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L’initiative de la loi : fondement juridique de l’action politique

Cette tribune est la Présentation du 3ème Forum international sur la Constitution et les institutions politiques (ForInCIP). Elle paraît le 3 juillet 2017 dans le JCP-A n° 26 qui nous a aimablement autorisé à la publier également sur le blog.

L’action politique des gouvernants repose d’abord sur la loi, « expression de la volonté générale » selon Jean-Jacques Rousseau (Du contrat social, Livre II, chapitre 6) et l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789. En démocratie, le peuple est la source du pouvoir, il le confie à des représentants, lesquels mènent la politique que le peuple a souhaitée et qui lui est destinée. C’est ainsi qu’il y a des programmes politiques, pour faire campagne et être élu, ou qu’il y a des communications ministérielles, pour faire de la pédagogie et annoncer.
 
Mais la loi demeure le seul vecteur de l’action politique.

C’est au législateur de faire la loi et personne n’est mieux placé que lui, sauf le peuple lui-même. Mais, au préalable, avant d’être maturée au cours du processus législatif, la loi doit être préparée : elle l’est souvent au cours d’un processus gouvernemental. C’est la phase d’initiative législative qui appartient généralement au chef du Gouvernement, dans les démocraties parlementaires.

On pourrait trouver surprenant que, dans des pays qui prônent la séparation des pouvoirs, le Gouvernement, en charge de l’exécutif, s’immisce ainsi dans les affaires législatives en préparant lui-même un texte que le Parlement n’aura plus qu’à voter. Cette surprise pourrait virer à l’incompréhension, voire à la contestation si l’on fait une comparaison avec les démocraties, tels les États-Unis, où les pouvoirs sont plus strictement séparés, l’exécutif ne disposant d’aucune initiative législative.

En réalité, dans tout cela, rien de choquant, au contraire : des pouvoirs séparés sont des pouvoirs qui doivent collaborer. Cette collaboration se réalise sous diverses formes, mais, toujours, conformément à une même logique : il y a un pouvoir directeur et un pouvoir producteur. Le premier a besoin de s’appuyer sur le second pour transformer ses projets en actes, le second a besoin du premier pour que les actes édictés soient coordonnés puis appliqués. En France, en Europe et dans le monde, dans les démocraties, qu’elles soient parlementaires ou non, on retrouve le même modèle.

La loi est le vecteur de l’action politique et le pouvoir d’initiative de la première est le fondement juridique de la seconde.

L’action politique, déterminée et conduite par le Gouvernement et, d’abord, son chef, trouve un prolongement légitime et juridique dans le pouvoir d’initiative législative dont l’exécutif dispose. Il peut alors s’appuyer sur les départements ministériels et l’administration, qui sont à son service, pour préparer un texte, qui sera ensuite examiné, amendé et voté par le Parlement. Même aux États-Unis, qui obéissent à un modèle différent (il n’y a pas de Gouvernement à proprement parler, le président n’a pas de pouvoir d’initiative), le fonctionnement est similaire. Certes, la loi ne peut être formellement initiée que par les membres du Congrès, mais le président arrête une direction politique et les départements ministériels peuvent contribuer à la préparation des textes.

Nulle remise en cause de la séparation des pouvoirs, les rôles sont ainsi répartis et les pouvoirs séparés : l’exécutif propose, le législatif dispose. Cela se passe comme dans un concert : sans orchestre, il n’y aurait point de musique, mais sans son chef, l’orchestre ne se mettrait pas à jouer. Le Premier ministre est en quelque sorte le chef d’orchestre du processus parlementaire : il initie la procédure, la canalise, l’accélère si nécessaire. Mais seuls les parlementaires restent les auteurs de la musique qui est produite, c’est-à-dire la loi.

L’initiative de la loi est ainsi l’exacte illustration d’une action politique, mise en œuvre selon des règles juridiques, permettant de réaliser un programme politique par l’élaboration de normes juridiques : elle sera l’objet des travaux du 3ème Forum international sur la Constitution et les institutions politiques (ForInCIP).

Le thème retenu s’inscrit dans le prolongement des travaux de l’an dernier, sur La désignation des gouvernants (Cahiers du ForInCIP n° 2). Il permet alors d’étudier le lien entre l’élection démocratique d’un chef, d’une nouvelle équipe majoritaire et d’un programme politique et les moyens à disposition pour mener, ensuite, l’action politique.

Surtout, il s’agit de poursuivre les échanges et confrontations d’analyses entre les différents pays représentés, en continuant d’associer des regards juridiques, politistes et politiques. Cette méthode de travail comparative et complémentaire fait émerger ce que l’on a appelé la science constitutionnelle, qui se nourrit, d’une part, de l’étude juridique des normes constitutionnelles et leur interprétation par le juge, d’autre part, de l’analyse de leur application et de ce qu’en font les acteurs, par la science politique et, enfin, du regard sur leur mise en œuvre, leur fonctionnement et leur adaptation par les acteurs eux-mêmes. Cette science constitutionnelle constitue une façon renouvelée de conduire une recherche sur les institutions politiques. Droit constitutionnel, science politique et vie politique sont ainsi mêlés pour enrichir la connaissance et la prospective, mais sans être entremêlés, ce qui nuirait au savoir en ne permettant pas d’identifier des résultats.

Le Forum est un moment de rencontre, de discussion et de confrontation entre universitaires et acteurs institutionnels, qu’ils soient des membres politiques ou administratifs des institutions, entre Français et étrangers. Il réunit en effet les expériences issues de plusieurs systèmes et cultures juridiques, française, européennes et au-delà (on compte cette année quatorze systèmes : Allemagne, Belgique, Colombie, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Israël, Italie, Mexique, Pologne, Royaume-Uni, Suisse et Union européenne). Il aura lieu à Lille, du 14 au 16 septembre 2017.

Parce qu’il existe différents types d’initiative législative, ils seront tous étudiées, en s’appuyant sur une distinction entre l’initiative institutionnelle, au sein du Gouvernement et du Parlement, et l’initiative citoyenne, directement issue du peuple, lorsqu’il peut faire adopter ou, au contraire, faire abroger une loi. Au-delà, les destinataires de la loi se structurent parfois, autour de représentants d’intérêts ou de syndicats, afin d’influer sur le processus législatif et, d’abord, sa mise en œuvre. Le rôle de ces acteurs (plus ou moins) influents est essentiel et son encadrement est indispensable. Il sera ainsi le troisième temps du Forum, qui comparera les expériences françaises et étrangères.

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