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François Fillon et le rapport de force

La Constitution décodée l’avait prédit : François Fillon ne renoncera pas.

Alors qu’il fuit le rapport humain, dès lors qu’il pourrait être délicat comme au Salon de l’agriculture, François Fillon plonge ainsi dans le rapport de force. Ce faisant, ce n’est pas son parti qu’il met en danger. Mais bien la démocratie.

Il a affirmé cette stratégie le 5 mars, lors du 20 heures de France 2 : « Personne ne peut aujourd’hui m’empêcher d’être candidat ». En d’autres termes, il reste car personne n’a les moyens de le faire partir.

Rappelons qu’il n’a rien à perdre. Qu’il risque de le payer très cher, par une défaite, une humiliation, une condamnation politique, une condamnation pénale lui importe peu. C’est un combat « à mort » : s’il le perd, ce ne sera qu’en tombant et il s’en remet au peuple.

Cette stratégie du rapport de force s’appuie sur trois étapes essentielles.


D’abord, François Fillon confirme fermement sa position, au cours d’une conférence de presse, le 1er mars dernier. Au moment où tous s’interrogeaient sur la possibilité de son retrait, il a martelé « Je ne céderai pas. Je ne me rendrai pas. Je ne me retirerai pas ». Se disant innocent sur le plan judiciaire, il n’a, de toute façon, rien à se reprocher.

Ensuite, il obtient d’emblée les 500 parrainages nécessaires à la présentation d’une candidature à l’élection présidentielle. Déjà seul candidat légitime parce que démocratiquement désigné par la primaire, il devient un candidat quasi-officiel.

Enfin, il génère une forte mobilisation au Trocadéro, le dimanche 5 mars. Le chiffre exact importe peu. L’essentiel est sa réussite apparente : il y avait du monde, il y avait des personnalités politiques, il y avait un soutien au candidat en ce lieu symbolique qui avait marqué l’échec de Nicolas Sarkozy. Soutenu dans sa démarche par des politiques et des militants, il s’impose.

Il peut donc fermer la porte à toute discussion sur une quelconque sortie, qu’elle soit « respectueuse » ou non. Il peut aussi dénoncer le « hold-up démocratique » auquel se livreraient les juges. Il anticipe alors ce qu’il dira lorsqu’il sera mis en examen, sans égards pour ses déclarations passées : la mise en examen sera dénoncée comme la poursuite d’une machination ourdie contre lui. Y céder serait un abandon.

Il présente son maintien comme une résistance démocratique, contre ceux qui voudraient bafouer les principes républicains, oubliant qu’il les met lui-même en cause.
C’est très audacieux mais, jusqu’à présent, habilement mené.

Au-delà de sa stratégie à l’égard des juges, vis-à-vis desquels il se place en victime, François Fillon construit une stratégie à l’égard de ses détracteurs politiques qui vont alors jouer le mauvais rôle. Si le parti Les Républicains enclenche des mécanismes pour lui retirer son investiture, cela apparaîtra comme une forme de « putsch ».

Refusant ce rapport de force, Alain Juppé a, encore et « une bonne fois pour toutes », confirmé qu’il ne serait pas « candidat à la présidence de la République ».

Ayant fait le choix d’une primaire pour désigner son candidat, le parti a bien des difficultés à en remettre en cause le résultat. Toutefois, en vertu des statuts, le Bureau politique pourrait en appeler à la Commission des sages. Elle peut connaître « des cas dans lesquels un élu du Mouvement est mis en cause dans son honneur et son intégrité » (article 48).

Pourquoi, alors, ne pas envisager un retrait d’investiture qui, s’il va à l’encontre du choix démocratique de la primaire, serait présenté comme la solution permettant de sauver le parti ? Pour quatre raisons.

François Fillon dispose de ses parrainages et peut donc être effectivement candidat, même son parti ne pouvant l’en empêcher.

Aucune personnalité ne s’impose d’elle-même, grâce à une légitimité et une autorité indispensables pour rassembler et être candidat.

Le calendrier est chaque jour plus serré, rendant un plan alternatif toujours plus difficile.

L’argent est le nerf de la guerre et, pour le moment, c’est François Fillon qui tient les cordons de la bourse.

Tout cela met la démocratie en danger.

La justice est en mesure de faire son travail, même en pleine campagne électorale, et c’est salutaire. Il faut que cela continue et il ne saurait être question de la moindre « trêve ». Cette dernière ne reposerait sur aucun fondement. Au contraire, une démocratie commande que la justice puisse, à tout instant, être rendue au nom du peuple souverain.

Mais qu’elle ait besoin de faire un tel travail, à l’égard de plusieurs candidats, est mortifère. Cela génère dégoût, répulsion, démobilisation chez ceux qui, pourtant, font vivre la démocratie : les électeurs.

Le rapport de force que mène François Fillon n’est donc pas tant contre les juges, contre son parti ou contre un quelconque adversaire, mais contre la démocratie.
Et c’est elle qui en pâtit le plus.

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