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Des parrainages justifiés

D’ici quelques semaines, s’ouvrira la période de recueil des parrainages pour les candidats à l’élection présidentielle. Il s’agit des soutiens que ces candidats doivent obtenir de la part d’au moins 500 personnes habilitées : les maires, les élus des collectivités régionales et départementales (ou équivalent) et les parlementaires. Ces parrainages doivent émaner d’au moins trente départements différents et un candidat ne peut en comptabiliser plus de 10% dans un même département. Ils sont adressés au Conseil constitutionnel, qui les publie au moins deux fois par semaine : ils sont donc publics, ce que le même Conseil avait eu à examiner pour conclure à la parfaite conformité de cette publicité à la Constitution.

Ce système, mis en place depuis l’élection au suffrage universel direct de 1965 et renforcé en 1976 (pour passer de 100 à 500 parrainages), a fait ses preuves. Pourtant, à chaque élection, son lot de contestations : des prétendants à la candidature le dénoncent, déplorant un frein dans leur course à la présidentielle, alors qu’ils seraient parfaitement en droit d’y concourir. Cette dénonciation émane généralement des mêmes candidats (qui finissent donc, le plus souvent, par satisfaire aux exigences requises) avec, très fréquemment, le même argument : le caractère public du parrainage nuit à leur candidature.

En se plaignant de ce mécanisme, les candidats putatifs ne se rendent pas compte à quel point ils en soulignent les vertus

Cette complainte récurrente est bienvenue pour une seule et unique raison : elle prouve que le mécanisme est parfaitement justifié et qu’il ne faut en rien en changer.

Le système des parrainages a un double objectif : assurer un filtrage et garantir que les candidats à l’élection présidentielle bénéficient d’un ancrage à la fois politique et territorial. L’un comme l’autre sont indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie et au bon déroulement de l’élection.

Le filtrage est nécessaire car l’élection majeure de notre régime, destinée à élire un unique représentant pour l’ensemble de la République, elle suscite inévitablement les convoitises, pouvant engendrer un nombre conséquent de candidatures. Sans filtrage aucun, on pourrait aisément se retrouver avec plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de candidats. Les voix seraient éparpillées et l’élection deviendrait illisible.

Le système de filtrage actuel garantit que les prétendants à la première responsabilité de la République bénéficient d’un ancrage ou d’une représentativité territorial et politique. Les deux sont nécessaires. Si l’ancrage d’Emmanuel Macron, en 2017, paraissait faible, il bénéficiait néanmoins de relais, de la part de responsables anciennement socialistes et du MoDem, qui palliaient cette faiblesse.

On ne saurait prétendre à présider la République en ne portant les intérêts que d’un seul territoire, d’où la nécessité d’être soutenus par des élus issus d’au moins trente départements. De même, on ne saurait présider au destin des Français pour les cinq années à venir sans bénéficier d’une crédibilité politique, d’où la nécessité d’être soutenu par des responsables politiques.

Ces derniers, par le soutien qu’ils octroient, assument précisément un choix politique, qui doit être connu de tous. Il ne s’agit pas d’un choix personnel, comme le vote que chaque citoyen exprime à l’urne et qui, lui, doit être secret pour être libre, le citoyen n’ayant de comptes à rendre qu’à lui-même. Le responsable a précisément des comptes à rendre à la collectivité et, pour cela, ses choix doivent être connus.

Aujourd’hui, ce sont principalement trois candidats putatifs qui se plaignent de ce mécanisme, sans se rendre compte à quel point ils en soulignent ainsi les vertus.

Marine Le Pen le dénonce à nouveau, après l’avoir systématiquement fait après les atermoiements de son propre père à l’encontre du même dispositif… sans que ni l’un ni l’autre n’ait manqué la moindre élection présidentielle depuis 1988 ! On est donc davantage dans une opération de communication qu’autre chose et il paraît bien inutile de l’alimenter outre mesure.

Éric Zemmour se lance dans la course. S’il est crédité d’un certain écho dans les sondages, ces derniers n’ont jamais fait ni une élection ni une carrière politique. En revanche, sur le plan politique, précisément, il n’a aucun ancrage : jamais élu, jamais de responsabilité politique, aucun soutien (ou presque). Il n’est qu’un polémiste et sa volonté de candidature n’a d’ailleurs pas d’autre vocation, à ce jour, que d’alimenter une polémique.

Le système, le concernant, prouve donc son efficacité. Soit il parvient à gagner une représentativité politique et il pourra être candidat, soit il reste ce qu’il a toujours été et il ne le sera pas. Notre démocratie ne s’en portera que mieux.

Jean-Luc Mélenchon, enfin, le critique également, assez vivement. Il est clair qu’il y a un risque qu’il ne puisse pas obtenir les parrainages nécessaires, car s’il les a obtenus il y a cinq ans, ce fut essentiellement grâce au soutien du parti communiste. Cette fois, ce dernier décide de faire cavalier seul (l’une des raisons étant, précisément d’emm… de nuire à Mélenchon). Il est tout aussi clair que ce serait une surprise qu’il ne puisse point concourir à cette élection, après avoir obtenu près de 20% à la précédente.

Mais preuve est faite, une nouvelle fois, de la terrible efficacité du système. Comment pourrait-il aspirer à présider la France s’il n’est pas en mesure, d’une part, d’être présent dans les territoires et, d’autre part, de conclure des alliances lui garantissant les soutiens nécessaires ?

Lui et son parti rétorquent qu’ils représentent une part substantielle de l’opinion publique et qu’il bénéficie de plus de 150 000 « parrainages citoyens », ce qui avait d’ailleurs justifié qu’il déposât une proposition de loi tendant à compléter le système actuel pour cette procédure qu’il qualifie de populaire, mais qui est surtout populiste.

D’abord, on a déjà eu l’occasion de dire que les parrainages dont il se prévaut aujourd’hui ne sont que pure mascarade. Ensuite, un tel mécanisme ne garantirait en rien le représentativité politique et territoriale d’un candidat et, au contraire, favoriserait des candidatures de l’instant, médiatiques, voire soutenues par des seuls lobbies.

Enfin, si ce système existe dans d’autres pays, comme en Pologne ou en Autriche, le Président de la République, quoiqu’élu au suffrage universel direct également, n’a nullement la même mission ni la même envergure politiques que le Président de la République française : il n’a qu’un rôle de représentation, éventuellement d’arbitrage (occasionnel).

Le système des parrainages que nous connaissons remplit donc la mission qui lui est assignée : garantir que l’élection présidentielle se déroule dans les meilleures conditions, avec les candidats qui ont une juste légitimité pour y concourir. Il est donc pleinement justifié.

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