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Législatives : trois enseignements iconoclastes du premier tour

Le premier tour des élections législatives, consécutives à la dissolution prononcée par le Président de la République le 9 juin, présente des résultats exceptionnels pour certains, inédits pour d’autres. Les commentaires que l’on entend depuis hier ne manquent pas de le souligner. On n’en ajoutera pas davantage ici, si ce n’est d’insister sur l’impérative prudence quant aux projections qui peuvent être faites à ce stade. Elles ne sont pas nécessairement fausses, mais elles devront être affinées en tenant compte, d’une part, des triangulaires véritables, donc des désistements possibles jusqu’à mardi 2 juillet, à 18 heures et, d’autre part, du comportement des électeurs car les reports de voix ne seront pas systématiquement mathématiques.

En revanche, sur le plan institutionnel, on veut tirer trois enseignements de ce scrutin, qui pourraient paraître iconoclastes au regard des discours que l’on entend depuis hier soir : ils concernent la participation, les candidatures et la force de l’extrême droite.



La force de l’extrême droite doit être doublement nuancée

 


La participation a atteint 66,71%
, soit près de vingt points de plus que lors des précédentes élections législatives (47,51%). Il faut remonter à 1997 pour trouver un taux de participation supérieur (67,92%). À l’époque, ces élections étaient aussi consécutives à une dissolution et déconnectées d’une élection présidentielle.

Cette forte mobilisation confirme que les électeurs ne se déplacent que lorsqu’ils considèrent qu’il y a un véritable enjeu. Lors d’élections législatives organisées dans le prolongement de l’élection présidentielle, ils se mobilisent pour cette dernière car ils retiennent que là se situe le véritable enjeu, mais délaissent les autres car ils n’y voient qu’une répétition – à tort, tant l’on sait et l’on a pu voir que ce sont véritablement les élections législatives qui donnent, ou non, le pouvoir.

En revanche, et tel est l’enseignement que l’on veut en retenir, cette participation demeure éloignée de celle d’une élection présidentielle. Elle était en effet de 73,69% en 2022 et de 77,77% en 2017, au premier tour. Alors même que la portée de ces élections législatives est comparable à celle d’une élection présidentielle, car il s’agit bien de déterminer qui gouvernera la France au cours des prochaines années (ou, seulement, des prochains mois), les électeurs ne se mobilisent pas autant, ce qui indique, sans doute, leur attachement tant à l’élection présidentielle qu’à la désignation d’une personnalité identifiée pour gouverner la France.

On ajoutera donc que la proposition de coupler élection présidentielle et élections législatives, faite au sein du GRÉCI, permettrait en effet de mobiliser pleinement les électeurs, tout en s’inscrivant dans la logique de notre régime. Mais c’est un autre débat.

Les candidatures à ces élections législatives étaient, quant à elles, nettement moins nombreuses que lors des élections précédentes (deux fois moindre). Pour autant, ce faible nombre n’a pas empêché les électeurs de se retrouver dans une candidature, puisqu’ils se sont mobilisés davantage que d’habitude, sans que la part de bulletins blancs ou nuls n’augmente démesurément (elle reste légèrement supérieure à 2%).

On en retient donc que la multiplication du nombre de candidats n’est pas un critère de démocratie. On ajoutera même que, au contraire, elle peut nuire à la clarté et la lisibilité de l’offre électorale et que, précisément, un nombre mesuré de candidats permet d’avoir une offre à la fois plurielle et lisible. Sans doute serait-il donc utile de réfléchir aux moyens de contenir ce nombre de candidatures.

Enfin, ce scrutin a révélé, sans surprise, une extrême droite très puissante, avec des résultats inédits : le Front national (qu’on persiste à dénommer de la sorte, tant son idéologie demeure inchangée) est le premier parti de France lors d’élections législatives, il obtient trente-sept élus dès le premier tour (il n’en avait jamais eu).

Pour autant, cette force doit être doublement nuancée et tel est l’enseignement que l’on veut en tirer.

D’une part, d’après les chiffres officiels du Ministère de l’Intérieur, le Front national obtient 29,25% des voix, tandis qu’il en obtenait 31,37% il y a trois semaines, lors des élections européennes, soit une baisse de plus de deux points. De surcroît, si on additionne les suffrages de la seule extrême droite, avec Reconquête !, le score est de 30% au premier tour des législatives, alors qu’il était de 36,84% aux européennes. En valeur absolue, on constate une progression, mais elle est d’à peine moins de 500 000 voix (498 240 précisément). On pourrait ajouter qu’il faut additionner les suffrages obtenus par les candidats « LR – tendance Ciotti », mais qu’il soit permis d’en douter assez fortement : cela fait longtemps que Les Républicains sont divisés, en leur sein, entre les partisans d’un attachement à leurs valeurs historiques et ceux qui prônent un rapprochement avec l’extrême droite « dédiabolisée ». D’ailleurs, le choix politique d’Éric Ciotti ne constituait nullement une surprise.

À l’inverse, si le score cumulé de la gauche du Nouveau front populaire (NFP) était de 27,99% au premier tour des législatives, il était de 31,58% lors des européennes. Cependant, la progression en voix est beaucoup plus nette : le NFP a obtenu presque neuf millions de voix (8 974 566 exactement) au soir du premier tour, soit à peine 400 000 voix de moins que le Front national, alors que la gauche cumulait 7,8 millions de voix (7 818 869 exactement) lors des européennes. Elle progresse donc de 1,1 million de voix (1 155 697 exactement) : la dynamique est nettement plus forte que celle de l’extrême droite et la participation a vraisemblablement profité à la gauche.

D’autre part, lors de scrutins législatifs précédents, un parti ou une alliance qui arrivait en tête avec un score comparable (autour de 30% des voix), l’emportait au second tour avec une nette majorité absolue. Ainsi, en 2002, l’UMP recueillait 33,30% au premier tour des législatives et obtenait 376 sièges à l’Assemblée nationale. De même, en 2017, LREM atteignait le score de 28,21% au premier tour et disposait de 308 sièges au sein de la nouvelle Assemblée.

Or, si on se garde bien de tout pronostic à ce jour, force est de constater que la plupart des instituts ne donnent qu’une majorité relative à l’extrême droite… et l’on attend bien sûr le soir du second tour pour savoir ce qu’il en est effectivement.

Ainsi, sans contester la puissance de l’extrême droite, regrettable d’ailleurs pour nos institutions comme ce fut relevé ici ou , cette dernière est moins dynamique qu’il n’y paraît.

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