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2018, année institutionnelle… ou pas
L’année 2018 sera institutionnelle.
D’abord, ce sera, le 4 octobre prochain, le soixantième anniversaire de la Constitution de la Vème République – et, accessoirement, le deuxième anniversaire de La Constitution décodée ! Ce sera également, le 23 juillet, le dixième anniversaire de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait, notamment, introduit la QPC, question prioritaire de constitutionnalité.
Autant de célébrations qui justifieront que l’on parle des institutions.
L’année 2018 sera institutionnelle, ensuite, car le débat sur une modification de nos institutions s’intensifie. Déjà annoncé fin 2017, avec la présentation des premières propositions de réformes des groupes de travail mis en place à l’Assemblée nationale par François de Rugy, il se poursuivra cette semaine avec la présentation des propositions de son homologue du Sénat, Gérard Larcher, mercredi matin.
Les pistes sont nombreuses et certaines avaient déjà animé la campagne présidentielle : introduction de la proportionnelle, intégrale ou par dose, réduction du nombre de parlementaires, limitation du nombre de mandats successifs, réforme du Conseil supérieur de la magistrature, suppression de la Cour de justice de la République et des membres de droit du Conseil constitutionnel, réforme de la procédure législative, etc.
Sur ce dernier point, d’ailleurs, le Sénat a entériné et le Conseil constitutionnel a validé la possibilité d’adopter des lois directement en Commission, en modifiant son Règlement. C’est une procédure qu’il a expérimentée pendant deux ans, entre 2015 et 2017 et qui est désormais généralisée.
Tout en préservant le principe d’une loi votée par le Parlement (car, formellement, le texte est toujours adopté en séance, sauf qu’il ne peut plus y être amendé), cette procédure permet d’éviter la redondance de deux débats souvent identiques, au sein de la commission saisie au fond et en séance publique. De même, en conférant au Gouvernement, aux commissions et aux groupes parlementaires, par la voix de leurs présidents respectifs, la possibilité de s’y opposer, elle offre des garanties suffisantes aux droits des parlementaires.
L’année 2018 sera donc institutionnelle… Ou pas !
Mercredi, nous saurons. Du moins, nous en saurons davantage : Gérard Larcher exposera les résultats des réflexions sénatoriales. En d’autres termes, il s’agira des « lignes rouges » au-delà desquels le Sénat n’ira pas. Il se disait hostile à toute limitation du cumul des mandats dans le temps, mais éventuellement ouvert à la réduction du nombre de parlementaires, à la double condition de préserver la représentation des territoires et de maintenir l’équilibre actuel entre les deux assemblées parlementaires.
L’accord du Sénat est essentiel, voire indispensable. Sur les institutions, il est politiquement dangereux de passer en force contre l’avis de l’une d’entre elles.
Récemment, on a appris que même à l’égard de cette dernière réforme, pourtant centrale pour l’Exécutif, il y aurait de sérieuses réserves.
L’accord du Sénat est pourtant essentiel, si ce n’est indispensable.
Essentiel car, à propos des institutions, il est toujours politiquement dangereux de passer en force contre l’avis de l’une d’entre elles. Au-delà, son accord est indispensable car une révision constitutionnelle ne peut se faire sans qu’il la vote, au moins à la majorité, étant donné que l’article 89 impose l’adoption d’un texte commun. Tel est également le cas des « lois organiques relatives au Sénat » : le nombre de parlementaires relève de la loi organique.
Resterait alors la voie du referendum direct, fondé sur l’article 11 de la Constitution. Mais il reste politiquement tout aussi dangereux. Non pas tant parce que le Président de la République s’exposerait à l’éventualité d’un rejet, lequel affaiblirait automatiquement sa légitimité. Mais bien davantage parce que l’utiliser en matière constitutionnelle est contraire à la Constitution : une sanction du Conseil constitutionnel sur un tel passage en force serait sans doute encore plus difficile à gérer sur le plan politique. Et, d’ailleurs, le Sénat ne se privera pas d’attiser les flammes d’une telle crise.
Au moins l’année 2018 promet-elle de passionnants débats constitutionnels : c’est certain !