlementaires. En 1986 et 1988, notamment, le Conseil constitutionnel a été saisi après l'élection du président de l'Assemblée nationale. À chaque fois, il s'est déclaré incompétent.

Aucun contrôle externe possible, donc…

Aucun. La situation que nous vivons met au jour une série d'anomalies qu'il conviendrait de corriger. L'Assemblée nationale ne saurait être privée de dix-sept de ses membres ; les suppléants des ministres élus devraient pouvoir siéger jusqu'à ce que ces derniers soient libérés de leurs fonctions gouvernementales ; le Conseil constitutionnel devrait être l'instance d'appel, en cas de contestation de l'élection de la présidence et des membres du Bureau de l'Assemblée. Bref, le droit devrait corriger ces anomalies en cascade, qui affectent la légitimité des instances élues de l'Assemblée, ce qui n'est pas très sain. Tel est l'objet des 130 propositions que le Groupe de réflexion sur l'évolution de la Constitution et des institutions (GRÉCI), que j'ai fondé en 2023, a formulées sur sa plateforme, et qui seront reprises dans un ouvrage à paraître à la rentrée.

La Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune pour Le Monde 

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« La Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution » : tels étaient les mots de François Mitterrand, en 1986, à la veille des élections législatives qui devaient amorcer la première cohabitation. Près de quarante ans plus tard, alors que le pays paraît plonger depuis dimanche 7 juillet dans une période de grande incertitude, il est nécessaire de s’appuyer sur notre texte fondamental pour apporter les clarifications nécessaires.

Au soir du second tour, le Premier ministre a indiqué que, « fidèle à la tradition républicaine, je remettrai demain matin ma démission au Président de la République ». En effet, au lendemain d’élections nationales, il est de tradition que le Premier ministre procède ainsi, afin que le Président de la République puisse tirer les conséquences de ces élections. Cependant, si « la Constitution » ne l’impose pas formellement, une lecture de « toute la Constitution » permet bien de comprendre qu’il ne s’agit pas là d’une simple tradition, mais d’une application de principes constitutionnels.

« Les ministres démissionnaires ayant toujours un pouvoir de décision et d’autorité, ne devraient pas pouvoir siéger en tant que députés »

Cette interview est initialement parue sur liberation.fr 

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Le Premier ministre Gabriel Attal peut-il aussi présider le groupe Renaissance à l’Assemblée alors que la Constitution interdit un tel cumul ? Éclairage avec les constitutionnalistes Jean-Philippe Derosier et Benjamin Morel.

Réélu député des Hauts-de-Seine à l’issue des législatives anticipées, Gabriel Attal a officiellement annoncé ce vendredi 12 juillet sa candidature à la présidence du groupe Renaissance à l’Assemblée. Seul candidat en lice, le Premier ministre devrait être désigné samedi. Il devrait pouvoir, par la suite, représenter son parti à la conférence des présidents, qui se réunit chaque semaine afin de décider de l’ordre du jour de l’hémicycle. Seulement, l’article 23 de la Constitution est clair : « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire. » Or bien que Gabriel Attal ait remis sa démission au président de la République le 8 juillet, celui-ci ne l’a pas encore acceptée. Il reste donc Premier ministre de plein exercice.

Libération a interrogé deux constitutionnalistes sur cette contradiction. Jean-Philippe Derosier est professeur agrégé de droit public à l’université de Lille et titulaire de la chaire d’études parlementaires, et Benjamin Morel maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas.

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