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Triple erreur

Sur la réforme des institutions, le Gouvernement commet une triple erreur : sur l’instant, sur la méthode, sur le fond. On s’interroge ainsi fortement sur les chances de succès de cette réforme.

Alors que pendant neuf mois il a bénéficié d’une légitimité forte et qu’il était soutenu par une majorité qui dépassait son seul parti politique, il choisit un moment de crispations pour amorcer le processus de réforme institutionnelle. Cette réforme se décompose en une loi constitutionnelle, une autre organique, une troisième ordinaire. Si les deux dernières peuvent être adoptées, en lecture définitive, par la seule Assemblée nationale (à l’exception des dispositions spécifiques au Sénat, pour la loi organique, telle la réduction du nombre de sénateurs), la première requiert d’abord un accord entre les deux chambres sur un texte identique, puis une ratification référendaire ou par le Congrès, à la majorité des 3/5e des suffrages exprimés.

Nul doute, ainsi, que le Sénat subordonnera son vote de la loi constitutionnelle à un accord général, sur l’ensemble de la réforme. Et bien mal inspiré serait le Président de la République qui essaiera de passer en force, sur ce sujet, contre Gérard Larcher, en tentant notamment le recours au référendum.

La méthode, également, est erronée. Quand donc un Président comprendra-t-il que, s’il dispose certes de l’initiative de la révision constitutionnelle, seul le Parlement peut la voter ?

Cela signifie que son accord est indispensable. Et, pour le garantir, autant associer d’emblée les parlementaires à la préparation de la révision, dans le cadre d’un processus transparent comme une commission constitutionnelle paritaire, associant députés et sénateurs de tous les groupes. En menant des négociations aussi obscures que secrètes pour, finalement, imposer un texte, l’Exécutif ne s’assure pas l’indispensable soutien parlementaire. En menant une préparation conjointe et transparente, il est alors plus difficile pour ceux qui ont préparé la réforme de refuser de la voter.

La logique est évidente : asphyxier le Parlement et tuer l’opposition

Enfin, sur le fond, cette réforme institutionnelle est antiparlementariste et fait régresser la démocratie. Peut-être pas sur tous les points, certes. Mais, Monsieur le Président, dans votre réforme, il y a des choses bonnes et des choses nouvelles. Malheureusement, les choses bonnes ne sont pas nouvelles et les choses nouvelles ne sont pas bonnes.

Ainsi, la suppression des membres de droit du Conseil constitutionnel, la suppression de la Cour de justice de la République, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, l’interdiction du cumul des fonctions ministérielles avec un mandat exécutif local sont autant de mesures nécessaires pour moderniser notre régime. Toutes avaient été proposées en 2013.

À l’inverse, la réduction de 30% du nombre de parlementaires, associée à l’introduction d’une dose de 15% de proportionnelle pour l’élection des députés, fait clairement régresser la démocratie.

Cela conduira à ce que seuls 343 députés soient élus dans les circonscriptions, soit quasiment le nombre actuel de sénateurs. En partant sur cette base, on peut ainsi projeter que 52 départements n’éliront plus qu’un ou deux députés, contre 25 actuellement : c’est plus de la moitié des départements français.

Il en résultera une baisse très nette du taux de représentativité, plaçant la France parmi les pays les plus faibles au monde en la matière. Seuls les États-Unis ou la Russie viendront la concurrencer, or il s’agit de pays continents et fédéraux, qui ne sont donc pas comparables.

En réalité, la logique est évidente : asphyxier le Parlement et tuer l’opposition. En effet, sauf incident, la majorité parle toujours d’une seule voix. En revanche, les oppositions sont diverses, leurs voix sont plurielles et ce sont diversité et pluralité qui font leur force, leur permettant de peser contre la majorité. En réduisant le nombre de Parlementaires, en abaissant le taux de représentativité, les oppositions seront moindres.

Par ailleurs, les parlementaires devront totalement repenser la question de leur présence dans leurs circonscriptions qui, devenues bien plus grandes, seront d’autant plus difficiles à parcourir et à connaître. Or, c’est bien sur ces territoires que les élus nationaux enrichissent leur expérience et gagnent la connaissance qui leur permet de nourrir le débat législatif et le contrôle des politiques publiques.

Alors qu’il nous promettait de renforcer et de moderniser notre démocratie, l’Exécutif la fait régresser.

Là encore, il commet une grossière erreur.

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