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La justice, un pouvoir démocratique
La justice est un pouvoir démocratique.
Il est bon de le souligner, arguments à l’appui, au moment où elle poursuit son travail, où elle risque d’être encore critiquée, où son indépendance pourrait à nouveau être questionnée.
Elle est un pouvoir car elle est investie de la compétence de dire le droit, en tranchant les litiges. Elle est démocratique car son indépendance est assurée par la Constitution, à destination du peuple.
D’une part, certains, récemment, voudraient lui dénigrer la qualité de pouvoir au prétexte que la Constitution désigne une « autorité judiciaire », en son Titre VIII. En plus d’être dangereux, c’est infamant à l’égard des juges et ignorant du droit constitutionnel.
Il ne faut pas confondre le pouvoir lui-même et l’organe qui l’exerce. Refuserait-on la qualité de pouvoir législatif ou de pouvoir exécutif, car la Constitution ne mentionne que « le Parlement » ou « le Gouvernement » ? Certainement pas.
Le pouvoir législatif est chargé de la production de la loi. Le pouvoir exécutif est chargé de son application. Le pouvoir judiciaire, enfin, veille au respect de la loi. Chacun est exercé par un organe différent : habituellement (mais il existe des exceptions), le Parlement pour le premier, le Gouvernement pour le deuxième, l’autorité judiciaire pour le troisième.
Cette séparation organique des pouvoirs permet également leur collaboration et leur contrôle mutuel. C’est la mise en œuvre du principe de la séparation des pouvoirs. Ce dernier ne signifie pas que les pouvoirs sont isolés mais, au contraire, qu’ils se contrôlent et se limitent les uns et les autres, à travers une collaboration continuelle.
Ainsi, la séparation des pouvoirs n’interdit pas, en soi, que l’autorité judiciaire s’immisce dans les affaires d’un parlementaire, tant que cela n’entrave pas l’exercice de son mandat. L’immunité dont il bénéficie grâce à l’article 26 de la Constitution le garantit.
D’autre part, on remet parfois en cause la nature démocratique de la justice, car les juges sont nommés et non élus, en France. Tout aussi dangereuse, cette considération oublie ce que sont démocratie et justice.
Selon une définition désormais classique et constitutionnellement consacrée, la première est le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Ce principe de la République étant mis en œuvre à tous les niveaux, la seconde est effectivement rendue « au nom du peuple français ». Ainsi, elle est démocratique car rendue au nom du peuple français ; par le peuple français, en application de la loi et sous la protection de la Constitution qu’il a votées ; pour le peuple français, puisqu’elle tend à rendre praticable la vie en collectivité.
L’élection des juges, qui se pratique dans certains systèmes, n’est pas pour autant un gage de démocratie : elle politise une institution qui doit être indépendante et impartiale. Au contraire, la garantie de l’indépendance et de l’impartialité de la justice est une condition de la démocratie, assurant alors qu’elle est la même pour tous, que tous y ont accès et peuvent y faire valoir les mêmes droits.
Ce n’est donc pas l’élection mais bien l’indépendance qui confère à la justice son caractère démocratique. Or cette indépendance est préservée par la Constitution et le Président de la République en est le garant. Il est assisté, dans cette tâche, par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
La séparation des pouvoirs n’en est pas, pour autant, remise en cause, pourvu que cette position de garant ne soit pas assortie de compétences permettant au Président de s’immiscer dans les affaires de la justice.
La séparation des pouvoirs est bien préservée car le Président, élu par le peuple, « veille au respect de la Constitution » et « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Dans ces tâches, il s’élève au-dessus des contingences partisanes. Pour les accomplir, il dispose de prérogatives constitutionnelles.
Sa fonction de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire en est une, mais elle ne lui permet ni d’interférer dans les affaires judiciaires ni même dans celles du CSM, qu’il ne préside plus depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Certes, l’indépendance de la justice et, notamment, du parquet pourrait être encore renforcée. C’est ce que souhaitait faire l’actuelle majorité, en proposant une réécriture de l’article 65 de la Constitution assurant que les magistrats du parquet seraient nommés sur avis conforme du CSM.
Cette révision n’a pas pu voir le jour. En effet, l’opposition l’a finalement rejetée, alors qu’elle était pourtant conforme à ce qu’elle avait initialement voté, rendant impossible une majorité des trois cinquièmes au Congrès. Notons que François Fillon et les deux députés du Front national ont effectivement voté contre…
Peut-on dès lors être légitime à adresser sans cesse critiques et invectives à l’encontre de l’indépendance du parquet et des juges ?
Chacun construira sa propre réponse. Mais n’oublions pas que, si la présomption d’innocence est condition de liberté démocratique, l’exemplarité est condition de démocratie irréprochable.