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Pour la suppression du droit d’amendement de l’Exécutif
Alors que la campagne électorale s’intensifie, les propositions des candidats se multiplient, en particulier sur le plan institutionnel.
En cette matière, le diagnostic est généralement partagé : notre démocratie connaît une forme de déséquilibre des pouvoirs, au bénéfice du Président de la République et au détriment du Parlement.
Le remède, en revanche, diffère largement. Certains ne veulent rien changer, d’autres voudraient revenir à un « vrai régime parlementaire », signifiant par là qu’il faut réduire le pouvoir et l’influence du chef de l’État, quitte à supprimer son élection au suffrage universel direct, d’autres au contraire proposent d’installer un véritable régime présidentiel, en supprimant la fonction de Premier ministre, ainsi que le droit de dissolution et la responsabilité du Gouvernement.
Plutôt que de réduire les pouvoirs du Président, il convient de renforcer ceux du Parlement
Si l’on reste convaincu que la Ve République n’est rien d’autre qu’un régime parlementaire, pour la double raison que, d’une part, le Gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement et, d’autre part et surtout, seules les élections législatives attribuent véritablement le pouvoir, un rééquilibrage est bien nécessaire.
Les propositions consistant à restreindre les prérogatives du Président de la République paraissent vaines, pour au moins deux raisons.
D’abord, les électeurs sont attachés non seulement à l’élection directe de leur Président, mais aussi à la désignation d’un chef politique, non d’un chef symbolique. Pour s’en convaincre, il suffit de constater qu’à chaque élection présidentielle, les candidats proposant de réduire le pouvoir du chef de l’État ne se qualifient jamais pour le second tour. Au contraire, ce sont souvent ceux qui prônent la verticalité ou qui s’engagent à diriger politiquement le pays qui sont élus.
Ensuite, cette ascendance du Président de la République résulte davantage d’un fonctionnement institutionnel que du texte constitutionnel lui-même. Non qu’il y ait là une violation de la Constitution, mais simplement une interprétation qui permet au Président élu d’asseoir son autorité sur le Premier ministre nommé, grâce à la majorité à l’Assemblée nationale qui soutient davantage le premier que le second. Il est dès lors délicat de modifier un fonctionnement institutionnel, résultant d’une pratique voulue et en œuvre depuis le début de la Ve République (sauf à changer de République, mais on en revient alors au point précédent : jusqu’à preuve du contraire, les électeurs ne le souhaitent pas).
Par conséquent, plutôt que de réduire les pouvoirs du Président, il convient de renforcer ceux du Parlement.
Une mesure certes technique, mais simple y contribuerait grandement : supprimer purement et simplement (ou presque) le droit d’amendement de l’Exécutif dans la procédure législative.
Le pouvoir exécutif dispose déjà de l’initiative législative, qu’il partage avec les membres du Parlement. Il faut la lui laisser car cette initiative législative est la transcription juridique de son action politique. Surtout, le Gouvernement dispose de moyens qui, à ce jour, font défaut au Parlement pour élaborer les projets de loi, en s’appuyant notamment sur les administrations qu’il dirige.
En revanche, une fois que la loi arrive au Parlement, c’est à ce dernier d’exercer la plénitude de son pouvoir, en l’examinant, en l’amendant, en la discutant et en l’adoptant. Le Gouvernement peut intervenir, pour tenter d’orienter ou d’infléchir, en exprimant son point de vue dans le prolongement de la politique qu’il conduit, mais non en déposant des amendements. D’autant plus que les amendements gouvernementaux sont souvent techniques, voire s’apparentent à de véritables projets de loi bis. Il s’en sert allègrement tout au long de la procédure législative pour compléter un projet de loi qu’il s’était (trop) empressé d’élaborer tout en évitant ainsi le contrôle du Conseil d'État.
Seuls les parlementaires seront en droit de modifier un texte déposé, exerçant ici la plénitude de leur pouvoir législatif. À charge pour le Gouvernement, d’abord, de bien préparer ses projets de loi et, ensuite, s’il juge nécessaire de les compléter, de demander à sa majorité de reprendre un amendement qu’il aurait préparé. Détournement de procédure diront certains ? Nullement : c’est l’application de la collaboration entre Exécutif et Législatif, le premier cherchant auprès du second le soutien dont il a besoin. La conséquence en est que le rôle du Parlement est renforcé. La majorité doit pleinement assumer l’ensemble des amendements, même ceux suggérés par l’Exécutif : elle est ainsi amenée à se montrer exigeante et le Gouvernement est contraint de l’écouter.
Une exception est toutefois nécessaire, en matière financière. En effet, il ne s’agit pas de revenir sur l’interdiction de l’article 40 permettant d’éviter que les parlementaires ne soient dispendieux, à de seules fins électoralistes.
Par cette mesure simple, claire et efficace, on contribuerait grandement au renforcement du pouvoir parlementaire, donc au rééquilibrage des pouvoirs dans notre régime.
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