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La machine Macron, effectivement « En Marche ! » ?

C’est une campagne présidentielle qui ne ressemble à aucune autre.

Non par le nombre de candidats : ils seront onze, ainsi que l’a indiqué le Conseil constitutionnel, en application de l’article 58 de la Constitution. C’est dans la moyenne : 10 en 2012, 12 en 2007, 16 en 2002 (le record à ce jour), 9 en 1995 et 1988, 10 en 1981, 12 en 1974, 7 en 1969 et 6 en 1965.

Non par la désignation surprise de certains candidats : ce sont les aléas de la politique et ils se produisent régulièrement (qui aurait parié sur François Hollande au printemps 2011 ?).

Elle est d’abord extraordinaire parce qu’un candidat que tous attendaient a renoncé à concourir, sans même avoir été battu.

Elle est également extraordinaire en raison de la percée d’un parti extrémiste, qui continue à être placé en tête par les instituts de sondage. Rappelons que ces derniers donnent une photographie à un instant donné, non le résultat de l’élection lui-même. Ce qu’il faut en retenir, c’est la tendance. Et cette dernière indique que la position du Front national est concurrencée et s’affaiblit. Pourvu que ça dure et perdure.

Elle est aussi extraordinaire parce qu’elle débute extrêmement tard. D’ailleurs, a-t-elle seulement déjà commencé ? Pas vraiment.


Elle est surtout extraordinaire parce qu’une personnalité, jeune à tous points de vue (par son âge, par son expérience politique, par sa présence dans le débat public) semble se maintenir parmi les favoris de l’élection. Ces deux derniers aspects ne sont d’ailleurs pas sans lien de cause à effet.

Habituellement, l’affrontement politique, c’est-à-dire la véritable campagne, débute au cours de la seconde quinzaine de février. Les favoris se dégagent, les projets se confrontent, les intentions de vote se cristallisent. Rien de tout cela cette année, car le débat s’est concentré sur qui serait candidat.

Hollande, candidat, ou pas ? Valls, candidat, ou pas ? Hamon candidat…? Hamon, candidat ! Jadot, candidat, ou pas ? Mélenchon, candidat, ou pas ? Fillon, candidat, ou pas ? Juppé, à nouveau candidat, ou pas ? Fillon, toujours candidat, ou pas ? Fillon, encore candidat, ou pas ? Fillon…?

De nombreuses questions qui n’ont trouvé de réponses définitives qu’autour du 15 mars, devenues sans appel avec la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars.

La campagne va donc désormais démarrer, notamment avec le débat télévisé de ce soir, où les cinq favoris vont échanger pendant trois heures.

La machine Macron va-t-elle alors réussir à convaincre, à se maintenir effectivement « En Marche ! » ?

Disons-le clairement : la logique institutionnelle et politique de la Vème République voudrait que ce ne soit pas le cas.

Les raisons sont nombreuses : sa jeunesse pour accéder à la Présidence de la République, son manque d’expérience pour mener une campagne électorale et gagner en crédibilité, la faiblesse politique de son mouvement pour bénéficier d’un soutien financier, d’un ancrage local et d’un appui partisan, sa position centrale, qui n’a jamais été celle des vainqueurs des élections précédentes.

L’entrée dans le vif de la campagne pourrait définitivement affaiblir celui qui est porté par les sondages. Il rejoindrait alors de nombreux précédents.

Mais rappelons-le tout aussi nettement : nous vivons une campagne extraordinaire. Pendant que certains s’occupaient à rallier d’autres candidats, quasi-vainement, ou s’affairaient à se défaire des affaires qui les poursuivent, tout aussi vainement, Emmanuel Macron a commencé à pallier certaines faiblesses.

