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Élections municipales : la fin du nouveau monde

Les plus locales des élections présentent un enjeu éminemment national. Tel est le cas des élections municipales et celles des 15 et 22 mars 2020 ne dérogent pas à la règle.

Le Président de la République ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en cherchant à cajoler les maires lors de leur Congrès la semaine dernière, alors qu’il les avait ignorés l’an passé, dans un contexte de crise faisant que son absence avait été particulièrement remarquée.

L’enjeu politique de ces élections est fondamental, pour toutes les forces politiques en présence.

Il s’agit d’abord des véritables élections de mi-mandat, temporellement et politiquement. Au regard du calendrier, elles interviennent trois ans après l’élection de la nouvelle majorité et deux ans avant la fin de son mandat. Suffisamment de temps est passé pour juger efficacement d’éventuels résultats et il en reste encore assez pour tenir compte du message qui pourrait être envoyé par les électeurs.
Sur le plan politique, les élections municipales sont traditionnellement celles qui mobilisent le plus, après l’élection présidentielle, tout en ayant un impact direct sur le quotidien des Français. Le message qui en ressort, même s’il est influencé par des considérations locales, est un marqueur important de la perception de la politique menée par le Gouvernement. Même si les électeurs restent attachés à la personnalité de leur maire (d’où la « prime au sortant »), indépendamment des positions partisanes, les candidats eux-mêmes se positionnent souvent par rapport au Gouvernement, donnant une dimension nationale à ces élections locales : 35 000 scrutins simultanés constituent nécessairement un message du pays.

Surtout, ces élections sont primordiales pour les forces politiques en présence car elles favorisent leur ancrage territorial. Cela vaut tant pour celles qui sont déjà implantées, que pour celles qui commencent à s’implanter ou celles qui cherchent à s’implanter.

Da façon générale, les élus municipaux sont le premier relai territorial des partis politiques. Ils en ont besoin : pour mener une campagne nationale, pour échanger avec la population, pour donner un retentissement à leur message, pour préparer matériellement les déplacements des candidats nationaux et assurer la mobilisation locale. Les mandats municipaux offrent par ailleurs un refuge en cas de défaite électorale nationale et donnent un brevet d’attachement territorial à tout acteur politique désireux de manifester sa proximité avec les citoyens.

Les élus municipaux représentent également l’essentiel du collègue électoral sénatorial, qui se mobilisera pour moitié en septembre 2020, soit six mois après les élections municipales. Le prochain renouvellement partiel du Sénat, avec ses conséquences quant à la politique nationale, constitue également un enjeu important de ces élections locales.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’élection d’Emmanuel Macron fut tout à fait surprenante et extraordinaire : largement dépourvu d’élus locaux, il a réussi le pari d’inverser le cheminement classique de la construction d’un mouvement politique. Si nouveau monde il y a, c’est d’abord là qu’il se situe.

Soit le nouveau monde échoue et prend fin, soit l’ancrage du parti est réussi et il devient un parti de l’ancien monde

Désormais installé à la présidence de la République, le parti de la majorité doit transformer l’essai en conquérant les municipalités, en prévision de campagnes futures car il ne lui sera plus possible de compter sur la nouveauté et l’effet de surprise. Il lui faut également démontrer que sa victoire en 2017 n’était pas un simple « hold up » éphémère, mais qu’il est lui-même un mouvement capable de s’installer durablement dans le paysage politique.

Quant aux forces politiques traditionnelles et historiques, en particulier Les Républicains et le Parti socialiste, elles jouent leur survie lors des prochaines élections municipales. Soit elles parviennent à « inverser la courbe » de leur chute, en obtenant un meilleur résultat que lors des échéances précédentes et prouvent qu’elles demeurent politiquement présentes, au moins au plan local. Soit, à l’inverse, leur résonnance politique paraîtra de plus en plus compromise, comme ce fut le cas, par exemple, du Parti communiste.

Enfin, l’éternelle et principale difficulté du Front national a toujours été la conquête des territoires locaux. Ces élections montreront si, notamment avec un changement de nom mais pas d’idéologie, il est capable de s’implanter plus amplement. Ceci confirmerait qu’il devient le principal voire le premier parti d’opposition, avec le risque induit de le voir prochainement arriver au pouvoir, car tel est le cheminement classique du principal opposant. Ou, au contraire, ces échéances locales montreront qu’il est bel et bien présent dans l’électorat mais toujours incapable, en raison de son positionnement radical, d’accéder démocratiquement aux responsabilités.

Pour tous, ces élections sont donc essentielles. Dans tous les cas, elles marqueront la fin du « nouveau monde ». Car soit ce qui était ainsi qualifié manque son implantation municipale et son avenir est compromis, soit le parti qui s’en prévalait s’installe localement, à l’instar d’un parti… de « l’ancien monde ».

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