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Le Président ne peut rien mais son élection décide de tout

Que peut le Président ? Rien. Ou presque…

On évoque fréquemment les pouvoirs très larges dont bénéficierait le Président de la Vème République. Il faut se méfier de ces considérations trop hâtives.

Si la pratique institutionnelle instaure un Président politiquement fort, la Constitution, en réalité, établit un Président juridiquement faible.

En effet, cette dernière, formellement, ne lui confie ni le soin de définir la politique nationale, ni l’initiative des lois, ni le pouvoir réglementaire, ni la faculté de renvoyer le Premier ministre quand il le souhaite. Il est censé se cantonner à un rôle d’arbitrage et toutes les prérogatives évoquées reviennent au chef du Gouvernement.
 
Certains de ses pouvoirs sont dits « propres », car il peut les exercer sans le contreseing du Premier ministre. Pour autant, cela ne lui donne pas une pleine liberté à leur égard.

Il peut nommer le Premier ministre, mais il doit tenir compte de la couleur politique de l’Assemblée nationale. Il peut recourir au referendum, mais cela doit lui être proposé par le Gouvernement ou par les Assemblées. Il peut dissoudre l’Assemblée nationale, mais ne peut le faire deux fois à moins d’un an d’intervalle. Il peut adresser un message au Parlement ou tenir un discours devant lui, mais ce dernier ne saurait être tenu par la moindre directive et n’est pas en mesure de l’interpeller. Il peut nommer des membres du Conseil constitutionnel, même son Président, mais cette nomination l’engage dans sa crédibilité et peut subir un blocage parlementaire, l’empêchant de nommer n’importe qui. Il peut enfin saisir ce même Conseil, mais ne saurait influencer sa décision.

Il est vrai qu’il peut aussi faire usage des pouvoirs exceptionnels de l’article 16. Mais n’oublions pas, d’une part, que pendant la mise en œuvre de cet article, le Parlement se réunit de plein droit et qu’il pourrait, à tout moment, engager la procédure de destitution, si nécessaire. Soulignons, d’autre part, que depuis 2008, au-delà de trente jours d’exercice de ces pouvoirs, le Conseil constitutionnel peut être saisi pour examiner si les conditions justifiant son application sont toujours réunies et ainsi afficher publiquement un éventuel désaccord avec le chef de l’État. Il procède même de plein droit à cet examen après soixante jours.

Est-ce à dire que le vote des 23 avril et 7 mai prochains ne servira à rien ?

Certainement pas et tel n’est pas l’objet du présent propos. Car c’est précisément cette élection qui fait du Président de la République un personnage politiquement fort. L’élection présidentielle est ainsi triplement essentielle sur le plan politique.

D’abord, elle permet de désigner le représentant de la France sur toute la scène politique, nationale et internationale. Et l’on sait, d’autant mieux depuis l’élection américaine, quelle importance cette image peut avoir.

Ensuite, fort de sa légitimité directement conférée par le peuple, le Président est en mesure d’imposer un certain nombre de décisions, à commencer par le choix du Premier ministre, à poursuivre par la politique à conduire, censée être celle issue du contrat politique qu’il a conclu avec les électeurs. Il est le capitaine : Premier ministre, Gouvernement et majorité législative ne sont que l’équipage. Certes, le capitaine ne peut rien sans son équipage, mais le choix du capitaine détermine l’orientation politique du navire.

Et c’est précisément pour cela, enfin, que cette élection est encore fondamentale : elle aura un effet déterminant sur les élections de juin.

Le Président de la République n’est en mesure de conduire la politique qu’il souhaite que s’il obtient une majorité qui le soutienne, lors des élections législatives. Ainsi, l’attribution du pouvoir, en France, se joue au cours de deux élections et ce sont bien les élections législatives qui donnent effectivement le pouvoir.

Néanmoins, l’élection présidentielle fige la polarisation de l’électorat : la bipolarisation qui a lieu lors du second tour de l’élection présidentielle se reproduit généralement lors des élections législatives. Le peuple confie alors au Président qu’il a élu la majorité dont il a besoin. La meilleure illustration est l’élection de 2002 : alors que la gauche est légèrement majoritaire au premier tour de l’élection présidentielle, tout en ne parvenant pas à se qualifier pour le second, la droite connaît une victoire historique lors des élections législatives.

Il pourrait en aller différemment cette fois-ci, mais rien n’est moins sûr. Il faudra, le moment venu, se concentrer sur ces dernières, mais sans négliger, dans un premier temps, l’élection présidentielle.

Car, seul, le Président ne peut rien, ou presque. Mais le peu qu’il est en mesure d’accomplir est déterminant.

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