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Vœux de Liberté

Liberté.

Ce premier billet de l’année 2018, par lequel j’adresse mes meilleurs vœux à tous ceux qui me lisent, formule également des vœux de Liberté. Cette Liberté, écrite avec une majuscule, est le principe cardinal de notre démocratie. Cette Liberté, pourtant, a été égratignée à diverses reprises lors du passage à la nouvelle année. Et si l’on y revient aujourd’hui, c’est parce qu’il est de notre devoir de la préserver collectivement pour que chacun puisse en bénéficier, individuellement.

Les atteintes à la Liberté touchèrent d’abord la liberté d’expression, celle qui fait vivre la démocratie car elle lui garantit une pluralité de voix, donc un débat qui lui est indispensable.
Sans revenir sur le licenciement scandaleux, le 14 décembre 2017, par une chaîne de télévision du service public d’un présentateur et humoriste – dont on ne cautionne ni l’humour ni le propos –, on rappellera simplement que cela n’est malheureusement pas nouveau. On peut citer, notamment, l’éviction tout aussi scandaleuse, en 2010, de France Inter, radio du service public également, de Stéphane Guillon et Didier Porte, deux humoristes aux chroniques caustiques, piquantes et déplaisantes… à la direction de la Radio.

Le principe même d’une telle loi, indépendamment de son contenu, est dangereux. On aboutit à « une vérité d’État ». Une vérité unique.

Au-delà, le Président de la République a annoncé une loi sur les « fausses nouvelles », les fameuses « fake news », lors de ses vœux à la presse, le 3 janvier dernier.
Le principe même d’une telle loi, indépendamment de son contenu qui demeure inconnu à ce jour, est dangereux. En confiant à l’État, à ses autorités et à ses juges, le soin de distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux et de dire la vérité, c’est à « une vérité d’État » que l’on aboutit. Une vérité unique.

Faudra-t-il alors mettre en place une « police de la vérité », qui n’aurait pas beaucoup à envier à la « police de la pensée », imaginée par George Orwell ?

Cette réforme, annoncée par un Président de la République qui avait lui-même fait les frais de rumeurs pendant la campagne électorale, est donc préoccupante. D’autant plus qu’elle paraît inutile.

C’est incontestable : on ne saurait admettre que la désinformation prenne le pas sur l’information, ou que des influences mal intentionnées, peut-être étrangères et puissantes, altèrent le débat public et notre vie démocratique.

Mais il existe déjà des règles à ce sujet : l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 punit de 45.000 euros d’amende « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses […], faite de mauvaise foi ». De même, en période électorale, l’article L. 97 du code électoral  punit d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende la diffusion de fausses nouvelles ayant pour objet de détourner les suffrages.

Le Gouvernement souhaite aller encore plus loin, alors que la technique permet aujourd’hui d’accélérer la diffusion et de renforcer l’audience de ces mensonges. Mais à cette évidence d’actualité, on doit opposer une vérité ancienne : il est un stade où il est délicat, périlleux, voire impossible de faire la part entre ce qui est vrai, ce qui est interprété, ce qui est discuté, ce qui est imagé, ce qui est provocateur, ce qui est humoristique et ce qui est (délibérément) faux.

Et on ne saurait admettre qu’une législation stricte et répressive sur ces fausses nouvelles restreigne la liberté de parole des journalistes, des éditorialistes et autres humoristes qui contribuent au débat démocratique. Eux seuls ont les moyens d’apporter la contradiction, parfois puissamment, aux tentatives de tromperie : c’est indispensable.

D’ailleurs, en Allemagne, une loi existe depuis peu. Entrée en vigueur ce 1er janvier, elle ne fait pas seulement débat, elle est devenue polémique et controversée, alors même qu’elle vise davantage les « contenus haineux » que les fausses nouvelles au sens large.

Pour 2018, c’est donc un vœu de Liberté que l’on formule, en se remémorant ces quelques vers de Paul Éluard :

« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté. »

Bonne année à tous.

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