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Crise en Catalogne

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un principe qui ne se discute pas. Il a valeur constitutionnelle en France, ainsi qu’en Espagne, grâce à l’article 2 de la Constitution espagnole de 1978. Pour autant, cela n’autorise pas les mouvements nationalistes, indépendantistes et sécessionnistes à mener toutes les actions possibles, ce même article 2 proclamant l’« unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols ».

Le Gouvernement espagnol a sans doute commis une erreur dans sa gestion du referendum catalan. À un triple niveau : une erreur politique, stratégique et juridique. Il ne s’agit pas, pour autant, de soutenir que cette consultation devait se tenir, mais simplement de souligner la maladresse politique dans cette crise.
 
Car il y a bien une crise. Une consultation populaire s’est tenue, alors qu’elle avait été déclarée illégale par le Tribunal constitutionnel et le Gouvernement. Elle a été réprimée par les forces de l’ordre, faisant plus de 800 blessés. Elle a conduit à un résultat, qui doit être discuté et nuancé : 90% de oui, mais 42,3% de participation (soit 57,7% d’abstention).

L’erreur politique est d’avoir voulu empêcher, coûte que coûte, la consultation de se dérouler. C’est une erreur, car il était certain qu’elle se tiendrait, même a minima et toute tentative de l’empêcher était ainsi vouée à l’échec. C’est une erreur, car, de ce fait, la crise n’a pas pu être évitée mais, au contraire, a été renforcée.

C’est une erreur, car il aurait été plus judicieux de prendre acte de son interdiction, par le Tribunal constitutionnel, pour soutenir que ce ne serait nullement un referendum au sens juridique du terme, mais une simple consultation de l’opinion qui n’aurait aucun effet de droit.

Et il est démocratiquement plus aisé de justifier une position politique par le droit que par la force.

L’erreur stratégique est d’avoir agi avec force et violence. Les affrontements n’ont fait que renforcer la motivation, voire le sentiment indépendantiste. Car il ne s’agissait plus tant de voter pour ou contre l’indépendance, que pour ou contre le droit de s’exprimer librement, dans une démocratie. Et cela ne devrait souffrir aucune discussion, aucune restriction, aucune répression.

Là encore, laisser la population s’exprimer aurait, au mieux, permis de constater que la volonté indépendantiste n’est pas aussi puissante qu’elle paraît (on l’a vu en Écosse) ou, au pire, de prendre acte d’une volonté politique dépourvue d’effets de droit, mais que le pouvoir ne peut nier.

L’erreur juridique est d’avoir voulu bâillonner le peuple. Dans une démocratie, il doit toujours pouvoir s’exprimer. C’est le principe même de la démocratie, c’est le synonyme de la liberté d’expression, mais aussi du pluralisme politique. Cela ne remet pas en cause le principe de l’unité nationale, constitutionnellement garanti.

Reste à savoir quels effets donner à cette possibilité d’expression populaire. Rien n’oblige à ce que les effets de droit soient radicaux et immédiats. Que ce soit en l’état ou si la consultation s’était tenue sans heurts, il ne peut y avoir aucun effet de droit, puisque la Catalogne n’a aucune compétence pour déclarer son indépendance ou organiser une telle consultation. Si bien que, en droit, elle est (et elle aurait été) nulle et non avenue.

Aujourd’hui, le gouvernement catalan se prévaut de 90% de votants en faveur du Oui. Seulement, la participation de 42,7% est si faible que le résultat ne peut être représentatif. On peut facilement imaginer que tous les partisans du Non ne se soient pas déplacés, car ils ont renié un scrutin illégal, car ils ne souhaitaient pas se retrouver au milieu de violences, car, tout simplement, ils avaient mieux à faire.

Sur le plan du droit, donc, la Catalogne ne peut devenir indépendante, à ce stade. Lorsque le droit ne suffit pas, on peut parfois recourir à la force, notamment en invoquant la « résistance à l’oppression », toutefois inapplicable en l’espèce. Surtout, mener un combat, voire une guerre de sécession, est extrêmement risqué – d’autant plus que les institutions catalanes ne disposent pas de force armée – sans compter sur l’impact désastreux que cela aurait.

Le droit permet d’apporter une réponse : l’article 155 de la Constitution espagnole autorise le Gouvernement, après accord du Sénat, à placer l’administration de la Catalogne sous son autorité. Ce serait une solution juridique qui permettrait, le cas échéant, d’éviter une nouvelle escalade dans la crise.

Mais elle ne saurait être durable que si elle connaît un prolongement politique acceptable et accepté par les Catalans, sans nouveau recours à la force… par qui que ce soit.

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