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Il était temps !

Une coalition internationale, composée des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, a bombardé des sites stratégiques en Syrie, où étaient stockées des armes chimiques, dans la nuit de vendredi à samedi.

Il était temps !

Il ne s’agit nullement de soutenir qu’une riposte militaire et armée soit systématiquement la solution à une impasse diplomatique et politique. Il ne s’agit pas davantage de démontrer que le recours à des bombardements constitue une façon efficace de s’affirmer sur la scène internationale, ou qu’il faudrait désormais mener une politique belliqueuse.
La diplomatie devrait être la voie exclusive à toutes les situations de conflit.

Mais il arrive qu’elle ne suffise pas et que, malgré des efforts longuement et effectivement déployés, on se retrouve dans une impasse. Le temps pourrait alors permettre d’aboutir à un règlement pacifique, mais encore faut-il en disposer.

Or lorsqu’un dictateur tortionnaire bombarde avec des armes chimiques son propre peuple, violant ainsi les règles internationales les plus essentielles, le temps fait défaut. D’autant plus qu’il n’en est pas à son coup d’essai et que cela fait presque cinq ans qu’une telle riposte aurait dû être menée, lorsque, en août 2013, ce même Bachar el Assad avait lâché du gaz sarin sur les faubourgs de Damas.

À l’époque, le Président de la République était prêt à mener une action internationale, mais il a dû renoncer faute du soutien de Barack Obama et de David Cameron, que l’on peut qualifier de lâcheté ou de « dérobade ». On a vu où cela a conduit, cinq ans plus tard.

Une réaction à une illégalité par un rappel à la légalité, non une action illégale

À cette action militaire, on oppose aujourd’hui deux arguments juridiques : son illégalité internationale, puisqu’il n’y avait aucun mandat, notamment des Nations Unies, et l’absence de vote au Parlement, permettant à la France d’y participer. L’un et l’autre ne tiennent pas.

Il est vrai que le Conseil de sécurité des Nations Unies n’avait pas autorisé cette riposte. Ce n’est toutefois pas faute d’avoir tenté, à de multiples reprises, d’obtenir une résolution permettant d’agir : douze fois, la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité et disposant, à ce titre, d’un droit de veto, s’y est opposée, en tant qu’alliée du régime syrien.
De surcroît, une résolution 2118 avait été adoptée à l’unanimité en septembre 2013, qui considérait l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne comme une menace contre la paix et la sécurité internationales. Cette même résolution actait la décision, si elle était violée, d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, soit la possibilité d’employer la force armée, en cas de menace contre la paix.

Or en utilisant à nouveau des armes chimiques, le régime syrien a violé la résolution de 2013. Surtout, lorsque des populations civiles sont attaquées, a fortiori avec des armes prohibées par le droit international auquel la Syrie est partie, c’est la communauté internationale qui est menacée.

Il s’agissait donc d’une réaction à une illégalité, par un rappel à la légalité et non d’une action illégale. Remarquons ainsi que le Conseil de sécurité a refusé de la condamner.

Sur le plan constitutionnel interne, une autorisation du Parlement n’était ni requise ni judicieuse. D’abord, l’article 35 de la Constitution n’impose un vote du Parlement que pour déclarer la guerre ou pour prolonger, au-delà de quatre mois, une intervention étrangère. L’intervention initiale, quant à elle, ne doit faire l’objet que d’une information, « au plus tard trois jours après [son] début ». C’est ce qui doit avoir lieu ce lundi, à 17h, lors d’une déclaration du Gouvernement devant chaque assemblée, suivi d’un débat (sans vote).

D’ailleurs, il serait peu judicieux qu’une telle autorisation ait lieu a priori et l’on ne peut que privilégier l’information a posteriori, gage de transparence démocratique. D’abord, bien que chef des armées désigné et légitimé par la Constitution, le Président de la République ne prend pas seul toute décision militaire. Appuyé par un état-major personnel et ordonnant à l’État-major des armées, il se prononce au regard de conseils experts et agit, pour les décisions qui s’y prêtent, au moyen d’actes soumis au contreseing du Premier ministre et des ministres responsables.

Ensuite, l’information du Parlement permet à ce dernier, s’il le juge nécessaire, de réagir politiquement, soit par la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, qui a contresigné, soit directement par la destitution du chef de l’État, qui a décidé.

Enfin et surtout, une autorisation préalable rendrait publique une attaque qui doit rester secrète, au moins a minima, pour demeurer efficace. Le droit ne saurait s’abstraire des évidences tactiques.

Néanmoins, désormais, la voie diplomatique et collégiale doit être privilégiée. Il ne faudrait pas que cela ouvre une escalade, notamment à l’égard d’autres régimes qui sont opposés aux États-Unis. Il ne faudrait pas davantage que le Président de la République continue à agir seul, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, sans un soutien international beaucoup plus large.

Et puisque celui des Nations Unies peut difficilement être obtenu, il faut en appeler à l’Union européenne, pour qu’elle prenne une décision officielle, au-delà de la déclaration de Donald Tusk. Il serait temps…

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