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Une session ordinairement extraordinaire

Les rentrées se suivent, mais ne se ressemblent pas.

La rentrée engrange généralement excitation et agitation. Rentrée des classes : excitation des élèves, agitation des enseignants. Rentrée sociale : excitation des salariés, agitation des syndicats. Rentrée politique : excitation des élus, agitation des journalistes.

Rentrée parlementaire : excitation des députés et sénateurs, agitation des collaborateurs et conseillers ? Habituellement, oui. Cette année, non.

La rentrée parlementaire 2016 a lieu le 27 septembre, de façon anticipée, en raison de la convocation d’une session (ordinairement) extraordinaire.

Extraordinaire puisque la session ordinaire commence début octobre pour se terminer fin juin, depuis la révision constitutionnelle de 1995 qui a introduit la session unique. Le Parlement n’est en session que neuf mois sur douze… ordinairement ! Car des sessions extraordinaires peuvent être convoquées à tout moment pendant les mois d’été, par le Président de la République, à l’initiative du Premier ministre ou de celle de la majorité des députés (et non des sénateurs, qui ne disposent d’aucun droit d’initiative en cette matière).

Mais ordinairement extraordinaire, car depuis plus de quinze ans, il y a eu systématiquement une session extraordinaire, voire deux : en juillet et en septembre. Il faut remonter à 2006, pour n’en avoir qu’une seule et à 2000 pour retrouver une session qui commence effectivement en octobre 2000 pour se terminer effectivement en juin 2001.
 
Cela conforte l’analyse soulignant la boulimie législative, indigeste comme toute boulimie. Le législateur n’a de cesse de réagir par la loi d’abord, de réfléchir à l’intérêt de sa réaction ensuite. Le Gouvernement n’a de cesse de lui imposer un rythme législatif frénétique, accéléré, densifié, sans considération pour le temps nécessaire à la maturation de la discussion et à la qualité de la loi. Le nombre d’heures de session augmente continuellement, proportionnellement au nombre de pages au Journal officiel, au nombre d’articles dans les lois, au nombre d’alinéas dans les articles, à la longueur des phrases dans les alinéas.

S’il faudrait que cela cesse, le cantonnement à une session ordinaire d’octobre à juin, à l’exclusion de sessions extraordinaires en juillet et septembre, n’est sans doute pas la solution. Et la pratique de ces dernières années interroge alors sur l’intérêt de continuer à limiter ainsi la session ordinaire : ne faudrait-il pas prévoir qu’elle s’ouvre en septembre, pour se clore en juillet ?

En effet, le calendrier actuel est issu du rythme antérieur à 1995, où il y avait deux sessions : l’une s’ouvrant le 2 octobre pour 80 jours maximum, principalement destinée à l’adoption de la loi de finances, l’autre s’ouvrant le 2 avril pour 90 jours maximum, conduisant le Parlement à adopter l’essentiel de ses textes au cours de cette seconde période. L’interruption des trois mois d’été était ainsi le pendant à l’interruption des trois mois d’hiver. Si l’interruption estivale est moins problématique que son homologue hivernale, en raison de la léthargie classique de la France – et de bon nombre d’autres pays – en août, la première pourrait être réduite désormais que la seconde a disparu.

Au-delà d’un temps de travail plus étendu, cela garantirait que le Parlement serait en session à une période où l’actualité politique est encore dense, si d’aventure un Gouvernement devait renoncer à convoquer une session extraordinaire et empêcher ainsi tout contrôle parlementaire de juillet à septembre inclus.

La session qui s’ouvre a ceci de doublement singulier qu’elle sera écourtée et qu’à l’excitation et l’agitation classiques fait place un calme olympien.

2017 est une année électorale, entre présidentielle (fin avril et début mai) et législatives (mi et fin juin). Afin de permettre que la campagne électorale se déroule dans les meilleures conditions, il est de coutume que le Parlement ne siège pas lors des semaines précédant l’élection présidentielle, jusqu’au lendemain des législatives. Cette année, il devrait suspendre ses travaux fin février 2017 : c’est un peu plus tôt qu’en 2012 et 2007 (début mars), mais identique à 2002.

Le calme de cette rentrée n’est guère plus surprenant pour une année électorale, à ceci près que si l’on connaissait l’accalmie, on découvre le véritable calme plat… certains textes examinés cette semaine n’ont pas encore trouvé orateur dans la discussion générale.

Mais qu’on ne s’y méprenne : si la rentrée est calme, la tempête politique à venir n’en sera que plus redoutable, sans doute !

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