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Macron, ça marche !

Emmanuel Macron a vraisemblablement réussi le pari le plus fou de la Vème République.

En à peine trois ans, depuis qu’il est devenu Ministre de l’économie en août 2014, sans avoir occupé aucune autre fonction gouvernementale ou élective auparavant, il est parvenu à se créer une légitimité et une crédibilité politiques, à se faire un nom, à prouver ses compétences, à faire rêver les Français.

En à peine un an, il a réussi à fonder un mouvement, devenu véritable parti politique, à se créer un statut de présidentiable, à tisser un maillage territorial et à lever des fonds suffisants pour mener une campagne présidentielle, à engranger des soutiens de droite et de gauche, renforçant sa crédibilité.

Aujourd’hui, il a réussi à occuper l’espace politique qui donne systématiquement la victoire à l’élection présidentielle mais qui, paradoxalement, n’a jamais, lui-même remporté cette élection : le centre.

L’élection présidentielle, en France, se gagne au centre, mais toujours à partir de l’un des deux pôles qui parvient à le capter. Cette fois-ci, elle se gagnera encore au centre, mais par le centre lui-même.
 
Car l’issue du scrutin du 7 mai ne fait guère de doute : Emmanuel Macron sera Président de la République. Ce n’est pas faire preuve d’une assurance déplacée, mais simplement de lucidité. Ses propres voix, ajoutées à celles qui refusent que Marine Le Pen soit élue, de Jean-Luc Mélenchon à François Fillon, seront toujours plus nombreuses que celles qui soutiendront le Front national.

L’inconnue réside dans l’ampleur de la victoire. Si l’on sait déjà qu’il ne l’emportera pas avec autant d’avance que Jacques Chirac en 2002, parviendra-t-il à dépasser la barre des 60% et détenir ainsi le deuxième meilleur score depuis 1965 ?

Ce serait heureux. Mais ce n’est pas acquis. C’est cela qui justifie une mobilisation et le combat de la campagne présidentielle des prochains jours. Car il lui faut affirmer sa force face au Front national, afin de symboliquement le réduire au minimum absolu et démontrer qu’il pèse réellement dans l’électorat, en vue des prochaines échéances.

Ce scrutin nous enseigne également que les Français ne souhaitent ni la sortie de l’Union européenne ni une refonte des institutions qui mènerait à une VIème République. Aucun candidat prônant l’une ou l’autre ne s’est qualifié, les voix exprimant le maintien dans l’Union et l’adhésion à la Vème République sont plus fortes que celles qui s’y opposent.

En revanche, s’il est encore trop tôt pour se livrer à une étude de la sociologie d’un vote Macron, on peut relever que la surprise de son pari gagnant, sur lequel bien peu se seraient engagés il y a un an, n’a d’égale que celle de l’absence des deux partis de Gouvernement, au second tour.

Le score d’Emmanuel Macron est aussi historiquement élevé que celui de Benoît Hamon est historiquement faible (seul Gaston Defferre avait fait pire, en 1965, avec 5,01%). La qualification d’Emmanuel Macron est aussi étonnante que l’élimination de François Fillon est stupéfiante.

Il n’est pas tout à fait exact de soutenir que ce résultat signifie une volonté de renouveau, sinon Marine Le Pen, déjà candidate en 2012, d’un parti créé voilà plus de 40 ans, n’aurait pas été qualifiée. Ou un vote « anti-système », sinon Jean-Luc Mélenchon aurait été qualifié. Ou une envie de rajeunissement, sinon Benoît Hamon aurait été qualifié.

Néanmoins, on peut retenir, d’abord, que les primaires n’ont pas eu l’effet utile escompté, voire qu’elles ont été contreproductives. Aucun candidat issu d’une primaire n’est qualifié. Certains ne se sont pas même présentés (notamment Yannick Jadot). François Fillon, tenu pour seul responsable de la défaite de son camp en raison de ses « affaires », s’est imposé et maintenu principalement grâce à celle qui avait légitimé sa candidature.

On peut relever, ensuite, un désir de plus grande probité, que la qualification de Marine Le Pen, malgré les nombreuses affaires dont elle aura à répondre devant la justice, ne suffit pas à contredire. D’une part, elle reste fidèle à son image. D’autre part, ses électeurs inclinent pour un grand bouleversement, donc tiennent le système, y compris judiciaire, pour responsable des maux auxquels ils veulent mettre un terme. À l’inverse, c’est parce que François Fillon ne correspondait pas à celui qu’il prétendait être lors de la primaire qu’il a été éliminé au premier tour.

On peut également relever l’envie de changement… dans la continuité. Le changement est incarné par Emmanuel Macron : sa jeunesse, son parcours, son projet. La continuité est marquée par l’héritage du hollandisme : le vote Macron est fort principalement parce que le vote Hamon est faible. Les électeurs d’En Marche ! sont donc essentiellement des électeurs socialistes, qui ont voté François Hollande en 2012.

On doit souligner, enfin, la remise en cause de la traditionnelle bipolarité. Tel fut déjà le cas en 2002, mais c’était une réelle surprise et la bipolarisation avait recouvré ses droits dès les législatives de juin. En 2017, elle était annoncée par les sondages et elle est confirmée par le scrutin. Avec la qualification d’un candidat centriste et d’un autre extrémiste, les deux pôles traditionnels s’effacent et de nouvelles forces gravitationnelles s’affirment.

L’une a d’ores et déjà atteint, pratiquement, la limite de ce qu’elle pouvait attirer à elle, dans le cadre de ces élections. L’autre, en revanche, bénéficie encore d’une force attractive importante, lui permettant de rassembler, de gagner et d’espérer gouverner.

C’est ici qu’il faut rester humble et ne pas être triomphant trop vite. Car Macron, ça marche, mais la marche jusqu’à une victoire aux législatives est encore longue.

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