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Et le peuple dans tout cela ?

Le peuple, pourtant titulaire de la souveraineté, est trop souvent oublié. Et il est oublié parce qu’il effraie.

En effet, la classe politique n’a plus confiance dans le peuple, se limitant à le solliciter lors des élections. Les referenda britannique (Brexit) et italien (révision constitutionnelle), ou la victoire de Donald Trump aux États-Unis ne vont certainement pas lui permettre de rétablir ce lien.

Pourtant, toute élection présidentielle véhicule son lot de propositions pour faire évoluer les institutions, notamment en renforçant la place du peuple. Et celle de 2017 ne déroge certainement pas à la règle. Mais cette règle n’est complète que si on y ajoute l’adage « sitôt candidat, sitôt formulées ; sitôt élu, sitôt oubliées » : le nombre de propositions effectivement adoptées, après l’élection, est inversement proportionnel au nombre de propositions formulées, avant.

On dénonce alors l’absence d’accord entre les deux chambres du Parlement, indispensable à une révision constitutionnelle, le manque de consensus entre la majorité et l’opposition, nécessaire à une ratification par le Congrès, ou encore le besoin de satisfaire d’autres priorités, avant de s’attaquer à la tâche constitutionnelle.

La cause est bien plus profonde, la raison bien plus grave. Le peuple fait peur et il vaut mieux éviter de lui donner trop de pouvoir.


Même la révision constitutionnelle de 2008, qui a soi-disant modernisé la démocratie, par exemple en permettant une forme de referendum d’initiative citoyenne, a tellement cadenassé le processus qu’elle en empêche toute mise en œuvre. L’article 11 de la Constitution impose la mobilisation concomitante de 4,7 millions d’électeurs et de 185 parlementaires, chiffres qui auront les plus grandes difficultés à être atteints. De même, si Jacques Chirac a fait élargir le champ du recours au referendum en 1995, c’était pour ne pas en profiter, les seules consultations entreprises sous son mandat – d’ailleurs les dernières en date – l’ayant été sur le fondement des dispositions originelles de la Constitution.

Mais comment, alors, le peuple pourrait-il avoir confiance dans la classe politique si cette dernière lui a retiré la sienne ? C’est impossible et il est temps que les responsables politiques, autres que les populistes, en prennent conscience : pour que le peuple renoue sa confiance dans la classe politique, il faut que la classe politique montre qu’elle a confiance dans le peuple.

Certes, dans la démocratie représentative qu’est celle de la Vème République, cela ne doit pas le conduire à décider de tout ou à bloquer n’importe quoi. On se heurterait alors au risque de dictature de la minorité, du pouvoir des lobbies, des méfaits de la corruption. Mais il est indispensable de permettre au peuple de faire entendre sa voix, selon des conditions constitutionnellement prévues.

C’est indispensable, d’abord, car c’est la première arme pour contrer le vote extrémiste. Fort de son sentiment de ne plus être entendu, le peuple se tourne alors vers ceux qui veulent bien l’écouter. Les extrêmes ont beau jeu d’utiliser des arguments populistes pour obtenir un soutien populaire, en prônant, notamment, de « rendre la parole au peuple ». Que les partis démocratiques et républicains la lui rendent et voilà un argument qui tombera de lui-même.

C’est indispensable, ensuite, car le peuple souhaite se faire entendre. Il est faux de dire, au prétexte de partis délaissés ou de taux d’abstention records, qu’il se désintéresse de la vie politique et démocratique. Les épisodes Nuit debout, les mobilisations contre plusieurs lois, les participations lors des différentes primaires prouvent tout le contraire. S’il s’abstient ou ne milite plus, c’est davantage parce qu’il a le sentiment que cela n’est plus utile.

C’est indispensable, enfin, parce que son expression ne présente aucun danger et apporterait beaucoup d’enseignements. Il est vrai que sa voix sanctionne parfois, surprend souvent. Mais elle est toujours limpide et incontestable et en associant une pédagogie affinée à la parole donnée, le peuple saura s’exprimer de façon éclairée. Qu’on lui accorde de la confiance et il la rendra.

Encore faut-il que cette possibilité lui soit donnée : pour cela, elle doit être instituée et, par conséquent, encadrée par des règles à la fois souples et rigides. Suffisamment souples, elles lui permettront effectivement d’intervenir dans le processus normatif et, suffisamment strictes, elles n’empêcheront pas ce dernier d’aboutir, sauf à ce qu’une majorité réelle du peuple s’y oppose.

Quoi qu’on en dise, il n’est alors nul besoin d’établir une quelconque VIème République : il est temps de comprendre que la Vème a apporté à la France la stabilité démocratique dont elle avait besoin et que l’instauration d’une VIème ne ferait qu’appeler à l’établissement d’une VIIème.

En revanche, le maintien de notre Constitution n’interdit pas d’associer plus étroitement le peuple à l’élaboration de la loi, en assurant un équilibre entre une participation du peuple renforcée et une prise de décision non entravée. Le peuple pourrait ainsi proposer mais non élaborer, impulser mais non amender, ratifier mais non bloquer. Il est important que le législateur fasse la loi, car tel est son rôle et que le peuple puisse l’y inviter, la modifier, la refuser, si cela correspond à sa volonté. Le processus normatif sera peut-être quelque peu ralenti, mais si cela conduit les responsables politiques à faire moins de lois pour en faire des meilleures, ce n’est certainement pas un mal.

Il n’y a là aucune crainte à avoir, ni de ce que le peuple pourrait dire ni des influences qu’il pourrait subir car, dès lors qu’est garantie que la volonté exprimée est celle de la majorité, il y a tout à gagner d’un débat politique qui deviendra un débat pédagogique pour servir un débat démocratique.

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