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Des primaires incendiaires

Les primaires ont pour double objectif de détacher la désignation d’un candidat de l’appareil de parti et de créer un rassemblement autour de celui-là, disait-on dans un récent billet.

Cet objectif n’est nullement remis en cause. Mais il reste théorique. Et, par conséquent, idéal. Presque utopique.

N’est-il point permis de penser que la situation que connaissent la Gauche et le Parti Socialiste aujourd’hui est due à la primaire de 2011 ? Ne peut-on pas considérer que la contestation du Président de la République pendant le quinquennat, l’émergence des frondeurs, le manque de solidarité gouvernementale, le soutien timide du Parti Socialiste, la renonciation ultime à être candidat découlent tous de cette désignation pseudo-démocratique ?

On le croit et quelques éléments suffisent à s’en convaincre.


Certes, la primaire de 2011 a contribué à la victoire de François Hollande en 2012. Mais elle a aussi marqué les clivages internes au Parti socialiste. Elle a conféré une légitimité non seulement au candidat victorieux mais aussi à celle qui l’a mis en ballotage et qui était à la tête du parti, tandis que celui qui lui succèdera à ce dernier poste avait fait sa campagne. Elle a permis l’émergence d’autres candidats, aspirant légitimement à des responsabilités gouvernementales. L’un d’entre eux est même devenu Premier ministre, puis candidat à la primaire de 2017.

Si cette primaire de 2011 a créé légitimité et rassemblement au profit du candidat ainsi désigné, elle a surtout été incendiaire, allumant un petit feu qui n’a eu de cesse de prospérer tout au long du quinquennat. Car détacher la désignation d’un candidat de l’appareil du parti, c’est peut-être bien. Mais à la seule condition que l’appareil du parti ne se détache pas lui-même du candidat désigné.

Et il y a tout lieu de craindre que ce qui s’est produit en 2011 se reproduise en 2017, au moins à Gauche, peut-être même à Droite.

Oui, Benoît Hamon, candidat victorieux, bénéficiera de la légitimité conférée par ce scrutin. Mais à quel prix ?

Au prix d’une mobilisation extrêmement faible, d’abord : à peine 1,5 million d’électeurs au premier tour, tout juste 2 millions au second. On parle de démocratisation d’une élection mais on a rarement vu une démocratie qui pouvait fonctionner avec moins de 5% de son électorat. Et la Droite n’a pas à être jalouse : une démocratie ne fonctionne pas mieux avec une mobilisation d’à peine 10%… En guise de légitimité, on a connu mieux.

Au prix d’un scrutin qui a prouvé l’amateurisme du parti organisateur, ensuite. À l’issue du premier tour, de nombreux couacs, au mieux dans la communication, au pire dans le déroulement du scrutin lui-même, avaient pu être relevés. Les résultats de ce premier tour ont d’ailleurs désormais disparu du site officiel. À l’issue du second tour, lundi 30 janvier au matin, les résultats ne sont donnés qu’en pourcentages, sans aucune indication quant au nombre précis de voix obtenues par chacun des candidats. Ces résultats restent figés à partir de 2h00 du matin, comme l’indique la capture d’écran effectuée à 15h05, le lundi 30 janvier, dans l’hypothèse d’une évolution de la page. En guise de légitimité, on a décidément connu mieux et plus transparent.

Au prix d’une primaire précipitée, enfin : sans doute est-ce là la cause des deux points précédents. La campagne était resserrée sur à peine trois semaines, rendant difficile, si ce n’est impossible un véritable débat politique. Certains candidats se sont lancés dans la course alors qu’ils étaient peu ou mal préparés, voire pas du tout. Ce calendrier serré n’était là que pour servir une unique candidature, celle du Président de la République, car il était le seul en mesure de mener une campagne si courte, grâce à la légitimité institutionnelle dont il aurait disposé. En guise de légitimité, on a véritablement connu mieux et plus efficient.

Reste alors le rassemblement qu’une primaire est censée engendrer.

Toutefois, celui-ci ne vaut qu’à l’égard des candidats à cette primaire et des partis qui y ont participé. Il ne vaut nullement à l’égard des électeurs, lesquels demeurent libres de leur choix de vote. Il ne vaut qu’à peine à l’égard des responsables politiques, quand bien même ils seraient membres des formations ayant participé à la primaire. Ils peuvent en effet se désolidariser du candidat s’il maintient des choix et un projet qui vont à l’encontre de leurs convictions profondes, particulièrement si des sondages viennent signaler un risque d’échec.

On perçoit toute la difficulté qu’auront certains responsables du parti socialiste, qui ont justement et fidèlement souscrit à la solidarité gouvernementale indispensable à la cohésion de la majorité, à soutenir un candidat qui n’a eu de cesse de la contester. Pour peu que l’un de ces responsables n’ait été à l’origine d’une loi que ledit candidat promet d’abroger, la situation deviendra intenable, d’autant plus que les électeurs, eux, ne sont pas dupes. Et le rassemblement, pourtant espéré, risque d’éclater : là encore, on a effectivement connu mieux et plus déterminant.

C’est ici que s’ouvre une voie royale pour Emmanuel Macron. On l’a dit, sans le soutien d’un parti politique effectivement implanté, sa candidature peinera à prospérer car il lui manquera tant le maillage territorial que le soutien financier, tous deux indispensables.

Mais la candidature de Benoît Hamon change substantiellement la donne car une partie des responsables du Parti Socialiste, notamment, pourrait le rejoindre et lui apporter son soutien. Cela lui garantirait d’obtenir les 500 parrainages nécessaires, de renforcer une campagne de terrain, de s’assurer une existence aux élections législatives.

Certes, ceux qui s’engageraient dans cette voie risqueraient des sanctions du parti auxquels ils appartiennent… Mais pour sanctionner, il faut être exemplaire et Benoît Hamon n’est certainement pas le mieux placé pour donner des leçons à ceux qui se désolidarisent de la position (soi-disant) majoritaire.

Ainsi, les primaires ont certes un double objectif théorique : légitimer et rassembler. Mais la question fondamentale que l’on posait n’est pas celle de leur but, mais bien de leur utilité. Or on ne peut que constater, aujourd’hui, que la légitimité, à peine conférée, est déjà contestée du fait d’un rassemblement, quoique promis, déjà réduit. Elles sont donc parfaitement inutiles, surtout lorsqu’un candidat s’impose naturellement car il est le Président en exercice n’ayant point exclu d’être candidat.

Les primaires, déjà précaires, sont devenues incendiaires et il serait bon de rapidement les oublier pour se concentrer enfin sur les choses sérieuses : l’élection présidentielle.

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