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Le pari de François Bayrou : « moi ou le chaos »

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs, le 27 août

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Prenant de court tant le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre que La France insoumise et la motion de censure qu’elle entendait déposer à l’ouverture de la session extraordinaire, François Bayrou a décidé de solliciter la confiance des députés, le 8 septembre prochain.

Ce mécanisme se distingue de la motion de censure, dont avait l’objet Michel Barnier, le 4 décembre dernier. Le premier est « descendant », à l’initiative du Premier ministre qui sollicite les députés, tandis que le second est « ascendant », à partir de députés qui mettent en cause le Gouvernement et décident de le renvoyer. De plus, pour qu’une motion de censure soit adoptée, il faut qu’une majorité absolue des députés composant l’Assemblée nationale la vote, sachant que seuls sont comptabilisés les votes qui lui sont favorables : s’abstenir revient à voter contre. Au contraire, la confiance est accordée à la majorité des suffrages exprimés et les députés ont donc trois options : voter pour la confiance, voter contre ou s’abstenir.

C’est pourquoi « ne pas accorder la confiance », c’est-à-dire ne pas voter « pour » et « voter contre la confiance » ne sont pas équivalents.

La représentation nationale décide de ne plus soutenir le Gouvernement, c’est donc aux Français d’indiquer quel Gouvernement ils souhaitent

Par cette initiative, François Bayrou provoque un avenir où il pourrait être « gagnant – gagnant ». En effet, s’il obtient la confiance, il en ressort renforcé à l’aube du débat budgétaire. Cette première hypothèse, peu probable à ce jour, ne doit pas encore être totalement écartée. Le vote a lieu le 8 septembre et, d’ici là, des négociations vont avoir lieu. Si l’extrême-droite, sans voter « pour », s’abstenait, la confiance sera accordée. Si le Parti socialiste et d’autres forces « modérées » s’abstenaient, la confiance pourrait également être accordée.

À l’inverse, s’il n’obtient pas la confiance, il est contraint de démissionner. Mais il aura alors placé les différentes forces d’opposition face à leurs responsabilités, en leur offrant une possibilité de négocier, qu’elles auront refusées. Ce sera certes un échec, mais à la différence de Michel Barnier qui a été renvoyé malgré des concessions à l’extrême-droite, François Bayrou aura tout tenté pour parvenir à mettre autour de la table les différents groupes parlementaires et pour tenter de construire un budget. Une forme de Jean Gabin, dans Le Président, d’Henri Verneuil (1961).

Sa démission ouvrira une nouvelle période d’incertitudes, à l’heure où la France traverse de multiples crises : politique, économique, financière, diplomatique. Une première forme de chaos. Emmanuel Macron disposera alors de plusieurs solutions, mais aucune ne paraît satisfaisante.

La réponse classique, démocratique et attendue à une telle « crise parlementaire », est une dissolution : la représentation nationale décide de ne plus soutenir le Gouvernement, c’est donc aux Français d’indiquer quel Gouvernement ils souhaitent. Dans ce cas, rien n’assure que le paysage politique soit clarifié, au contraire. L’extrême-droite sera privée de la candidature de Marine Le Pen. Elle pourrait être encore renforcée mais elle pourrait aussi être affaiblie, en raison de ses problèmes judiciaires, tout en étant privée de la dynamique dont elle a profité la fois dernière, après les européennes.

La Gauche paraît divisée et il n’est pas certain qu’une nouvelle alliance électorale soit possible, conduisant à son affaiblissement, le Parti Socialiste et La France insoumise étant les premiers à en payer le tribut. Le socle commun, quant à lui, serait tiraillé entre les diverses velléités présidentielles qui animent ses différents protagonistes, de Gabriel Attal à Bruno Retailleau, en passant par Édouard Philippe, Laurent Wauquiez et même François Bayrou.
Une autre forme de chaos.

Une deuxième solution serait la nomination d’un nouveau Premier ministre. Mais qui pourrait mieux réussir que François Bayrou ? Il n’est certainement pas « le plus illustre des Français », mais eu égard à la situation, s’il échoue à obtenir la confiance, qui d’autre pourrait se l’assurer ou, a minima, obtenir un accord de non-censure, dont on a vu qu’il ne durait qu’un temps très enserré ?

Un « Premier ministre de Gauche », comme le réclame notamment La France insoumise, s’exposerait immédiatement à une censure. Une personnalité issue du camp présidentiel aurait les mêmes difficultés que François Bayrou, d’autant plus que l’ombre d’Emmanuel Macron planerait alors sur elle. Un Premier ministre en mesure de rassembler de Marine Tondelier à Édouard Philippe paraît non seulement improbable, mais aussi peu souhaitable eu égard aux conséquences possibles, à savoir un renforcement très net des extrêmes.

C’est un prolongement du chaos.

Au demeurant, rien n’interdit, constitutionnellement, après la démission du Gouvernement Bayrou, que le même François Bayrou soit de nouveau nommé et chargé de composer un nouveau Gouvernement. Mais ce serait une véritable provocation à l’égard de la représentation nationale qui a toutes les chances de se solder par une censure immédiate. Encore le chaos.

La dernière solution, parfois évoquée, en particulier par les partisans d’une « bordelisation » permanente, serait la démission du chef de l’État. S’il est certain que la fin de « l’ère Macron » ouvrira une période nouvelle, où une clarification serait possible, il est tout aussi certain que sa démission immédiate, couplée à celle du Gouvernement, ne ferait qu’ajouter de la crise à la crise, bref du chaos au chaos.

La crise politique que nous traversons depuis 2024, même depuis 2022 et qui trouve ses prémices en 2017, est loin d’être terminée. Mais il elle ne se résoudra pas par une crise supplémentaire.

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Commentaires (1)

Ce commentaire a été modéré par le modérateur du site

Et là, Macron se nomme lui-même 1e ministre (vu qu'il me semble que rien ne l'interdit dans la Constitution ?), et on va voir flou.

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