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Les élections face aux défis du XXIe siècle

Ce billet est le verbatim du discours prononcé au Conseil constitutionnel, en ouverture du Colloque international organisé en partenariat avec le Réseau mondial de justice électorale (RMJE) et le CRDP de l’Université de Lille.

 

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Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,

Monsieur le Président du Réseau mondial de Justice électorale, Président de Bawaslu,

Monsieur le Vice-Président du Tribunal Fédéral de la Confédération Helvétique, 

Mesdames et Messieurs les juges, 

Chers collègues, 

Chers étudiants 

Et chers amis, 

La préservation de la démocratie est une lutte permanente.

La démocratie, pour laquelle de nombreux de nos concitoyens, de nombreuses personnes à travers les âges et à travers le monde, se sont battus, n’est jamais un acquis. L’histoire le montre, qu’elle soit ancienne ou récente : la démocratie est constamment l’objet de critiques, mais aussi d’attaques. Les premières sont normales : elles participent du débat démocratique. Les secondes ne peuvent être acceptées et elles sont parfois d’une violence ignoble et j’ai évidemment une pensée à l’égard des victimes du crime commis la semaine dernière, dans une école de la République.

Ces attaques sont le fruit d’ennemis de la démocratie qui, par leur radicalité, leur extrémisme, manifestent leur hostilité à son égard.

 

Si nous avons besoin de la démocratie, la démocratie, elle aussi, a besoin de nous

Nos démocraties traversent des crises, qui ne sauraient être réduites à une singularité, car elles sont bien plurielles : crise du fonctionnement de la démocratie, crise de la confiance, crise de la représentation. Elles se traduisent par une défiance croissante des citoyens vis-à-vis des institutions et de leurs représentants. Elles se matérialisent notamment par des taux d’abstention toujours plus forts lors des différentes élections, mais également par une violence d’abord verbale, qui devient aussi – et malheureusement – physique, à l’égard des institutions, des élus. Cette violence est favorisée par les réseaux sociaux, présents dans nos vies quotidiennes et qui permettent d’interpeller, de suivre, de tracer plus facilement qu’autrefois les représentants du peuple, parfois en préservant son anonymat. 

Ces réseaux permettent alors aux différentes formes de populisme, à l’extrémisme et à la radicalité de trouver un écho grandissant dans l’opinion publique. Leurs scores augmentent dans les urnes et ils accèdent parfois au pouvoir. En revanche, les responsables de ces mouvements populistes, radicaux et extrémistes instrumentalisent alors la crise de la démocratie dont ils tirent profit, sans chercher à la résoudre. Partant, la crise entretient la crise et c’est l’ensemble du système démocratique qui est menacé, même si, lorsqu’ils ont obtenu le pouvoir, ils peuvent encore le perdre, ce qui est heureux pour la démocratie et, à ce titre, on ne peut que se réjouir des résultats électoraux connus depuis hier soir, en Pologne.

Les élections demeurent l’un des moyens essentiels pour faire fonctionner la démocratie, même s’il n’est pas le seul. Il y a d’autres instruments, d’autres leviers permettant d’associer les citoyens à la prise de décision démocratique. Mais nos démocraties sont et demeurent des démocraties d’abord représentatives et pour désigner les représentants, l’élection s’impose. 

Or, sans être négligé, le pouvoir électoral est souvent oublié. Il irrigue et il est ainsi dissout dans les trois autres pouvoirs, selon le triptyque que nous connaissons. Pourtant, il est à part, comme on le voit à l’aune des systèmes latino-américains, initialement théorisés par Bolivar. Il s’agit d’un quatrième pouvoir, séparé des trois autres, auxquels il confère la légitimité nécessaire. Cette séparation lui octroie une indépendance, dont il peut alors bénéficier dans son exercice et dans son contrôle. 

Ce sont là les deux aspects qui seront examinés au cours de cette journée, à partir des défis du XXIe siècle auxquels sont confrontés les élections : leur organisation et leur contrôle. La première sera examinée sous l’angle des campagnes électorales, facilitées par les nouvelles technologies de la communication, qui peuvent bénéficier à la démocratie, mais aussi lui nuire. Le sujet de la manipulation de l’information sera au cœur de ces débats. Ensuite, il s’agira d’examiner les nouvelles formes de campagne : autrefois, elle se déroulait exclusivement dans les rues, sur les marchés ou par le porte-à-porte et des tracts mais, aujourd’hui, ces méthodes, sans avoir disparu, sont assez nettement supplantées par les campagnes numériques, sur les réseaux, ou sur les nouveaux espaces médiatiques, les faisant en large partie échapper à une régulation. 

Concernant la seconde partie de la journée, le contrôle du processus électoral s’intéressera, d’une part, à sa dimension administrative, grâce aux différentes institutions et instances qui permettent l’organisation des élections. Leur caractère irréprochable est un gage de la confiance dans les résultats des élections, donc dans le processus démocratique alors que, à l’inverse, lorsque la confiance des électeurs dans le processus électoral fait défaut, tout l’édifice démocratique risque de s’effondrer. Pour l’éviter, au-delà de l’administration, le juge est indispensable, car il s’assure, in fine, que ce processus soit exempt de tout vice. Ce juge fait ainsi l’objet des premières critiques et des premières attaques, puisqu’il est chargé de valider le processus électoral : ceux qui entendent s’attaquer au second visent d’abord le premier. Pour le préserver, différents modèles existent, qui seront explorer. 

Une fois n’est pas coutume, je ne souhaitais pas commencer, mais terminer par des remerciements. D’abord, à l’égard du Conseil constitutionnel, de son Président, de son Secrétaire général et de toutes ses équipes, en particulier le service des relations extérieures. Ensuite, à l’égard du Président Fabius, tout particulièrement, pour avoir accepté de rejoindre le Réseau mondial de justice électorale, contribuant ainsi à enrichir, par l’expérience de la France, de son histoire et de son expérience, la préservation de cette démocratie.

Car si nous avons besoin de la démocratie, la démocratie, elle aussi, a besoin de nous. 

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