entete

Un asile dénaturé

Alors que de nouveaux drames ont eu lieu ce week-end en Méditerranée, le Gouvernement a-t-il décidé de mener une politique dénigrant les droits humains les plus élémentaires ?

Tel paraît être l’objet du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 22 avril dernier, parfois avec l’appui de l’Extrême droite et examiné cette semaine, en Commission, au Sénat.

Il y poursuit sa politique de durcissement du droit d’asile, transformant ce droit au bénéfice d’une victime en prérogative que se préserve l’État.
 
Déjà en février, une loi permettant une bonne application du régime d’asile européen a été adoptée. Celle-ci aurait pu permettre de placer en rétention certains demandeurs d’asile, du simple fait qu’ils étaient demandeurs d’asile et alors qu’ils ne faisaient l’objet d’aucune mesure d’éloignement du territoire.

Toutes les associations et même le Défenseur des droits s’en étaient inquiétés, dénonçant une loi « déplorable en termes de respect des droits et libertés fondamentaux » et « un changement total de philosophie : en France, seules des personnes en situation irrégulière peuvent être placées en centres de rétention administrative et uniquement dans le but d’exécuter une décision d’éloignement ».

Grâce à l’intervention des Sénateurs socialistes qui l’ont saisi, le Conseil constitutionnel, dans une décision a minimaa réduit la portée de cette nouvelle législation.

N’oublions pas que l’asile est un droit constitutionnellement garanti, qui profite d’abord à une victime, persécutée « en raison de son action en faveur de la liberté ». Déjà, en 1993, afin de permettre l’adoption de lois restrictives souhaitées par Charles Pasqua, la Constitution avait été révisée, restreignant la portée du droit constitutionnel d’asile.
Le Gouvernement transforme la France, pays protecteur des droits de l’Homme, en un pays où ils furent seulement déclarés, jadis
Certes, récemment, le Président de la République a décidé de reconnaître l’acte héroïque de Mamoudou Gassama, qui a sauvé un enfant suspendu dans le vide au 4e étage d’un immeuble parisien, en régularisant sa situation. Mais il s’agit là d’un acte tout à fait exceptionnel, donc isolé, permis soit par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers, explicité par une circulaire (pour la régularisation), soit par le Code civil (pour la naturalisation), lorsqu’un étranger a rendu des services exceptionnels à la France.

Cette décision du Chef de l’État semble davantage répondre à son intention de promouvoir les valeurs développées dans son discours sur la France qui gagne, qu’à une volonté d’associer l’immigration à une quelconque portée positive.

Aujourd’hui, le Gouvernement va encore plus loin. Le projet de loi actuellement en discussion double la durée légale maximale de placement en rétention, de 45 à 90 jours. Il réduit de moitié le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, de 1 mois à 15 jours. Il abaisse de 120 à 90 jours la durée maximale d’enregistrement des demandes d’asile, ce qui pourrait être salué mais qui, en l’absence de moyens supplémentaires, n’aura pas d’autres conséquences que de renvoyer le plus possible de demandeurs vers une procédure accélérée.

Les demandeurs d’asile ont fui leur pays, où ils étaient persécutés pour la plupart et arrivent en France, en situation de précarité et de grande fragilité. Plutôt que de les aider dans leurs démarches, le Gouvernement restreint leurs possibilités de faire valoir leurs droits et renforce celles de les enfermer puis de les expulser.

L’asile et l’immigration sont des sujets importants, sur le plan humain, social et économique, qui sont aujourd’hui confrontés à une situation d’une gravité exceptionnelle. Mais cela ne justifie pas que les États et, notamment, la France en viennent à renier les principes fondamentaux forgés par l’Histoire et qui sont aujourd’hui une part essentielle de notre identité.
En allant au bout de sa logique, le Gouvernement transforme la France, pays protecteur des droits de l’Homme, en un pays où ils furent seulement déclarés, jadis.

Commentaires (0)

Il n'y a pas encore de commentaire posté.

Ajouter vos commentaires

  1. Poster un commentaire en tant qu'invité.
Pièces jointes (0 / 3)
Partager votre localisation
S’abonner à la lettre d’information
logo blanc