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Le blues du Congressman

Le premier Noël d’un nouveau Président de la République est un moment important.

Sept mois après son entrée en fonctions, six mois après la victoire de sa majorité, quelques mois après le vote des premières réformes législatives, quelques jours après l’adoption de son premier budget et au moment où le Conseil constitutionnel l’examine : un premier bilan est désormais possible. La nouvelle majorité a déjà pris ses marques au Parlement, au-delà de la seule session extraordinaire. Le Gouvernement a déjà négocié ses premières réformes législatives et s’est confronté à la nouvelle opposition ou, du moins, ce qu’il en reste, parfois…
 
De même, les députés de la nouvelle majorité, eux-mêmes nécessairement « nouveaux », au moins en partie, découvrent le fonctionnement de l’appareil étatique, institutionnel et politique, dont ils n’avaient, auparavant, qu’une idée. Et l’on apprend alors que certains d’entre eux ont le blues. À l’instar du businessman de Starmania, certains « auraient voulu être des artistes », de la loi, évidemment, « pour pouvoir faire leur numéro », de véritables réformistes qu’ils pensaient devenir.

Ce « blues du Congressman », qui toucherait actuellement « près d’un tiers des troupes » de la majorité, n’est ni surprenant ni exceptionnel. Il peut facilement s’expliquer par l’idéalisation du rôle de parlementaire. Ses travers ne sont pas toujours connus, notamment ceux imposés par la discipline de groupe et, lorsque l’on est dans la majorité, par la nécessaire coordination gérée par Matignon et l’Élysée. Tout cela est néanmoins indispensable, donc compréhensible et les festivités de fin d’année peuvent alors facilement contribuer à faire oublier le fameux blues, que le délicieux confort de détenir ne serait-ce qu’un peu de pouvoir achèvera d’apaiser.

Mais le Noël 2017 pourrait produire un tout autre effet, car, tout en étant originale, la composition de la majorité ne la met pas à l’abris des démons d’un proche passé.

La nouvelle majorité est hétéroclite, portant en elle des clivages latents, pouvant ressurgir à tout moment. Il n’y a pas seulement ceux entre différents « courants politiques » ou différentes générations, comme c’est systématiquement le cas. Il y a également ceux, plus aigus, entre différents partis politiques normalement opposés (de gauche et de droite) et entre personnes issues du milieu politique et celles qui lui sont davantage étrangères. Et ce seraient principalement ces dernières qui déchanteraient, ce qui n’a rien de surprenant : provenant généralement du monde économique, où elles détenaient des responsabilités, elles découvrent qu’à l’Assemblée nationale, alors que l’on détient une fonction politique, il faut respecter la volonté majoritaire, parfois imposée, ou que les moyens d’action, sans être limités, sont au moins circonscrits… pour ne pas nuire à cette volonté majoritaire.

Déchantant d’autant plus après la période des fêtes, où ils auront renoué quelques jours avec leurs repères familiers, ils pourraient alors être tentés de claquer la porte… soit celle du Palais Bourbon, de façon radicale, soit simplement celle de la Salle Colbert, c’est-à-dire du lieu où se réunit le groupe majoritaire… bref, ils pourraient faire éclater la majorité, à leur manière, comme l’avaient fait certains députés frondeurs, il n’y a pas si longtemps. Ils avaient alors créé un dangereux précédent, qui peut se reproduire à tout instant.

Qu’ont à perdre des parlementaires dont la vie professionnelle ne s’inscrit pas dans la carrière politique ? D’autant plus s’ils ont été élus en croyant et en promettant à leurs électeurs qu’ils transformeraient véritablement la politique. Comment les empêcher de penser, qu’après tout, élus pour cela, ils vont défendre leurs convictions et mener leurs promesses à leur terme, quitte à fronder face à la majorité ?

D’autres l’ont fait avant eux, désormais… Et la menace d’une sanction politique, telle l’exclusion du parti ou la dissolution, pourrait ne pas suffire à l’égard de ceux qui ont vocation à retourner à leur vie professionnelle d’avant.

Une nouvelle « thérapie de groupe » en janvier, comme l’annonce la majorité, au cours d’un séminaire de cohésion, permettra de temporiser. Mais cela suffira-t-il à coordonner et à mobiliser… jusqu’en 2022 ? Rien n’est moins sûr !

Et ce fait majoritaire contestataire, qui a empoisonné le quinquennat précédent, dont on dénonçait immédiatement les risques, pourrait avoir encore de beaux jours devant lui. Ne le souhaitons pas !
*
Ce billet de Noël me permet cependant de souhaiter à tous ceux qui me lisent de très bonnes fêtes de fin d’année et un excellent passage à 2018 ! Vous retrouverez La Constitution décodée dans le billet du 15 janvier 2018. Joyeux Noël à tous.

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