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Motion de clôture

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs

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La motion de censure qu’affronte aujourd’hui Michel Barnier vient clore la séquence ouverte depuis le 9 juin et la dissolution, avant que n’en débute une nouvelle, dès le lendemain, avec la présentation du budget pour 2025. Elle n’aboutira pas, faute d’atteindre les 289 voix requises. Davantage qu’à une motion de censure, elle s’apparente donc à une motion de clôture.

Depuis le 9 juin, notre pays est plongé dans une crise politique, dont les racines sont bien plus anciennes et qui a multiplié les interrogations : pourquoi une dissolution ? L’extrême-droite gouvernera-t-elle ? Le front républicain fonctionnera-t-il ? L’Assemblée nationale est-elle gouvernable ? Quelle majorité peut se dessiner ? Qui sera Premier ministre ? Quelle coalition rejoindra le Gouvernement ? Combien de temps ce dernier pourra-t-il se maintenir ?

La droite et la coalition présidentielle se retrouvent à conduire le Gouvernement, avec la bénédiction de l’extrême droite

La plupart de ces interrogations ont trouvé une réponse au cours de l’été et en ce début d’automne, le rejet de la motion de censure confirmant que le Gouvernement peut mener son action. Car telle est la particularité de notre régime, qui répond ainsi à un souci de rationalisation grâce à une Constitution imaginée pour permettre à un Gouvernement minoritaire d’agir : nul besoin de disposer d’une majorité positive, c’est-à-dire d’un nombre majoritaire de députés manifestant son soutien à l’égard du Gouvernement, mais il est indispensable d’écarter toute majorité absolue négative, c’est-à-dire que le Gouvernement, nommé par le Président de la République, peut se maintenir tant qu’une motion de censure n’est pas votée à la majorité absolue des députés composant l’Assemblée nationale (soit 289). Or le vote d’une motion de censure ne permet de comptabiliser que les voix qui s’expriment en sa faveur, donc opposées au Gouvernement. Une abstention revient ainsi à un soutien tacite.

C’est la raison pour laquelle Michel Barnier pouvait légitimement craindre de poser la « question de confiance », en engageant la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée, à l’issue de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre. Celle-ci, en effet, suppose d’être adoptée à la majorité et, si elle ne l’est pas, le Gouvernement est alors contraint de démissionner. Les quatre groupes du Nouveau Front populaire (NFP) auraient unanimement voté contre, soit 193 voix, tandis que les quatre groupes de la coalition gouvernementale (Ensemble, MoDem, Horizons et la Droite républicaine) auraient voté pour, soit 211 voix, desquelles il aurait fallu retrancher celles des députés devenus Ministres et qui ne seront remplacés par leur suppléant qu’un mois après leur nomination, soit 19 voix en moins et un total de… 193. Il aurait donc suffi qu’un seul autre député, non-inscrit ou d’un groupe quelconque, vote contre, ou encore qu’un député de la coalition gouvernementale s’abstienne, pour que le Gouvernement soit immédiatement renversé. Le risque était trop grand.

À cela se serait ajoutée la confirmation que le sort du Gouvernement de Michel Barnier est intimement lié au bon vouloir de l’extrême droite, dont pas une seule voix n’aurait dû s’exprimer en défaveur du Gouvernement, dans le cadre d’une question de confiance.

Le vote de la motion de censure le confirme également, mais sans doute d’une façon moins flagrante. D’une part, ce vote vient à l’appui d’une « motion », motivée notamment par le refus de « nommer à Matignon la personnalité proposée par le Nouveau Front Populaire, coalition ayant recueilli le plus grand nombre de sièges (193) à l’Assemblée nationale ». On voit mal l’extrême-droite souscrire à une telle position. D’autre part, dès lors que seules les voix favorables à la motion sont recensées, s’abstenir revient à soutenir sans le dire… tout en permettant de dire le contraire ! En d’autres termes, l’extrême droite peut manifester une hostilité à l’égard du Gouvernement, tout en indiquant son refus de rejoindre la gauche dans ses motivations justifiant la censure.

Cette configuration permet également à Michel Barnier d’être serein à l’égard des positions que pourraient prendre certains députés non-inscrits (notamment ceux qui ont récemment quitté la coalition gouvernementale) et les députés du groupe LIOT, dont la position est toujours trop nuancée pour être clairement exprimée… et anticipée !

Enfin, le hasard fait que le même jour où la motion de censure est discutée et rejetée, la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale a refusé d’inscrire la demande de destitution du Président de la République à l’ordre du jour, si bien qu’elle deviendra automatiquement caduque le 15 octobre, soit treize jours après avoir été examinée par la Commission des Lois.

La clôture de cette première séquence est ainsi actée. Nonobstant des élections législatives anticipées, marquées par la victoire du Front républicain, par la défaite de l’ancienne majorité présidentielle, par l’éclatement de la droite et le rejet de l’extrême droite, par une Assemblée divisée en trois blocs, où la gauche est en tête sans être en capacité de gouverner seule, la droite et la coalition présidentielle se retrouvent à conduire le Gouvernement, avec la bénédiction de l’extrême droite.

Cette situation est incontestablement fragile, mais rien ne garantit qu’elle soit éphémère… ni qu’elle ne le soit pas. Cette « motion de clôture » ouvre une nouvelle séquence : le débat budgétaire. On prend le pari qu’il ira jusqu’à son terme, quoique non sans mal. Reste alors à savoir dans quel état sera cette coalition gouvernementale en janvier, ce qui déterminera si une nouvelle motion de censure, qui pourrait être à nouveau déposée, viendra clore l’avenir du Gouvernement Barnier ou, au contraire, lui permettre de se maintenir bien au-delà de ce que d’aucuns annoncent aujourd’hui.

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