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Gouverner, une question de confiance
Le mardi 13 décembre, Bernard Cazeneuve engagera la responsabilité du nouveau Gouvernement sur une déclaration de politique générale, qu’il prononcera à l’Assemblée nationale. C’est la question de confiance que tous les gouvernements du quinquennat ont posée peu après leur entrée en fonction, se fondant sur l’article 49, alinéa 1er de la Constitution.
Pourtant, cette procédure n’est juridiquement pas obligatoire, contrairement à de nombreux autres régimes parlementaires. Ainsi, elle trouve, en l’espèce, une justification essentiellement politique.
Classiquement, dans un régime parlementaire, l’entrée en fonction du Gouvernement ou de son chef est précédée d’une investiture ou d’une élection indirecte. C’est une procédure généralement imposée par la Constitution, garantissant que la nouvelle équipe gouvernementale est effectivement soutenue par la majorité parlementaire et permettant de légitimer l’action d’une institution qui est formellement nommée.
Tel n’est pas le cas dans la Constitution de la Vème République, laquelle ne rend pas obligatoire mais seulement facultative la question de confiance posée par le Gouvernement à l’Assemblée nationale. Il peut s’y soumettre quand il le souhaite (lors de son entrée en fonction, plus tard ou jamais), avec pour seul formalisme l’obligation d’en avoir délibéré en Conseil des ministres, ce qui fut fait ce samedi 10 décembre. Cela s’explique par la volonté de ne pas faire du Gouvernement le tributaire des partis politiques, selon l’idée du Général de Gaulle. C’est l’un des mécanismes de rationalisation du parlementarisme, offert par notre Constitution.
S’il ne pose pas cette question, le Gouvernement n’en est pas illégitime pour autant car il bénéficie de la confiance du Président de la République qui le nomme, ce dernier étant lui-même l’élu direct du peuple. L’Assemblée nationale conserve quant à elle la faculté d’engager la responsabilité du Gouvernement à tout moment, en déposant et en votant une motion de censure, selon les règles de l’article 49, alinéa 2.
Le rapport de confiance est ainsi inversé, entre Gouvernement et majorité parlementaire. Le premier n’a plus à prouver qu’il dispose du soutien de la seconde, car il détient celui du Président, mais la seconde peut lui montrer qu’elle le lui retire. C’est ce qui justifie, notamment, que Michel Rocard ne se soit jamais prêté à l’exercice (à l’exception d’une déclaration sur la politique au Moyen-Orient, après l’invasion du Koweit par l’Irak), car il ne disposait que d’une majorité relative à l’Assemblée.
Rien n’imposait donc à Bernard Cazeneuve de procéder de la sorte. Au contraire, n’étant en fonction que cinq mois au plus et pouvant s’inscrire dans la continuité du Gouvernement précédant, il aurait pu souscrire à la déclaration qu’a faite Manuel Valls, le 16 septembre 2014.
En réalité, il faut y voir un message purement politique.
D’abord, cela offre une tribune au Gouvernement et à sa majorité. La question de savoir quelle politique un Premier ministre si brièvement en fonction sera en mesure de conduire est justifiée. La réponse sera donnée au cours de cette déclaration, tant à l’adresse des citoyens, que de l’opposition et, surtout, de la majorité elle-même.
Ensuite, cette confiance accordée renforcera la légitimité d’un Gouvernement affaibli en raison du contexte. Nommé pour une période très courte, par un Président de la République fragilisé et sur le départ, après une démission d’un Premier ministre dont la politique a été vivement critiquée par tous, Bernard Cazeneuve a tout d’un Premier ministre de transition, chargé « d’éteindre la lumière ». Or il n’entend pas jouer (uniquement) ce rôle et c’est tout à la fois logique et fondé. Bien que le quinquennat se termine et que le Parlement ne siègera plus à compter de fin février, les missions politiques seront encore essentielles, en particulier dans le contexte d’une menace terroriste toujours aussi élevée. Il est donc important d’affirmer sa légitimité, en s’appuyant sur la majorité parlementaire, pour asseoir son autorité.
Enfin, dans le contexte actuel des échéances électorales qui approchent et, surtout, de la primaire de la gauche, il n’est pas inutile de montrer la cohésion et la solidarité de la majorité. À qui pourrait croire qu’elle est disloquée, le vote montrera qu’elle est soudée… en apparence, du moins.
Sauf si les abstentions sont importantes, faisant de Bernard Cazeneuve le deuxième Premier ministre de l’histoire de la Vème République à n’obtenir la confiance que d’une majorité relative de députés, après un certain… Manuel Valls !
Réponse demain, aux alentours de 17h.