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Parlons gros sous


Les élections législatives sont une question de vie et de mort pour les partis politiques.

Cette réalité n’est pas nouvelle, mais elle revient avec une acuité particulière aujourd’hui, alors que le paysage politique, de gauche, de droite et même du centre, est particulièrement éclaté.

Surtout, elle soulève des questions et apporte des éclairages quant aux alliances qui se nouent actuellement.

Pour vivre et survivre, au-delà de militants et d’adhérents, les partis politiques ont besoin d’argent. Si les cotisations leur en rapportent, elles sont généralement insuffisantes et la plus grosse part de leur budget dépend du financement public auquel ils ont droit. Soit le parti vient d’être créé et il lui faut alors obtenir un financement public pour qu’il puisse espérer vivre. Soit le parti est déjà implanté, parfois même fortement au niveau local et il lui faut bénéficier d’un financement public pour qu’il puisse survivre.

En politique, les bons comptes ne suffisent pas à faire durablement de bons amis

Or ce financement est largement tributaire des élections législatives, lesquelles sont ainsi déterminantes pour l’avenir d’une formation politique.

Pour le comprendre, rappelons d’abord la règle. Les partis politiques bénéficient d’un financement public, composé de deux tranches. La première dépend du nombre de voix obtenues aux élections législatives, tandis que la seconde dépend du nombre de parlementaires (députés et sénateurs). Cependant, un parti ne peut bénéficier de la seconde que s’il bénéficie de la première. Ainsi, un parti créé en cours de législature (et qui n’a donc pas participé aux élections législatives précédentes) ne peut pas immédiatement bénéficier d’un financement public. Actuellement, c’est le cas de Horizons, le parti dernièrement créé par Édouard Philippe.

De plus, deux conditions cumulatives s’imposent pour pouvoir bénéficier de la première tranche (donc, indirectement, de la seconde). Il faut que les candidats dépassent 1% des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions. En d’autres termes, le parti prétendant à un financement public doit présenter au moins cinquante candidatures (première condition) et les candidats présentés doivent obtenir au moins 1% des suffrages exprimés dans cinquante d’entre elles (seconde condition).

Le financement de la première tranche est alors indexé sur le nombre de voix obtenues au niveau national, tandis que celui de la seconde est indexé sur le nombre de parlementaires qui déclarent, chaque année, leur rattachement à tel ou tel parti politique (choix qu’ils peuvent modifier en cours de mandat).

Pour être exhaustif, deux compléments doivent être ajoutés. D’une part, la règle des 50 circonscriptions ne vaut pas pour les partis qui ne présentent des candidats qu’en outre-mer. Chacun d’entre eux doit alors avoir obtenu au moins 1% des voix. D’autre part, le financement de la première tranche peut être réduit en cas de violation de la règle de la parité (qui impose qu’un parti présente autant de candidatures des deux sexes, avec une marge d’erreur tolérée de 2%).

Que ce soit pour la première ou la seconde tranche, un candidat ou un parlementaire ne peut déclarer son appartenance qu’à un seul parti politique.

Ce dernier point est d’importance car il arrive fréquemment, notamment au niveau des candidats, que ces derniers soient soutenus par plusieurs partis, en tant que candidats d’une alliance. Pour autant, ils ne peuvent contribuer au financement que d’un seul, qu’ils doivent alors identifier sur leur déclaration de candidature.

C’est précisément cela qui soulève des difficultés lors de la conclusion d’accords électoraux, expliquant les exigences des uns et les arbitrages des autres.

Qu’il s’agisse de l’accord noué à gauche, autour de La France insoumise ou de celui conclu par la majorité sortante, baptisé « Ensemble », les plus âpres négociations concernaient le nombre de circonscriptions offertes aux différents partenaires et, parmi elles, celles dites « gagnables », c’est-à-dire où le candidat de l’alliance concernée a de bonnes chances de l’emporter.

Lors des négociations de ces accords, les partis sont donc particulièrement vigilants à obtenir au moins cinquante circonscriptions car, sinon, l’alliance serait synonyme de mort politique annoncée. De même, ils sont soucieux que ces circonscriptions soient gagnables en nombre suffisant, non seulement pour espérer pouvoir composer un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale (il faut, pour cela, au moins quinze députés), mais aussi pour pouvoir augmenter la seconde tranche.

Se poser également une autre question, traitée différemment en fonction des formations politiques. Soit chaque parti composant l’alliance est autonome au niveau du financement, récolte les fonds obtenus grâce à ses candidatures et les conserve pour lui-même. Soit une structure chapote l’alliance, tous les candidats déclarent s’y rattacher et c’est elle qui opèrera une redistribution des fonds récoltés globalement, entre les différentes formations qui s’y inscrivent.

La première solution – qui est celle de la NUPES – confère une grande autonomie à chaque parti qui a rejoint l’alliance, lui évitant d’être tributaire d’une formation plus grande. Mais l’inconvénient est alors que le montant de la première tranche sera indexé sur un score plus faible au niveau national.

La seconde solution – qui est celle de Ensemble – a l’avantage d’augmenter les « gains », puisque le score national sera nécessairement plus élevé. En revanche, chaque formation composant l’alliance est tributaire de la structure chapeau pour obtenir le financement de la première tranche, renforçant leur dépendance vis-à-vis d’elle.

Surtout, le choix de l’une ou l’autre de ces deux solutions en dit long sur les liens entre les formations politiques : ces dernières seront plus interdépendantes dans la seconde hypothèse que dans la première, où elles pourront plus facilement se livrer à des divergences, voire des dissidences. En politique, les bons comptes ne suffisent pas à faire durablement de bons amis.

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