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N’oublions pas l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale et, avec elle, le Sénat vont interrompre leurs travaux cette semaine.

C’est classique, à l’approche de l’élection présidentielle. Afin de permettre aux parlementaires de se mobiliser pour la campagne et éviter que le travail législatif n’interfère dans le débat présidentiel, il est de coutume que le Parlement suspende ses travaux environ deux mois avant le premier tour du scrutin.

Ainsi, sauf circonstances graves, le Parlement ne devrait plus se retrouver dans sa configuration actuelle.

Il faut évidemment réserver les éventuels cas de crise, par définition imprévisibles et dont on ne peut donc pas envisager tous les scénarios. Cela peut aller de la commission d’autres attentats à l’engagement de l’article 16 de la Constitution, en passant par un événement qui toucherait directement le Gouvernement ou le Président de la République. Sans que ce soit imposé, il serait alors fort probable que le Parlement se réunisse.

Espérons que rien de tout cela ne se produise.


De même, il est de coutume que la suspension des travaux se prolonge jusqu’au lendemain des élections législatives et à la prise de fonction de la nouvelle Assemblée nationale. Mais une victoire atypique à la présidentielle, d’un candidat extrémiste pour ne pas le nommer, pourrait justifier que le Parlement se réunisse à nouveau.

Pour cela, chacune des assemblées est compétente en ce qui la concerne : selon l’article 28 de la Constitution, c’est à elles que revient la tâche de fixer les semaines de séance. Leur Président respectif peut ainsi convoquer une conférence des Présidents, à tout instant, laquelle est compétente pour proposer un ordre du jour à l’assemblée dont elle relève et, donc, revenir sur une interruption des travaux décidée précédemment.

Espérons que cela ne se produira pas davantage.

Avec l’interruption des travaux du Parlement cette semaine, la campagne pour l’élection présidentielle sera plus vive. Si la campagne officielle ne débutera que le 10 avril 2017 (soit quinze jours avant le premier tour) et si on ne connaîtra les candidats que le 20 mars, cette semaine marque le début de la période de recueil des parrainages.

Ces derniers doivent, depuis cette année, être directement envoyés au Conseil constitutionnel, ce qui en renforce la crédibilité et évitera les manœuvres.

Néanmoins, bien que tous les projecteurs soient actuellement braqués sur la présidentielle, ses candidats potentiels ou le potentiel de ses non-candidats, il ne faut point oublier que les élections qui détermineront qui aura effectivement le pouvoir sont les législatives, qui se tiendront les 11 et 18 juin 2017.

En effet, le futur Président de la République, quel qu’il soit, aura besoin d’une majorité pour gouverner et ne pourra rien sans elle. On le sait, en particulier depuis l’expérience de la cohabitation, entre 1986 et 1988, entre 1993 et 1995 et, surtout, entre 1997 et 2002.

Toutefois, la cohabitation n’est pas la seule période où le Président est privé de pouvoir. De 1988 à 1993, alors qu’il n’y avait qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, François Mitterrand disposait de pouvoirs bien moindres que ceux dont il pouvait se prévaloir de 1981 à 1986. Il en va de même de Valéry Giscard d’Estaing, de 1974 à 1981, alors qu’il était issu d’un courant minoritaire de la majorité.

Sans aller jusqu’à prédire le retour d’une cohabitation, il n’est pas impossible que le prochain Président ne dispose pas d’un soutien majoritaire.

Cela pourrait résulter de la victoire d’un candidat atypique, c’est-à-dire qui ne serait pas issu de l’un des deux grands partis de gouvernement. Si l’effet d’entrain que confère chaque élection présidentielle sera évidemment présent, il n’est pas acquis que le vote se répercute mécaniquement et avec le même enthousiasme sur les candidats associés au Président victorieux. Ce dernier bénéficie en effet d’une personnalité particulière dont ne peuvent se prévaloir chacun des candidats aux élections législatives. De surcroît, la force des partis politiques aguerris est de pouvoir œuvrer à la continuité entre une élection nationale portant sur une seule circonscription – la présidentielle – et une élection nationale portant sur 577 circonscriptions : les législatives.

Et même dans l’hypothèse d’une victoire de Benoît Hamon ou François Fillon, rien ne garantit que la majorité dont ils disposeront soit aussi solide qu’ils l’espèrent. À ce titre, le quinquennat de François Hollande montre particulièrement bien à quel point le soutien majoritaire est indispensable et peut se révéler fragile.

Par conséquent, si l’élection présidentielle est effectivement celle qui mobilise le plus les médias, l’opinion et les électeurs parce qu’elle est structurante, le pouvoir ne peut être obtenu qu’avec une victoire aux législatives. Que cette dernière fasse défaut et le Président élu est déjà un Président battu, qu’elle ne soit qu’en demi-teinte et le Président choisi est d’emblée un Président réduit.

Ainsi, quoiqu’elle interrompe ses travaux cette semaine, il serait bon que personne n’oublie l’Assemblée nationale.

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