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Indépendantisme

Un vent d’indépendantisme souffle sur l’Europe. Le vent présente un avantage : il est source d’énergie renouvelable, bienvenue en cette période de soutien aux politiques environnementales.

Le vent d’indépendantisme pourrait ainsi redonner de l’énergie à l’Europe, qui en aurait grand besoin, pour renforcer sa solidarité, sa cohésion et sa dynamique politiques.

Mais le vent présente aussi un inconvénient : trop violent, il peut faire des ravages. Et il n’est point contrôlable. Si l’on peut éventuellement anticiper sa violence, grâce aux études météorologiques, pour se protéger, rien ne permet cependant de l’éviter. Il ne reste qu’à attendre passivement son passage.
 
Ce vent a commencé à souffler contre l’Union européenne elle-même, tout entière, avec la victoire du « Leave » à 51,9% des voix, lors du referendum sur le Brexit, le 24 juin 2016. Rappelons toutefois que l’Écosse et l’Irlande du Nord, ainsi que la région de Londres étaient nettement favorables au « Remain ».

Cela a ravivé, d’ailleurs, quoique de façon contenue pour le moment, le vent d’indépendantisme écossais. Il fut vif en 2014, lorsqu’un referendum eut lieu le 18 septembre de cette année. Mais le « Non » à l’indépendance l’avait emporté avec 55,3% des voix. Toutefois, les Écossais désirant rester dans l’Union, vivent mal le choix imposé par les Anglais et les Gallois d’en sortir. Et le Gouvernement écossais a demandé, le 31 mars 2017, qu’une nouvelle consultation ait lieu. Elle est renvoyée, pour l’heure, à l’après-Brexit.

Le vent le plus fort, aujourd’hui, souffle évidemment en Espagne, entre Madrid et la Catalogne. Samedi 21 octobre, Mariano Rajoy, chef du gouvernement, a annoncé qu’il demandait l’activation de l’article 155 de la Constitution espagnole. Cet article, comme d’autres de la Constitution de 1978, est directement inspiré de la Loi fondamentale allemande et son article 37, intitulé Bundeszwang, soit « contrainte fédérale » : c’est dire son sens et sa puissance.

C’est la réponse institutionnelle à ce qui est considéré comme un coup d’État. Plusieurs éléments permettent de le corroborer : le referendum avait préalablement été déclaré illégal, il a malgré tout été organisé, en violation du droit et selon des conditions suspectes (urnes opaques, émargements approximatifs, faible participation), l’indépendance a été déclarée mais immédiatement suspendue par le chef du Gouvernement catalan, Carles Puigdemont.

Pour être activé, l’article 155 impose que ce dernier soit entendu puis que le Sénat approuve sa mise en œuvre, à la majorité absolue de ses membres. Cela devrait avoir lieu le 27 octobre et ne devrait pas poser de difficulté, dès lors que les deux principaux partis d’opposition, le PSOE et Ciudadanos, y ont apporté leur soutien. Il permettra de destituer le Président de la Communauté autonome, de dissoudre son Parlement afin d’organiser des élections anticipées, de prendre le contrôle de la police locale, de l’administration fiscale et des télécommunications, autant d’éléments stratégiques lorsque l’on souhaite imposer l’indépendance par un coup d’État.

Toutefois, Carles Puigdemont pourrait l’éviter : Madrid a prévenu que s’il recule et renonce à sa déclaration d’indépendance, « l’arme 155 » ne serait pas déclenchée. Mais les chances sont faibles car c’est bien cet ultime recours qui est perçu comme un coup d’État, en Catalogne.

À ce stade, nul élément juridique ne le corrobore. Mais il y a la force politique de l’article, d’abord : une mise sous tutelle pure et simple. Ses conséquences juridiques, ensuite : destitution, dissolution, administration. Et, surtout, un rappel historique, enfin : en 1939, Franco avait lui-même dissout les parlements régionaux et, notamment, celui de Catalogne. Tout cela renforce la position de Puigdemont, au moins aux yeux des Catalans.

Ce vent indépendantiste espagnol souffle si fort qu’il pourrait traverser la Méditerranée, tout en perdant alors de sa vigueur. Sur le chemin, il y aurait d’abord… la Corse, ou les électeurs seront appelés aux urnes les 3 et 10 décembre 2017 pour élire leurs représentants au Conseil de la collectivité unique. Les indépendantistes, nationalistes et autonomistes ont prévu de faire une liste commune, ce qui pourrait leur permettre d’obtenir une majorité.

Au-delà, il y a ensuite l’Italie, où deux régions italiennes, la Lombardie (Milan) et la Vénétie (Venise), ont organisé un referendum ce dimanche 22 octobre, demandant non pas l’indépendance mais davantage d’autonomie. Le Gouvernement italien n’avait aucune raison de s’y opposer : d’une part, cette consultation est légale et n’a que valeur consultative et, d’autre part, la Constitution elle-même autorise un régionalisme différencié, en son article 116, al. 3, en permettant à certaines régions d’exercer des compétences que d’autres n’auraient pas. Le « Oui » l’a largement emporté dans les deux cas, malgré une participation modérée.

Cela ne devrait pas susciter de crise majeure, mais il faut néanmoins rester vigilant. Cela souligne, surtout, que la réaction virulente de Madrid n’était sans doute pas des plus adaptées, ainsi qu’on l’a déjà souligné. Faire droit à la démocratie, écouter un peuple ou une population, reconnaître le droit à l’autodétermination n’a jamais été synonyme d’un droit à la sécession, lequel, par nature, remet en cause un pacte constitutionnel et démocratique.

Le tout est de savoir faire confiance au peuple et de ne pas le craindre. Et c’est ainsi qu’en retour, ce peuple pourra faire confiance.

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