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Revoici l’abandon de la révision constitutionnelle (épisode 1)
Après la révision constitutionnelle elle-même, revoici donc son abandon. Ce n’est que le premier épisode du genre, car il ne concerne que l’un de ses aspects.
Comme c’était prévisible et annoncé, le Président de la République a indiqué avoir pris acte qu’il n’y aurait pas de majorité pour garantir l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle permettant de rendre possible un référendum sur l’immigration ou, plus largement, sur les sujets de société.
On peut sans doute en déduire que l’ensemble de l’article 11 de la Constitution est concerné et que l’évolution du référendum d’initiative partagée (RIP), avec l’abaissement des seuils et la restriction du champ temporel, est également abandonnée.
Pourtant, le sujet aurait dû être consensuel. Qui peut s’opposer à ce que la parole du peuple soit plus aisément sollicitée ?
Il faut faire preuve de discernement pour apprécier non seulement ce qui est constitutionnellement permis, mais aussi ce qui est démocratiquement souhaitable
En théorie, aucun parti démocratique et républicain. En pratique, la droite républicaine et la gauche démocrate. Cherchez l’erreur…
Elle ne provient pas tant de ces partis qui refusent de soutenir une telle réforme, que de son instigateur qui n’a pas su réunir les conditions permettant qu’elle aboutisse. Cherchant toujours à instrumentaliser politiquement la Constitution, en proposant des réformes moins destinées à faire évoluer le régime qu’à détourner l’attention et à piéger les oppositions, le Président échoue avant même d’avoir pu commencer. Les oppositions ne sont pas dupes et, si l’objet même de la révision devrait fondamentalement les contraindre de la soutenir, les circonstances leur offrent des arguments pour temporiser.
C’est justifié tant, on ne le répètera jamais assez, la Constitution scelle notre pacte national et ne saurait être l’objet de manœuvres politiciennes.
À l’inverse, une évolution de notre Constitution serait sans doute bénéfique, mais suppose que les conditions, d’abord politiques, soient réunies pour y parvenir. Un contexte de majorité relative n’y est certainement pas défavorable par principe, au contraire. Contraignant à des accords politiques pour obtenir des majorités, il peut favoriser des négociations permettant que les sujets constitutionnels prospèrent. À condition, néanmoins, de favoriser ces négociations de telle sorte qu’elles favorisent elles-mêmes le dépassement des clivages. Or tel n’est certainement pas le cas dans le contexte actuel, où ces derniers ne font que se renforcer plutôt que s’atténuer.
En effet, dès lors que l’on annonce et assume vouloir « user de tout ce que [la Constitution] permet et s’interdire tout ce qu’elle ne permet pas », sans faire preuve du moindre discernement pour apprécier non pas seulement ce qui est permis, mais ce qui est démocratiquement souhaitable, les passages en force sont imposés et peu propices à des élargissements de majorité, donc au succès d’une révision constitutionnelle qui ne pourrait pas aboutir autrement.
C’est heureux, car une révision suppose de la sérénité.
C’est dommage, car le peuple souverain mériterait qu’on lui offre des outils lui permettant de faire entendre sa voix.
Plusieurs propositions ont été formulées en ce sens au sein du GRÉCI, Groupe de réflexion sur l’évolution de la Constitution et des institutions. Elles ne concernent pas toutes le référendum, celui-ci n’étant pas le moyen exclusif d’associer le peuple à la décision politique.
L’élargissement de son champ peut ainsi être rendu possible, interrogeant quant à son étendue. Dès lors que la souveraineté nationale appartient au peuple, doit-il être en mesure d’intervenir sur tous les sujets, notamment ceux confiés au législateur par l’article 34 de la Constitution, ou bien faut-il exclure certains sujets du champ référendaire, en raison du risque d’instrumentalisation dont ils peuvent faire l’objet ? Les sujets fiscaux et pénaux font ainsi fréquemment l’objet de restriction au regard du champ référendaire, le recul que garantit le débat législatif permettant de dépassionner les discussions et une meilleure appréciation des différents intérêts et enjeux. Pour autant, l’article 14 de la Déclaration de 1789 pose le principe du droit de tous les citoyens de « constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Par conséquent, seule la matière pénale, de nature passionnelle, justifie qu’elle soit soustraite du référendum, non la matière fiscale.
Au-delà du référendum, qui présente le travers de ne permettre aucun débat législatif sur la loi adoptée par le peuple, d’autres voies sont possibles pour associer davantage le peuple à la décision politique, qu’il s’agisse de l’initiative citoyenne et locale, de la demande de ratification référendaire ou d’une meilleure articulation du calendrier électoral.
L’essentiel est de veiller à ce que les légitimités soient complémentaires et non concurrentes, entre la voix du peuple et la voie institutionnelle. C’est en effet le souhait du Président de la République, qui l’a rappelé à plusieurs reprises. Encore faut-il s’appliquer à soi-même ce que l’on recommande aux autres. Or les messages renvoyés par l’Exécutif depuis non seulement 2022, mais aussi 2017 ne sont pas de nature à assurer une complémentarité entre lui, le Parlement et le peuple, tant les passages en force sont imposés, sans égard pour la représentation nationale.
Tout cela n’augure rien de bon pour une autre révision constitutionnelle également engagée. Le projet de loi constitutionnelle relatif à l’interruption volontaire de grossesse devrait ainsi être adopté en Conseil des Ministres le 13 décembre. Mais rien ne dit qu’il ne sera pas abandonné, lui aussi, tôt ou tard…
La suite au prochain épisode !
Mots-clés: Article 14, Article 3, Article 11, Article 34, Article 89, Président de la République, Référendum, Révision constitutionnelle, Parlement, Parti politique, Opposition, Conseil des ministres, Référendum d'initiative partagée, Souveraineté nationale