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En matière de dissolution, la Constitution s’impose

Ce billet est initialement paru sous forme de Tribune dans Le Monde

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Alors que le Président de la République nous avait habitué à prendre son temps, il semblerait qu’il se soit précipité sur la dissolution. Non seulement est-elle prononcée le soir même des élections européennes auxquelles elle entend réagir, mais elles sont convoquées dans un délai extrêmement court, puisque le premier tour aura lieu le 30 juin, soit dans trois semaines à peine. Cependant, s’il s’agit bien d’un record sous la Ve République, ce délai n’est pas totalement différent de ceux qui ont pu s’appliquer dans le passé.

Sur les cinq dissolutions que l’on a connues jusqu’à présent, depuis 1958, trois d’entre elles ont conduit à des élections moins de vingt-cinq jours plus tard : en 1968 (vingt-quatre jours), en 1981 (vingt-quatre jours) et en 1988 (vingt-deux jours). Il est vrai que lors de ces deux dernières, elles s’inscrivaient dans le prolongement d’une élection présidentielle et ne faisaient donc que poursuivre une campagne électorale déjà menée. Le délai qui a séparé les deux autres dissolutions des élections législatives était quant à lui plus long : quarante jours en 1962 et trente-trois jours en 1997.

 

La Constitution s’impose et prime sur la loi : dès lors que la première est respectée, la seconde s’efface

Aujourd’hui, la Constitution est scrupuleusement respectée, puisqu’elle impose qu’en cas de dissolution, les élections législatives qui en résultent aient lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après qu’elle a été décrétée. La constitutionnalisation d’un tel délai est une réaction au régime de Vichy et à l’ajournement des chambres décidé par le Maréchal Pétain en 1940. Afin d’éviter que l’Assemblée nationale soit ainsi ajournée, la Constitution impose l’organisation des élections dans un délai strict. Avec un premier tour des élections programmé le 30 juin, le délai est de vingt-et-un jours et il est ainsi conforme à la Constitution. 

En revanche, l’article L. 157 du code électoral impose que les déclarations de candidature soient déposées, au plus tard, le quatrième vendredi qui précède le premier tour, soit un peu plus de trois semaines avant. Dans notre cas, il s’agirait du vendredi 7 juin… et il est donc impossible de le respecter, puisqu’on peut difficilement imaginer devoir déposer des candidatures à une date antérieure à celle de leur propre convocation.

Cependant, la Constitution s’impose et elle prime sur la loi : les délais de l’article 12 de la Constitution écrasent ceux de l’article L. 157 du code électoral. Le Conseil constitutionnel s’est même déjà prononcé précisément sur ce sujet puisqu’il avait été saisi de cette question, en 1988. Dans une décision du 4 juin 1988, il avait alors répondu que les « dispositions de nature constitutionnelle prévalent nécessairement, en ce qui regarde les délais assignés au déroulement de la campagne électorale et au dépôt des candidatures, sur les dispositions législatives du code électoral ». Il est ajoute même, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, que ces dispositions du code électoral « ne concernent point le cas d’élections consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale ».

Dans le cas présent, il aurait d’ailleurs été difficile d’organiser ces élections à un autre moment.

En effet, le 14 juillet tombe cette année un dimanche et, si ce n’est pas formellement interdit, il paraît assez difficile d’organiser des élections le jour de la fête nationale, alors que sont organisés divers défilés militaires, cérémonies et hommages ou autres discours politiques officiels. Si les élections législatives avaient dû être organisées après, elles l’auraient été les 21 et 28 juillet et, au-delà de la difficulté des Jeux Olympiques qui débutent le 26 juillet, le délai de quarante jours imposé par la Constitution n’aurait pas été respecté. Par conséquent, les élections ne pouvaient avoir lieu qu’avant, soit les 30 juin et 7 juillet.

Il n’est pas impossible, bien sûr, que cet agenda s’inscrive dans la tactique du Président de la République, qui compte peut-être sur une campagne électorale éclaire afin de ne pas permettre aux oppositions de s’organiser. Cependant, ce sont d’abord ces éléments factuels qui commandent le calendrier électoral. 

Il appartient désormais au décret de convocation des électeurs de fixer le délai dans lequel les candidatures pourront être déposées. Son article 2 prévoit ainsi que les candidatures doivent être déposées d’ici au dimanche 16 juin, à 18 heures, ce qui permet de respecter la durée de la campagne électorale officielle, qui est de quatorze jours, selon l’article L. 47A du code électoral. Cette dernière débutera lundi 17 juin, à 0 heure.

Ce décret peut faire l’objet d’un recours contentieux et le juge appréciera alors sa légalité mais aussi – et surtout – sa constitutionnalité. Or la Constitution s’impose et prime sur la loi. Dès lors que la première est respectée, la seconde s’efface. 

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