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L’embolie de la démocratie parlementaire

Avec Stéphane Le Foll, Député de la Sarthe nous cosignons une tribune parue dans l’hebdomadaire Marianne le vendredi 18 mai 2018. Nous dénonçons la diminution du nombre de parlementaires et les conséquences qu’elle emporterait sur notre démocratie parlementaire.

Sur notre démocratie, le Gouvernement a faux sur toute la ligne. Il nous promettait une grande réforme, modernisant nos institutions. Celle qu’il nous propose traduit une embolie de la démocratie parlementaire, à travers un projet antiparlementariste.

Plusieurs mesures proposées sont souhaitables et seraient bénéfiques. Mais la suppression de la Cour de justice de la République, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, l’interdiction du cumul des fonctions ministérielles avec un mandat exécutif local avaient été proposées dès mars 2013.

Les autres mesures font régresser notre démocratie. En particulier, la réduction de 30% du nombre de députés et de sénateurs porterait l’Assemblée nationale et le Sénat à 404 et 244 membres, contre, actuellement, 577 et 348. L’on passerait donc de 925 à 648 parlementaires. Cela placerait la France parmi les démocraties parlementaires ayant un taux de représentativité le plus faible.

La conséquence est évidente : la démocratie recule, la dynamique majoritaire est exacerbée, le Parlement est affaibli

De surcroît, le projet de loi ordinaire prévoit l’introduction d’une « dose » de proportionnelle pour l’élection des députés, à raison de 15% d’entre eux, soit 61, dans la nouvelle Assemblée nationale. Ce n’est là que pur « maquillage », dont notre démocratie devrait bien se garder. Cette mesure ne permet de satisfaire personne : ni les opposants à la proportionnelle, qui y voient un risque pour le fait majoritaire et la stabilité démocratique, ni ses partisans, qui ne se satisfont pas d’un taux si faible.

La conséquence est évidente : la démocratie recule, la dynamique majoritaire est exacerbée, le Parlement est affaibli. La démocratie recule car la Nation sera moins bien représentée, par des parlementaires qui auront à couvrir un territoire trop vaste et un nombre d’habitants trop grand.

Surtout, il n’y aurait plus que 343 députés élus dans les circonscriptions et représentant directement les territoires. C’est encore moins que le nombre de sénateurs, à l’heure actuelle. Or, si l’on part de cette base, cela signifie qu’il y aura au moins 11 départements qui n’éliront qu’un seul député, contre 4 actuellement et 41 départements qui n’en éliront que deux, contre 21 aujourd’hui. Cela sera complété par la réduction du nombre de sénateurs (de 348 à 244), conduisant à augmenter substantiellement le nombre de départements représentés par un seul sénateur. Ainsi, plus de la moitié des départements ne seront représentés que par un ou deux députés et un ou deux sénateurs.

Cela va exacerber la dynamique majoritaire et nuire au pluralisme, car la diversité partisane sera diluée dans l’étendue de circonscriptions plus grandes. Actuellement, le parti du Président élu bénéficie d’une telle dynamique lors des élections législatives, en raison de l’effet d’entrain de la victoire. Le nombre et la taille des circonscriptions assurent néanmoins que, dans de nombreux départements, des élus des autres partis puissent l’emporter. En réduisant les circonscriptions, on augmente leur taille et le nombre d’électeurs. De fait, on diminue d’autant les lieux où les partis minoritaires peuvent obtenir des élus car plus le nombre d’électeurs est important, plus l’on se rapproche du scrutin à l’échelle nationale et de ses effets, donc plus la dynamique majoritaire est forte.

Par conséquent, cette dynamique majoritaire sera d’autant plus confortée dans les départements n’élisant qu’un ou deux députés. Le lien avec le territoire va s’estomper, faisant disparaître l’équation personnelle, conduisant l’électorat mobilisé après la victoire présidentielle à surreprésenter la majorité.

En définitive, le Parlement sera affaibli car les voix seront moins nombreuses. Si la majorité parle normalement d’une seule voix, les oppositions sont multiples et c’est dans leur diversité qu’elles peuvent valablement peser. Si le nombre de parlementaires diminue, la force de l’opposition diminue d’autant, là où celle de la majorité reste, en réalité, inchangée.

Tout cela va ternir encore davantage l’image du Parlement. Aujourd’hui, de nombreux électeurs dénoncent déjà l’absence de contact avec leur député ou leur sénateur, se plaignent de leur éloignement, voire de la désincarnation de la démocratie. Demain, en réduisant le nombre de parlementaires, cela ne fera que s’accroitre.

Cette réforme institutionnelle n’a donc pas d’autre objectif que d’asphyxier le Parlement et d’atrophier la démocratie.

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