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Petite fable constitutionnelle sur les péripéties d’une candidature à l’élection présidentielle

Il était une fois, dans une vieille démocratie qui se prévalait de la transparence, une élection présidentielle qui devait se dérouler les 23 avril et 7 mai 2017. Bien avant, déjà, de nombreux candidats se plaçaient sur la ligne de départ.

Certains savaient qu’ils n’avaient aucune chance de la franchir, ne pouvant prétendre à être investis, mais espérant pouvoir peser sur une autre candidature. D’autres étaient convaincus d’y parvenir et quelle ne fut pas leur surprise lorsque le dossard leur fut retiré. Quelques-uns seulement pouvaient, in fine, dûment prétendre au statut tant envié de « candidat à l’élection présidentielle ».

Toutefois, pour en connaître effectivement la liste, il fallait attendre le 17 mars 2017, à 18 heures, instant limite pour que les présentations de candidatures (les célèbres « parrainages ») soient envoyées au Conseil constitutionnel, haut gardien du déroulement de cette élection.

Mais toute campagne électorale connaît des rebondissements, certains plus houleux que d’autres…


Fort heureusement, dans cette démocratie qui se désirait exemplaire, un article 7 de la Constitution parait à de nombreuses éventualités et autres aléas de la campagne.

Car il s’est trouvé, justement, que cette exemplarité fut mise à mal par ce candidat même qui l’avait pourtant longuement prônée et fut ainsi bien légitimé par l’exercice fabuleux d’une primaire.

On évoquait alors la possibilité d’un plan de rechange, fermement dénoncé et rejeté par le concerné, quoique de moins en moins fermement à mesure des jours qui avançaient.

On se demandait alors comment élaborer ce plan. Fallait-il à nouveau recourir à une primaire ? Mais alors, comment l’organiser dans de si brefs délais ? Fallait-il automatiquement investir le candidat arrivé second, lequel se plaisait toutefois à se faire désirer ? Fallait-il en rechercher un autre, plus consensuel, ou plus combatif, ou plus jeune, ou plus vieux, ou plus expérimenté, ou plus ingénu, ou quoi que ce soit, pourvu qu’il puisse faire oublier cet incident qui pourrait bien faire perdre une élection donnée pour gagnée d’avance ?

C’est alors que quelques alinéas de ce fameux article 7 de la Constitution furent évoqués, quoique pas encore invoqués.

Invoqués, ils ne l’auraient pu qu’à compter du 10 mars 2017, soit sept jours avant la date limite de dépôt des présentations de candidature.

À compter de cette date, l’alinéa 6 de cet article offrait au Conseil constitutionnel la possibilité de décider du report de l’élection présidentielle, dans l’hypothèse où une personne, qui aurait publiquement fait connaître, moins de trente jours auparavant, son intention d’être candidat, décédait ou se trouvait empêchée.

Ce report aurait même été de droit dans l’hypothèse où le décès ou l’empêchement concernait un candidat, après la date limite de dépôt des présentations, ainsi que l’indique l’alinéa 7.

Pour être invocable, il aurait donc fallu que ledit candidat fût « empêché ». La difficulté étant que ni la Constitution ni la loi organique ne définissent l’empêchement, ce qui paraît d’ailleurs bien difficile et fort peu prudent pour qui veut répondre à l’imprévu.

Toutefois, à s’en reporter aux définitions classiques, on pouvait estimer qu’il s’agissait là d’un événement qui frappait le candidat, rendant alors impossible sa candidature, sans que le concerné pût effectivement agir sur la cause.

Or, si ledit candidat avait clairement indiqué qu’il aurait renoncé à toute candidature dans l’hypothèse où il aurait été mis en examen, il s’agissait là d’une décision qui n’engageait que lui. En aucun cas, cette mise en examen lui aurait interdit d’être candidat, ou l’aurait « empêché ».

On aurait pu néanmoins envisager, puisqu’il n’y avait aucune définition constitutionnelle, que le Conseil constitutionnel, seul interprète authentique en la matière, décidât autrement. Au nom de l’intérêt supérieur de la République et de la démocratie (exemplaire), il aurait pu considérer que l’élection présidentielle dût être reportée pour éviter que la participation du parti politique à ce scrutin, alors qu’il était l’un des prétendants légitimes à la victoire, ne fût sérieusement compromise.

Bref, il aurait pu retenir que la mise en examen de ce candidat, à une date proche du scrutin, fût la « cause que sa candidature ne se fisse pas », définition de l’empêchement selon le Littré.

Il avait alors la faculté de décider de la date de nouvelles élections. L’alinéa 10 de l’article 7 de la Constitution imposait ainsi que le scrutin eût lieu au plus tard 35 jours après la décision du Conseil. Cela apportait un double éclairage.

D’une part, un report n’était envisageable que si la décision était rendue moins de 35 jours avant la date actuellement fixée pour le premier tour. Celui-ci était fixé le 23 avril et, donc, il fallait que ladite décision intervienne après le 19 mars 2017. Pour cela, il fallait que le renoncement du candidat eût lieu peu de jours auparavant.

D’autre part, la décision et, par conséquent, la saisine du Conseil constitutionnel ne pouvaient avoir de réel effet que si la première était rendue après cette date du 19 mars 2017. Soit une date bien lointaine, au moment où l’on pouvait s’interroger sur ces questions…

En définitive, l’empêchement étant bien loin d’être qualifié, la date d’effet étant bien loin d’être atteinte, ce report est bien une fable…

Comme la démocratie exemplaire dans laquelle il aurait lieu ?

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