Sa jeunesse ? Elle joue pour lui car elle entraîne un nouveau souffle. Son manque d’expérience ? Il a pu commettre quelques erreurs, rapidement réparées, oubliées, pardonnées. Sa position centrale ? Il est « au bon endroit au bon moment ». Le soutien financier ? Il a les relais nécessaires pour générer un budget et sa position dans les sondages rassure les banques qui acceptent de lui prêter la somme qu’il devrait se voir rembourser s’il franchit la barre des 5%. Son passif d’ancien banquier n’est pas non plus une entrave pour faire « du monde de la finance » un allié, non un adversaire…

Tout cela ne suffit pas. Il a besoin de soutiens politiques d’envergure. Ils lui sont indispensables, pour renforcer sa crédibilité, d’abord, et sa stabilité, ensuite.

Ils commencent à arriver, de François Bayrou à Bertrand Delanoë. C’est encore insuffisant et d’autres devraient suivre, tel Le Drian, pour ne citer que lui. Notons que tous n’ont rien à craindre ni rien à perdre, notamment pas d’éventuelles sanctions ou autres exclusions de leur parti politique, qu’ils ne soient pas candidats, ou qu’ils soient suffisamment implantés pour l’être sans étiquette.

Macron fait mine de jouer la fine bouche, en disant haut et fort qu’il ne veut pas de soutiens gouvernementaux, qu’il n’en a pas besoin : il ne veut pas apparaître, plus qu’il ne l’est déjà, comme l’héritier du hollandisme, du quinquennat et du « système » qu’il s’efforce de contester, tout en en profitant démesurément.

Il sait pourtant qu’il ne peut pas s’en passer. Pour être crédible, sa candidature a besoin d’être soutenue par des « poids lourds » : ils lui confèrent sa légitimité. Pour rester stable, sa position doit s’appuyer sur des relais locaux : ils sont écoutés et, surtout, entendus.

La machine Macron s’est mise en marche il y a plusieurs mois. Mais ce n’est qu’au cours du sprint final que l’on verra si cette mise en marche est effective ou si elle s’essouffle dès que l’on passe la vitesse supérieure.

Cela commence aujourd’hui.
*
Ce soir, un premier débat télévisé est organisé entre les cinq candidats favoris. Les six autres candidats se sont émus de ne pas figurer dans le « casting ». Le Conseil d’État, saisi par Nicolas Dupont-Aignan, a rejeté sa requête demandant que TF1 soit obligée de l’inviter.

Rappelons quelques éléments pour comprendre la situation et justifier cette sélection.

D’abord, le chiffre cinq n’est pas dû au hasard : ce sont les candidats qui sont crédités de plus de 10% des intentions de vote.

Ensuite, à simple titre de comparaison, c’est exactement ce qui se passe aux États-Unis. Contrairement à une idée reçue, il y a bien plus que deux candidats à cette élection présidentielle. Seuls deux candidats s’affrontent véritablement car ce sont les plus représentatifs de l’électorat et lorsque des débats sont organisés avec eux, ils sont les seuls invités. Sauf à ce qu’un autre candidat soit crédité de plus de 10% de vote dans les sondages, auquel cas il est invité également.

De plus, ce débat est aujourd’hui possible grâce à la loi du 25 avril 2016. Elle a notamment substitué une règle d’équité à la règle de l’égalité, pour la période antérieure à la campagne officielle. Jusqu’au 10 avril 2017, à 00h00, tous les candidats ne doivent pas être traités de façon strictement égale, mais de façon justement équitable. Cela permet de tenir compte de leur représentativité au sein de l’électorat.

Enfin, cela n’est pas contraire à la démocratie. Que tous les candidats soient traités de façon identique pendant la campagne officielle est indispensable. Ils le seront. Mais que tous les candidats le soient également pendant une période plus longue est disproportionné et, au contraire, nuit au débat démocratique.

Bien que les sondages soient critiqués et critiquables, on sait qu’un candidat crédité aujourd’hui de 1 ou 2% d’intentions de vote n’en aura pas plus de 10% le jour du scrutin. Lui permettre d’avoir exactement le même temps de parole, au même endroit et au même moment que les candidats les plus représentatifs fausse le débat : les positions de ces derniers sont diluées, les électeurs se lassent, les enjeux majeurs ne sont pas approfondis.

Au contraire, sélectionner les candidats les plus représentatifs clarifie les échanges, intensifie les discussions et valorise la démocratie.

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