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Bravo Einstein !

« Lorsque les faits ne correspondent pas à la théorie, changez les faits ! ». Ainsi proclama Einstein. Et ainsi fit Castaner. Bravo Einstein !

La théorie est simple : La République en marche, parti centriste ni de droite ni de gauche, est la première force politique du pays. Qui le conteste méconnaît la théorie et, par conséquent, se trompe.

Mais les faits sont là et ils sont têtus (ce sont des faits) : les sondages ne prédisent pas une telle victoire aux prochaines élections municipales, des 15 et 22 mars 2020. L’Exécutif ne connaît pas d’embellie durable de sa cote de popularité. Les mouvements sociaux contre la réforme des retraites baissent d’intensité, mais ne disparaissent pas totalement. Pis, ils pourraient repartir à tout instant, lors des discussions au Parlement et… à quelques semaines des élections municipales.

Alors, appliquons la méthode d’Einstein et changeons les faits. Il suffit de ne prendre en compte, dans les résultats des élections, que ceux qui avantageront le parti de la majorité, au cœur de la théorie. Tel est l’objet de la circulaire prise par le Ministre de l’Intérieur, à destination des préfets.

Celle-ci a un double objectif. D’une part, elle établit une nouvelle liste des nuances politiques pour les élections municipales. En particulier, elle dresse une liste de « six nuances pour le centre », qui réunit, peu ou prou, tous les alliés du parti majoritaire et intègre la nuance « Divers centre ». Il suffirait ainsi qu’une liste soit seulement soutenue par le parti présidentiel, alors qu’elle est conduite par un candidat d’un autre parti (comme à Toulouse, par exemple), pour que son résultat profite à l’actuelle majorité.

Une présentation faussée des résultats viole frontalement le principe constitutionnel de sincérité du scrutin

D’autre part, elle indique que les nuances devront être attribuées « à chaque liste candidate ainsi qu’à chaque candidat de chaque liste seulement dans les communes de 9 000 habitants et plus, ainsi que dans les communes chefs-lieux d’arrondissement quelle que soit leur population ». Jusqu’à présent, ces nuances étaient appliquées dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Ainsi, seules les communes les plus peuplées et, de loin, les moins nombreuses seront prises en compte pour l’agrégation des résultats au niveau national. En effet, elles représentent à peine 3% du nombre des communes et un peu plus de 50% de la population.

Surtout, il s’agit des communes où le parti présidentiel compte le plus d’électeurs.

La circulaire prend le soin de préciser que « la grille des nuances est dépourvue de tout effet juridique. Elle ne vise qu’à agréger et présenter les résultats obtenus par les différents candidats et listes de candidats ».

C’est faux et le Conseil d’État a dit exactement le contraire.

L’ordre démocratique suppose la garantie de la sincérité du scrutin, principe constitutionnel directement issu de l’article 3 de la Constitution.

Ce même principe interdit d’induire l’électeur en erreur, par exemple en lui présentant des résultats qui ne reflètent pas fidèlement la réalité.

S’agissant simplement d’une présentation des résultats, on pourrait d’abord rétorquer que l’électeur s’est déjà prononcé, le scrutin est passé et il n’y a plus d’erreur possible. Ensuite, cette présentation tend à faciliter le travail d’agrégation et de présentation, notamment par les médias, en excluant des communes où les nuances partisanes ne font guère de sens (tel est effectivement le cas dans les petites communes, d’où le seuil antérieur de 1 000 habitants).

Mais ces arguments ne tiennent pas. D’une part, les communes entre 1 000 et 9 000 habitants ne sont pas considérées comme « petites » mais comme « moyennes » et les clivages partisans y sont bien présents.

D’autre part, comme l’a souligné le Conseil d’État, la présentation des résultats a bien un effet, puisque ces derniers sont constamment rappelés et deviennent un outil de communication politique, par exemple à l’occasion de scrutins futurs.

Enfin, cette présentation aura un effet immédiat à l’occasion de ce même scrutin, qui se déroule en deux tours : les résultats présentés au soir du premier tour pourront avoir un effet sur le second tour, organisé le dimanche suivant.

Une présentation des résultats qui serait faussée, voire fausse induirait bel et bien l’électeur en erreur, pour cette même élection, ce qui viole frontalement le principe constitutionnel de sincérité du scrutin.

À manipuler ainsi les faits et la démocratie, la théorie pourrait dangereusement se retourner contre les manipulateurs.

Lorsque les faits ne correspondent pas à la théorie, changez les faits : le génie d’Einstein y était parvenu. Mais n’est pas Einstein qui veut…

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