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Formation du gouvernement : quels sont les scénarios possibles ?

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs

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Les résultats des élections législatives paraissent nous plonger dans l’incertitude, non seulement quant à la composition du gouvernement et à l’identité de celui ou celle qui le dirigera, mais aussi quant à la faculté de nos institutions à résister aux multiples crises qui s’annoncent. Pour autant, l’expérience de bientôt soixante-six ans de Ve République enseigne que notre Constitution a toujours permis – jusqu’à présent – de surmonter les crises qui advenaient. On veut croire que ce sera encore le cas et les prochains jours seront déterminants.

Les électeurs ont adressé un premier message d’une incroyable clarté : non à un gouvernement d’extrême droite. Alors que l’on s’attendait à ce que ce bloc soit en tête à l’issue du second tour, il est relégué en troisième position. C’est la victoire du front républicain, c’est-à-dire d’une union des forces républicaines contre un gouvernement extrémiste, qui assumait de remettre en cause des principes constitutionnels. Cette victoire oblige ceux qui en ont profité et ils doivent en tirer les conséquences.

 

Cette décision est constitutionnellement incompréhensible et démocratiquement irresponsable

Les électeurs ont exprimé un autre message, tout aussi clair : ils renoncent à une majorité du bloc présidentiel. Emmanuel Macron et Gabriel Attal sont battus et il est indispensable que la composition d’un futur gouvernement en tire les conséquences. Selon la tradition républicaine, après des élections nationales, le Premier ministre a remis sa démission au président de la République. L’actuel gouvernement, désormais démissionnaire, continuera à gérer les « affaires courantes ». Le président de la République l’a refusée, « pour le moment », afin « d’assurer la continuité du pays ».

Il s’agit certes là de l’usage d’une faculté constitutionnelle, mais cette décision est constitutionnellement incompréhensible et démocratiquement irresponsable. Sur le plan constitutionnel, s’il s’agit d’assurer la « continuité du pays », le gouvernement démissionnaire aurait pu gérer les « affaires courantes », pendant un temps indéterminé et jusqu’à la composition d’un nouveau gouvernement. Sur le plan démocratique, Emmanuel Macron a perdu les élections et il ne saurait imposer quoi que ce soit. Enfin, nul doute que si la démission n’est pas acceptée d’ici le 18 juillet, date d’ouverture de la session extraordinaire, une motion de censure serait immédiatement déposée, discutée et certainement adoptée.

Il est donc nécessaire de désigner un nouveau gouvernement. Ce dernier ne pourra pas être composé par Emmanuel Macron, qui ne pourra pas davantage « choisir » le Premier ministre, car il a perdu les élections. La légitimité qu’il avait acquise lors de sa victoire en 2022 est remise en cause par ces élections législatives et une nouvelle légitimité s’impose désormais. Emmanuel Macron est seulement chargé, en vertu de l’article 5 de la Constitution, d’assurer, « par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Il aura la compétence, en vertu de l’article 8, de nommer le Premier ministre mais, en raison du caractère strictement parlementaire de notre régime, il devra nommer une personnalité qui pourra être soutenue par une majorité à l’Assemblée nationale ou, plus exactement, une personnalité à même de composer un gouvernement qui ne s’exposera pas immédiatement à une motion de censure, adoptée à la majorité absolue des députés, soit 289.

Le président de la République peut ainsi inviter les différentes forces politiques à se concerter, à échanger et dialoguer, pour identifier cette personnalité. Il peut jouer un rôle « d’arbitrage » en favorisant les conditions du dialogue et inviter les partis politiques autour de lui, à l’Elysée, mais il n’a pas un rôle décisionnel. Il doit s’effacer désormais devant les usages du parlementarisme.

Le Nouveau Front populaire étant le bloc politique le plus important, il serait logique que le Premier ministre en soit issu, à la condition cependant d’être en mesure non seulement de rassembler ce camp, mais aussi d’être soutenu par un autre, vraisemblablement Ensemble, c’est-à-dire l’ancienne majorité présidentielle ou une partie de celle-ci. Plusieurs responsables politiques ont indiqué, dans la foulée des résultats, refuser toute ouverture au-delà de leur camp et de leur programme. Les électeurs, donc le peuple qui est le seul décideur dans une démocratie, ont pourtant indiqué une autre position.

En effet, un nombre important de députés tant du Nouveau Front populaire que d’Ensemble a été élu non en raison d’un ralliement à leur programme, mais grâce au front républicain, c’est-à-dire au désistement d’un candidat arrivé en troisième position au soir du premier tour. Il en va ainsi d’environ quatre-vingts députés Ensemble et d’une cinquantaine de députés NFP. Démocratiquement, il est nécessaire de tenir compte d’un tel vote, en prenant en considération le choix des électeurs, lequel impose d’atténuer certaines positions programmatiques, en vue de composer un gouvernement de coalition qui dépasse un seul bloc politique. Toute prise de position inverse conduirait à l’échec.

Dans les prochains jours, il appartient donc aux différents responsables politiques et au président de la République de dialoguer et de se concerter pour identifier les partis disposés à gouverner communément et la personnalité qui assumerait les fonctions de chef de gouvernement. Ces échanges peuvent être rapides, si chacun assume ses responsabilités, entend les électeurs et s’ouvre au dialogue. Ils peuvent aussi être très longs, ouvrant une période de transition qui pourrait aller jusqu’à la fin de l’été.

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