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Le Sénat, ou l’opposition ravivée

Une droite confortée, une gauche préservée, la République en marche a échoué.

Voici comment on pourrait décrire, en quelques mots, les résultats des élections sénatoriales d’hier. En réalité, il n’y a là rien de surprenant. Ce n’est point la victoire de « l’ancien monde », comme le décrient certains, mais bien la logique institutionnelle de la Vème République et, particulièrement, des élections sénatoriales.

Tout, au Sénat, est prévu pour faire de la seconde chambre une instance de tempérament, d’opposition constructive, de « raison de la République », pour reprendre la formule que Boissy d’Anglas utilisa pour désigner le Conseil des Anciens, dans la Constitution du Directoire (1795). Tel est son rôle constant dans notre histoire constitutionnelle et cela ne change pas.


Cela commence par son mode d’élection. Élu par des élus, les grands électeurs, pour une durée de six ans, mais renouvelé par moitié tous les trois ans, le Sénat ne peut pas subir les mêmes changements nets de majorité que l’Assemblée nationale. Les résultats le confirment : ils sont la répercussion des élections locales de 2014 et 2015, notamment les municipales de 2014, qui ont vu une percée de la droite. Selon cette même logique, là où le Parti socialiste était parvenu à résister, comme à Paris ou en Loire-Atlantique, il a fait, hier, un score honorable, arrivant en tête.

Ainsi, on ne peut pas s’étonner que la majorité gouvernementale ait connu une forme de revers électoral. D’abord, n’existant pas lors des scrutins de 2014 et 2015, la REM ne pouvait pas disposer d’élus locaux, à l’exception de ceux qui s’y sont ralliés. Ensuite, les territoires où elle est bien implantée (Bretagne, Lyon) n’étaient pas soumis à renouvellement. Enfin, les décisions annoncées pendant l’été sur la suppression des emplois aidés, la révision de la taxe d’habitation ou la dotation des collectivités territoriales, malgré la pédagogie qui les a accompagnées, ont été perçues comme une attaque contre les territoires, notamment ruraux.

Or c’était précisément là que la majorité pouvait espérer remporter quelques sièges supplémentaires, en convaincant les maires de petites communes qui, bien souvent, ne sont pas ou peu politisés. La démarche du Gouvernement et du Président de la République ne doit pas être perçue comme irrationnelle ou suicidaire pour autant.

Quoi qu’aient pu en dire certains, il était impossible que la REM obtienne la majorité au Sénat, soit 175 sièges. Il était même certain qu’avec ses alliés (le Modem, Les Républicains constructifs), elle ne pourrait atteindre ni cette majorité ni celle de 160 sénateurs, lui permettant de réunir 3/5e des parlementaires au Congrès. Par conséquent, les négociations auraient été et seront, de toutes façons, inévitables pour trouver des accords sur les textes.

Si bien qu’il était politiquement plus important de maintenir ces engagements, auprès des Français mais aussi de Bruxelles, que de tenter de séduire quelques élus locaux supplémentaires, pour, au final, atteindre un résultat assez similaire.

Par ailleurs, la gauche et, notamment, le Parti socialiste (ou ce qu’il deviendra) devraient désormais trouver au Sénat une tribune importante pour faire valoir leur opposition à la politique gouvernementale. Tout dépendra, ici, de la personnalité du président du groupe, élu demain, de la ligne politique qui sera retenue et de la possibilité d’éviter une scission.

Pour la première fois depuis 1993 et dans une proportion bien plus importante, les socialistes sont plus nombreux au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Cela renforce d’autant leur positionnement politique, au sein de cette assemblée. Surtout qu’ils y demeurent le deuxième groupe le plus important, après Les Républicains, loin devant la REM, qui ambitionnait de le devenir. Mais, pour cela, il leur faut rester unis. La désignation de leur président revêt ainsi une importance particulière.

Enfin, ces résultats soulèvent la question de la faisabilité d’une révision constitutionnelle.

Elle n’est nullement remise en cause, car toute révision ayant abouti a toujours été le fruit de compromis entre les deux assemblées. Et la question n’est pas tant celle de la majorité des 3/5e au Congrès que celle d’une majorité sénatoriale, soutenant le même texte que celui adopté par l’Assemblée. Car, ne l’oublions pas, avant même d’aller au Congrès ou de soumettre la révision à referendum, les deux chambres doivent s’accorder sur un texte identique. Ici, c’est la droite et Les Républicains qui pèseront.

Le Président de la République pourra alors déployer, à nouveau, ses talents d’équilibriste et raviver sa politique du « en même temps ».

Il lui faudra convaincre l’Assemblée nationale et en même temps le Sénat, la droite et en même temps la gauche. Bref, aboutir à une révision constitutionnelle qui soit équilibrée et en même temps efficace.

Et, lors de cette révision et, au-delà, pour l’adoption des textes législatifs, il faudra compter avec un Sénat fidèle à lui-même, où l’opposition y est ravivée.

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