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Condamner l’immunité, quelle idée !

L’immunité dont peuvent se prévaloir certains responsables politiques dérange. Elle est pourtant indispensable. En condamner le principe et la supprimer, c’est affaiblir la démocratie.

Elle dérange parce qu’elle serait synonyme d’impunité. Ce qu’elle n’est pas. Elle dérange parce qu’elle serait un privilège antidémocratique, ce qu’elle n’est pas davantage.

Rappelons-en le régime, d’abord, pour en justifier l’importance, ensuite.

L’immunité – qui n’est que le bénéfice d’une protection juridique dérogatoire au droit commun – concerne les parlementaires (députés, sénateurs, députés européens) et le Président de la République.

Un parlementaire bénéficie d’une immunité totale concernant les « opinions ou votes » qu’il peut émettre « dans l’exercice de ses fonctions ». C’est ce que l’on appelle l’irresponsabilité. À l’inverse, l’immunité est partielle « en matière criminelle ou correctionnelle », où il ne peut alors faire l’objet « d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie ». C’est ce que l’on appelle l’inviolabilité.


Ce régime s’applique pendant toute la durée du mandat, même pour des faits antérieurs et à l’exception d’un crime ou délit flagrant ou d’une condamnation définitive. Enfin, il s’étend aux représentants français au Parlement européen puisque, en la matière, les règles européennes renvoient aux règles nationales, si ce n’est que l’immunité ne peut être levée que par un vote du Parlement dans son ensemble.

Le Président de la République, en sus d’une irresponsabilité à l’égard « des actes accomplis en cette qualité », bénéficie d’une inviolabilité spécifique, le préservant de toute action juridictionnelle. En revanche, il peut être destitué par le Parlement constitué en Haute Cour, « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

Néanmoins, les instances et procédures qui ne sauraient être ainsi engagées ou poursuivies peuvent l’être « à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions », sans que la prescription puisse jouer. Cette protection ne le concerne que lui et ne s’étend ni à ses collaborateurs ni à sa famille.

L’immunité, en tant qu’irresponsabilité, est la garantie de l’exercice libre du mandat. Puisque son détenteur s’est vu confier une mission par le peuple qui l’a élu, il n’a à en répondre que devant lui. L’élu, lorsqu’il agit en tant que tel, n’aura à tenir compte que des conséquences politiques de ses actes, non de leurs conséquences juridictionnelles.

C’est pourquoi l’exercice même du mandat démocratique commande que cette immunité soit maintenue et qu’il ne serait pas seulement saugrenu, mais démocratiquement dangereux de la supprimer ou, même, de l’égratigner.

L’inviolabilité, quant à elle, est une préservation du principe de la séparation des pouvoirs. Parce que les responsables politiques sont exposés, ils doivent être protégés : il s’agit d’empêcher que des poursuites juridictionnelles ne maquillent des mises en cause politiques, ou qu’un procureur zélé ne donne suite à la moindre attaque d’un citoyen déçu ou mal intentionné.

Cette inviolabilité, en matière parlementaire, ne concerne alors que la fonction, non son détenteur. Elle assure que le mandat pourra être exercé de façon digne, à condition que son détenteur le soit tout autant. Et si des faits se révèlent sérieusement étayés, alors des poursuites peuvent être engagées, d’abord, sans besoin d’autorisation et l’immunité peut être levée, ensuite, sur décision du bureau.

Car cette immunité préservant la fonction ne saurait s’apparenter à une impunité à l’égard de son titulaire. Ce n’est que devant la justice qu’il doit répondre de ses actes commis en tant qu’individu.

La situation est nettement différente à propos du Président de la République. Parce qu’il est le détenteur unique d’une fonction exceptionnelle, il est encore davantage exposé. Parce qu’il incarne l’État, sa dignité, sa continuité et sa neutralité, sa fonction doit être protégée contre la moindre attaque dont il fait continuellement l’objet. Et parce que cette fonction exceptionnelle n’est point détachable de son détenteur unique, la protection afférente à celle-là doit également profiter à celui-ci.

Cela ne le place pas pour autant dans une situation d’irresponsabilité ou d’impunité totale.

Responsable, il l’est d’abord politiquement, devant le peuple et ses électeurs. Responsable, il l’est ensuite devant la Haute Cour, qui peut le destituer. Ni politique (car au-delà des clivages partisans) ni pénale (car non juridictionnelle), il s’agit d’une responsabilité spécifique d’une institution qui l’est tout autant.

Punissable, il le demeure enfin, par la justice, le moment venu : au terme de son mandat, qu’il ne soit plus élu ou qu’il ait été destitué, voire qu’il ait démissionné.

Car l’immunité n’interdit pas que les fonctions soient exercées avec probité… mais c’est là une autre question qui, si elle n’est pas tranchée par ceux qui briguent certaines fonctions, pourra l’être par le peuple qui les leur confie.

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