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L'impasse

Réforme des retraites au Parlement, Acte I, Scène 2 : après l’examen en Commission la semaine dernière, qui n’a pas pu être achevé, la réforme des retraites est examinée en séance publique à compter de ce lundi 8 février et jusqu’au vendredi 17. Rappelons que, s’agissant d’un projet de loi de financement (rectificative) de la sécurité sociale, le texte examiné est nécessairement celui déposé par le Gouvernement, l’absence de conclusions de la Commission n’ayant donc qu’un impact restreint.

Malgré tout, dans la rue, la pression sociale monte, s’affirme et se confirme.

Le 7 février aura lieu la troisième journée de mobilisation nationale, après celles du 19 et du 31 janvier. Elles avaient, l’une et l’autre, été un succès pour les organisations syndicales à l’origine du mouvement, avec plus d’un million de personnes dans toute la France et un chiffre qui augmente d’une journée à l’autre.

 

La solution pourrait venir du Sénat, mais l’attitude du Gouvernement sera déterminante

Parallèlement, la coalition appelée à soutenir cette réforme se fracture. Les Républicains, partenaires de la majorité actuelle sur ce projet, font part de leurs dissidences et rien n’indique qu’elles vont s’estomper. Quel intérêt auraient-ils à permettre le succès du Gouvernement et du Président de la République ? D’autant plus que la majorité elle-même se divise : une fronde gronde et l’utilité même de la réforme est discutée, voire contestée. Le Conseil d’État a lui-même émis un avis très critique sur la réforme.

Renoncer paraît être la seule solution, au moins sur l’âge légal du départ à la retraite.

Le Gouvernement veut le porter de 62 à 64 ans, constitutif du premier point de blocage avec les syndicats. Mais il s’agit-là d’un point central de la réforme et, plus encore, de la campagne du Président-candidat, voire du quinquennat précédent au cours duquel une réforme avait déjà été initiée, non sans heurts. Elle avait été abandonnée en raison de la crise sanitaire.

De surcroît, si le Président de la République ne s’implique pas ouvertement dans le débat en cours, des positions très fermes ont été prises, tant par la Première ministre que par le Ministre du travail.

Renoncer paraît impossible, surtout sur l’âge.

L’hypothèse du remaniement n’effraie ni ne convainc personne, tant il serait le signe non d’une solution mais de l’échec. Il viendrait uniquement acter que la réforme ne peut aboutir, en sanctionnant ceux qui l’ont conduite et ne permettrait pas que d’autres la mènent à son terme.

La menace de dissolution, juridiquement réelle, est politiquement faible. Juridiquement, le Président de la République peut dissoudre à tout instant. Politiquement, il risque d’en payer le prix fort : perte de la majorité (car il est peu vraisemblable qu’une dissolution due à l’échec de la réforme des retraites, largement décriée par les citoyens, permette la victoire de ceux qui ont soutenu cette réforme) et risque réel d’une majorité – au moins relative – de l’extrême droite.

Cette menace peut au moins servir à canaliser Les Républicains, peu enclins à devoir retourner devant les électeurs dans l’hypothèse où Emmanuel Macron mettrait ses menaces à exécution, soit en raison d’un blocage total, soit en réponse à une motion de censure : cette réforme n’est pas la leur et le parti n’est pas prêt à faire campagne.

Le passage en force, enfin, soit par la transmission directe au Sénat du texte dont la discussion n’aurait pas été achevée après vingt jours à l’Assemblée nationale, comme l’autorise l’article 47-1 de la Constitution, soit par l’activation du 49.3, est aussi une possibilité, auquel le Gouvernement et la Première ministre ne souhaitent pas souscrire, du moins pour le moment. C’est heureux, dirons-nous, par respect pour le Parlement mais aussi eu égard aux conséquences qu’il emporterait dans l’opinion publique, donc dans la rue.

La solution pourrait-elle venir, comme souvent, du Sénat – qui a d’ailleurs été l’auteur d’un compromis historique sur la reconnaissance constitutionnelle de l’interruption volontaire de grossesse, mercredi dernier ? On sait que « le Sénat ne dit jamais non par dogmatisme, ni jamais oui par discipline », selon la formule de son Président. Il s’inscrit ainsi dans un débat législatif constructif, recherchant à améliorer les textes qui lui sont soumis, sans nécessairement aligner sa position sur celle du groupe Les Républicains (majoritaire au Sénat) à l’Assemblée nationale.

L’attitude du Gouvernement pourra être déterminante. S’il souscrit au passage en force ou s’il se montre intransigeant sur des points essentiels de la réforme, le Sénat pourrait se montrer plus hostile à la recherche d’un compromis. En d’autres termes, ce dernier n’est possible que là où l’ensemble des parties concernées sont disposées à y souscrire.

La solution, ou presque, pourrait enfin venir du Conseil constitutionnel, qui sera très vraisemblablement saisi de la réforme, une fois adoptée, pour autant qu’elle le soit.

Et précisément, si elle l’est dans des conditions qui remettent en cause la sincérité du débat parlementaire, du fait d’un passage en force qui altère la possibilité d’un débat serein sur une réforme essentielle (notamment en raison du recours à l’article 47-1 de la Constitution), le Conseil pourrait – une fois n’est pas coutume – faire prévaloir les droits du Parlement. En voulant ainsi empêcher qu’un tel véhicule soit à nouveau mobilisé dans un but qui lui est étranger, il contribuerait par la même occasion à apaiser les tensions.

Ce serait un échec pour l’Exécutif et la majorité, mais au nom du droit, pas au nom de la politique. Au fond de l’impasse, on finit dans un mur. Il reste à savoir lequel.

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