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François Fillon ne renoncera pas

François Fillon ne se retirera pas de la course à l’élection présidentielle.

Il ne s’agit là ni d’une prophétie ni d’une métamorphose de ce blog, de La Constitution décodée à La Constitution démystifiée, où son auteur aurait confondu le texte de 1958 avec une boule de cristal. Ce n’est qu’une analyse, reposant sur un argument juridique, un autre politique, un dernier qui associe les deux aspects.

Qu’on le précise d’emblée, ces trois arguments ne sont ni la séparation des pouvoirs, ni la légitimité populaire issue de la primaire, ni même la conviction profonde du concerné qu’il est le seul de son camp à pouvoir espérer l’emporter.

Qu’on le détaille néanmoins quelque peu, le principe de la séparation des pouvoirs, constitutionnellement consacré et fondamental dans une démocratie, ne s’oppose point à ce qu’une enquête soit menée à l’endroit d’un parlementaire.

Ce dernier dispose d’une immunité garantie par l’article 26 de la Constitution. Elle est totale à l’égard « des opinions ou votes » qu’il peut émettre « dans l’exercice de ses fonctions ». Elle est partielle « en matière criminelle ou correctionnelle », où il ne peut faire l’objet « d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie ».

Or l’emploi d’un collaborateur ne concerne ni une opinion ni un vote.


Si la justice ne saurait pénétrer à sa guise dans l’enceinte du Parlement, elle peut le faire sur autorisation du Président de la chambre concernée, ce qui s’est produit en l’espèce lorsque des perquisitions ont été menées. Une décision contraire aurait d’ailleurs été dévastatrice pour l’image des élus. Ce n’est pas la première fois, ce ne sera malheureusement pas la dernière et cela concerne des parlementaires de tout bord politique.

Tout au plus, tant que le bureau de l’Assemblée nationale ne l’a pas autorisé, Monsieur Fillon ne peut-il faire l’objet ni d’une mise en garde à vue ni d’une détention provisoire ni d’un placement sous contrôle judiciaire ni, a fortiori, d’une arrestation.

Non, le seul argument juridique qui justifie cette analyse est celui de la présomption d’innocence, également protégée par la Constitution. Toute personne étant présumée innocente jusqu’à ce qu’elle ait été déclarée coupable, François Fillon s’appuie sur ce principe pour garantir sa probité.

Que le tribunal de l’opinion l’ait déjà condamné lui importe peu car il considère que cet argument juridique lui permet de valablement clamer son innocence, de mener ainsi sa campagne et de placer son électorat face à un dilemme dont il pense sortir vainqueur : soit vous me soutenez et nous l’emportons, soit vous m’abandonnez et nous perdons.

Il a néanmoins annoncé publiquement qu’il renoncerait à être candidat s’il était mis en examen. On évoque, par ailleurs, une décision imminente du parquet national financier, saisi de l’enquête, dont on ne connaît pas la teneur et qui pourrait bien contredire cette analyse.

On peut effectivement s’attendre, notamment, à ce que le parquet transmette le dossier à un juge d’instruction. Toutefois, s’il décide de le poursuivre, ce dernier devra alors convoquer le candidat en vue d’un interrogatoire de première comparution ou en tant que témoin assisté. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra éventuellement décider de le mettre en examen, s’il juge que le statut de témoin assisté est insuffisant, décision que pourra contester l’intéressé.

Il est ainsi loisible de jouer, autant que possible, le calendrier. Car, plus le temps passe, plus une telle décision d’un juge d’instruction, en pleine campagne présidentielle, sera politiquement délicate quoique juridiquement justifiée.

L’on aborde là l’argument politique : François Fillon court contre la montre, pratique l’auto-conviction, continue d’afficher un profil candide où il n’aurait rien à se reprocher, car il n’a strictement rien à perdre.

Il livre ici ce qui constitue très vraisemblablement son dernier combat politique. Soit il l’emporte et il devient Président de la République, les affaires qui le poursuivent étant alors renvoyées au terme de son ou ses mandats. Soit il le perd et il vaut mieux, alors, que ce soit le plus tard possible, idéalement au second tour de l’élection.

Abandonner avant n’a strictement aucun sens car le résultat serait, au pire, parfaitement identique. Il joue donc le tout pour le tout, refusant de faire le moindre cadeau à sa famille politique, dont il pourrait bien être tenté de croire qu’elle a contribué à envenimer la situation. Et il sait que plus le temps passe, moins il sera possible de recourir à un quelconque « plan B ».

Enfin et surtout, pourquoi renoncer alors que l’on est innocent et que l’on ne considère pas les faits reprochés comme des délits ? C’est ce qu’il invoque, parfois maladroitement mais non moins fermement.

Tout renoncement, s’il serait une belle illustration du sens de la responsabilité politique, ne constituerait, à ses yeux, qu’une reconnaissance de culpabilité. En d’autres termes, puisqu’il n’a rien à se reprocher, il n’a pas à se retirer. Toute personne qui clame le contraire, qu’il s’agisse d’un militant, d’un responsable politique, d’un journaliste, voire d’un juge, pratique de l’acharnement et ne cherche qu’à nuire pour détruire celui qui se présente depuis le départ comme le futur Président.

Cela peut payer, même devant le tribunal de l’opinion. Mais peut-être pas devant celui de l’élection.

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