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Le temps s’accumule sur le cumul des mandats

Édito paru dans l’AJDA 2013, p. 593 (du 25 mars 2013)

Interdire le cumul des mandats : une mesure simple, populaire et qui ne justifie donc en rien qu’elle prenne du temps pour être implantée. Et pourtant, évoquée dès la campagne électorale par l’actuel Président de la République – et même avant, puisqu’il s’agit d’un argument politique régulièrement avancé –, elle ne cesse d’être retardée.
Signalons toutefois qu’une interdiction stricte (déjà imposée en 1997) a été appliquée au niveau gouvernemental, parfaitement justifiée du point de vue juridique. Comment peut-on tolérer, en effet, qu’un ministre puisse cumuler sa fonction avec un mandat local alors qu’il est, en tant que ministre, le supérieur hiérarchique du préfet et, en tant que responsable local, placé sous le contrôle de ce même préfet ?
 
En revanche, plus généralement, l’interdiction du cumul tarde à voir le jour. Prévue pour l’année 2012, elle devait ensuite être traitée dès les premières semaines de 2013 pour être repoussée, désormais, à la seconde quinzaine de mars. Cela est dû à ce que, en réalité, elle n’est ni simple ni pleinement populaire.

La mesure, en elle-même, n’est pas complexe. Son adoption, en revanche, l’est davantage. Elle suppose, d’une part, le vote d’une loi organique et la question de la nécessité de l’accord du Sénat s’est alors posée. On sait que le Conseil constitutionnel, depuis une jurisprudence de 2009, ne range pas les lois qui concernent les deux assemblées parmi les « lois organiques relatives au Sénat » et elles peuvent donc être votées en dernier lieu par l’Assemblée nationale, le cas échéant. D’autre part, elle requiert de réfléchir à sa date d’application et à d’éventuelles mesures transitoires : faut-il frapper d’incompatibilité les mandats parlementaires en cours, lors de prochaines élections locales (donc, dès 2014) ou bien faut-il reporter l’application au prochain mandat parlementaire ? Dans la première hypothèse, faut-il laisser le droit en vigueur s’appliquer (donnant lieu à des élections législatives partielles) ou bien prévoir un autre mécanisme transitoire (tel le remplacement par le suppléant) ?

Les délicates réponses à ces questions expliquent le retard de la mesure car elles sont étroitement liées à sa popularité, qui n’est que partielle. Si elle est paraît souhaitée par l’opinion publique, voire par une partie des responsables politiques, elle l’est beaucoup moins par les principaux concernés : les parlementaires qui cumulent, lesquels sont, de loin, les plus nombreux. Désormais résignés, grâce à la logique du fait majoritaire et à l’engagement du Président de la République, certains préconisent néanmoins de retarder son application, pour une entrée en vigueur lors de la prochaine législature. Cela serait sage, politiquement et constitutionnellement.

Politiquement, cela éviterait une « mini-dissolution », puisqu’on estime à au moins 10% le nombre de parlementaires qui préfèreraient leur mandat exécutif local, en 2014, multipliant les législatives partielles. Il y aurait alors un enjeu considérable car le gouvernement risquerait fort de perdre sa majorité. Une telle instabilité serait déplorable au cours d’une même législature. Constitutionnellement, présente une autre difficulté se présente car ce risque pourrait être évité par une modification du droit en vigueur tendant à permettre au suppléant de remplacer le parlementaire frappé d’incompatibilité. Seule une modification de la loi organique suffit, l’article 25 de la Constitution étant clair sur ce point. Mais cette loi sera alors examinée par le Conseil constitutionnel et une censure est vraisemblable car il n’existe aucun motif d’intérêt général suffisant, permettant de modifier les règles applicables au mandat en cours.

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