S’abonner à la lettre d’information
Que le Conseil constitutionnel soit saisi !
Que le Conseil constitutionnel soit saisi de la loi relative aux mesures d’urgence pour faire face à l’épidémie de coronavirus !
Face à la situation de crise sanitaire que nous traversons, le Gouvernement a élaboré un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, que le Parlement va adopter en 72 heures. Contrairement à d’autres situations de crise antérieures, telle celle de novembre 2015 au lendemain des attentats de Paris, l’union nationale ne semble pas se faire sur ce texte. Si bien que le débat entamé hier au Sénat et qui se poursuit aujourd’hui à l’Assemblée nationale, devra se terminer demain par une tentative d’accord en Commission mixte paritaire, voire un « dernier mot » demandé à l’Assemblée.
Ce texte touche à des aspects essentiels de notre État de droit. D’abord, il concerne le fonctionnement même de la démocratie, car il reporte le second tour des élections municipales, qui devait se tenir le 22 mars, au mois de juin 2020 au plus tard.
L’importance des restrictions et bouleversements de la loi rend indispensable le Conseil constitutionnel que soit saisi
Ensuite, il restreint les libertés publiques et individuelles en prévoyant un nouvel état d’exception, appelé « état d’urgence sanitaire », qui permettra au Premier ministre de décider, par décret, de nombreuses mesures, telles que restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, interdire aux personnes de sortir de leur domicile ou encore limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature.
Il s’agit ici, surtout, de conférer une base légale solide aux mesures qui sont en vigueur depuis une semaine, voire davantage.
Enfin, il permet de remettre en cause certains principes du droit du travail, en particulier l’acquisition des congés payés, leur modification unilatérale par l’employeur, la réduction du temps de travail (RTT), ou encore la durée hebdomadaire du travail et le repos dominical au sein des entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale. Ces remises en cause, aujourd’hui motivées par la situation de crise, ne sont nullement limitées dans le temps.
Au regard de ces nombreuses restrictions et bouleversements importants, il paraît indispensable que soit saisi le Conseil constitutionnel, gardien ultime de la démocratie et des droits et libertés fondamentaux. Cela lui donnera la faculté de se prononcer sur cette loi, adoptée dans l’urgence, voire la précipitation et lèvera tout doute sur sa constitutionnalité. De futurs recours, par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) seront ainsi évités. Un tel recours sécuriserait une situation qui resterait ambiguë s’il n’avait pas lieu.
On peut opposer qu’il y a urgence et que la loi doit entrer en vigueur au plus vite, voire que la saisine pourrait être risquée car une censure créerait une situation incertaine.
Ces arguments ne tiennent pas.
D’une part, l’urgence et la crise ne sauraient jamais justifier que l’on porte atteinte à notre socle constitutionnel, a fortiori en temps de crise : dans une telle période, notre droit doit être robuste, c’est même là sa fonction. Cela vaut en particulier pour notre droit constitutionnel, qui est un rempart face aux débordements auxquels il est tentant, voire facile de céder.
D’autre part, le recours et la décision du Conseil constitutionnel peuvent être très rapides. Il peut être saisi dès demain, après l’adoption du texte, par le Président de la République, qui est d’ailleurs chargé de veiller au respect de la Constitution. Le Gouvernement peut alors lui demander de statuer en huit jours, en cas d’urgence. On peut imaginer qu’il fera tout pour statuer au plus vite.
Rien ne s’oppose donc à ce que le Conseil constitutionnel soit saisi et, au contraire, tout milite pour qu’il le soit. En cette période d’incertitudes, ce sont notre démocratie et notre État de droit qui en seraient rassurés.
Mots-clés: Sénat, Assemblée nationale, Démocratie, Article 5, Article 45, Article 61, Gouvernement, Président de la République, Élections municipales, Parlement, Premier ministre, Conseil constitutionnel, État d'urgence, Question prioritaire de constitutionnalité, Commission mixte paritaire (CMP), Droit ou liberté que la Constitution garantit, État de droit