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Élections européennes : déterminantes pour la République, malgré la Constitution

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs.


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Le dimanche 9 juin 2024, pour la dixième fois de l’histoire, les citoyens français se rendront aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement européen, ensemble avec les citoyens des vingt-six autres États membres de l’Union européenne. Scrutin particulier s’il en est, l’élection européenne est la seule qui, en France, ne se déroule qu’en un seul tour et, surtout, dont les règles ou le simple principe ne sont pas prévus par la Constitution.

En effet, qu’il s’agisse du Président de la République (articles 6 et 7), de l’Assemblée nationale et du Sénat (articles 24 et 25), des conseils des collectivités territoriales (article 72), des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie (article 77), leurs élections sont constitutionnellement encadrées. Il en est encore de même du référendum, qu’il soit national (articles 11 et 89) ou local (article 72-1). Toutes ces élections relèvent du cadre de la République et participent, directement ou indirectement, de l’expression de la souveraineté nationale.

 

Les élections européennes comportent un enjeu de politique nationale française, avec un impact institutionnel évident

Rien de tel pour le Parlement européen, dont l’existence même est à peine évoquée par l’article 88-6 de la Constitution, à propos de la notification à son Président d’un avis voté par l’une de nos deux assemblées parlementaires nationales, à l’égard d’un projet d’acte législatif européen. Les règles électorales sont prévues par la loi du 7 juillet 1977, modifiée à plusieurs reprises, mais sont issues de normes européennes, dont la première remonte au 20 septembre 1976. Ces dernières établissent le cadre général et, en particulier, le principe de la représentation proportionnelle et du tour unique.

Lors de la mise en application de ces exigences européennes, la question s’est ainsi posée de savoir si notre Constitution, qui pose le principe d’une République indivisible et démocratique et de la souveraineté nationale, pouvait permettre que les électeurs s’expriment afin de désigner des représentants d’une instance extra-nationale et extra-républicaine. Saisi, le Conseil constitutionnel a retenu, dans une décision du 30 décembre 1976, que l’élection au suffrage universel direct du Parlement européen par des citoyens français, ensemble avec d’autres citoyens européens, n’était pas de nature à créer une souveraineté européenne ou une institution qui irait à l’encontre de la souveraineté nationale. Il en conclut qu’il s’agit d’une assemblée qui n’appartient pas à l’ordre institutionnel de la République française et qui ne participe pas à l’exercice de la souveraineté nationale.

Sur le plan juridique et constitutionnel, c’est incontestable : le Parlement européen n’est pas souverain. Cependant, depuis la fin des années 1970, l’intégration européenne a nettement progressé et le nombre d’actes de l’Union qui affectent directement le quotidien des citoyens français et européens a substantiellement augmenté. L’élection des représentants européens a ainsi gagné en importance, sans pour autant que notre Constitution l’ait formalisé.

Cependant, la politique nationale s’en charge pour elle, la campagne actuelle montrant à quel point ces élections comportent non seulement un enjeu pour l’avenir de l’Union et, en particulier, les cinq prochaines années, mais aussi – et surtout – un enjeu de politique nationale française, avec un impact institutionnel évident. Il y a plusieurs raisons à cela.

D’une part, hasard du calendrier, elles constituent les seules élections « intermédiaires » du quinquennat. Le rôle de telles élections est de permettre aux électeurs d’exprimer une voix, un regard, parfois une nuance mais souvent une sanction à l’égard de la politique qui est conduite par le Gouvernement et sa majorité. Tel fut le cas des élections municipales de 2014 ou de 2020. Or celles de mars 2026 seront bien trop proches des échéances de 2027 pour permettre une telle expression et seront davantage assimilées à un tour de chauffe, en vue des élections de l’année suivante. Ainsi, ces élections européennes sont un levier important pour les électeurs, dont il est évident qu’il sera tenu compte au lendemain du 9 juin. Ce n’est pas un hasard si de nombreuses spéculations circulent quant aux recompositions de la majorité actuelle ou à des mouvements dans les Ministères, voire à Matignon.

D’autre part, l’élection européenne, en France, est systématiquement remportée, depuis 2014, par l’extrême droite, avec un nombre de suffrages remportés qui est en progression constante. Les sondages indiquent qu’il en serait de même cette année, avec un score record. Or, depuis qu’elle remporte cette élection, elle a également été présente, à chaque fois, au second tour de l’élection présidentielle, en 2017 et en 2022. Alors que l’on sait qu’Emmanuel Macron ne pourra pas être candidat en 2027, car la Constitution le lui interdit, ces élections sont d’autant plus déterminantes que l’extrême droite espère qu’elles lui permettront d’asseoir encore davantage son implantation démocratique, en vue d’une possible victoire à la présidentielle, en 2027.

Il est donc certain que le Parlement européen n’est pas une institution de la République et qu’il ne participe pas de l’expression de la souveraineté nationale. Pour autant, son élection est déterminante pour les institutions républicaines, le peuple français ayant bien l’intention d’y faire entendre sa voix souveraine.

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