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Macron II, an 1

À l’heure où les parieurs font la fortune des bookmakers et où les journalistes nous livrent tous leurs pronostics du Tiercé gagnant des départs, des mouvements et des entrants au Gouvernement, on maintient ce que l’on a pu écrire : Borne va rester. Le risque existe d’être désavoué, mais les raisons de son départ sont si faibles qu’on prendrait un risque plus grand encore à entretenir une telle rumeur.

Cette dernière confirme cependant que rien ne change, ce qui n’est guère rassurant.

Depuis 2017, le Président de la République aime à montrer qu’il est le « maître des horloges ». Tactique judicieuse lorsque l’on est fort d’une légitimité incontestable, elle devient bien plus risquée lorsque l’on est affaibli : on se fait attendre, la rumeur est entretenue, le choix n’apparaît pas… Il en ressort alors un sentiment d’hésitation, d’incapacité à prendre une décision et, pis, de déception car, quoi qu’il arrive, ce ne sera jamais conforme à tous les pronostics (ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas compatibles) et aux attentes qu’ils suscitent.

 

On ne peut attendre du respect et de la confiance des autres que si on est soi-même en mesure de les inspirer

On aurait pu imaginer que la séquence électorale de 2022 fasse comprendre l’urgence qu’il y a à changer les comportements, tant dans la majorité qu’au sommet de l’Exécutif ou parmi les oppositions. En effet, réélu davantage par résignation que par adhésion, démocratiquement élu mais politiquement battu, Emmanuel Macron aurait dû s’attacher à rassembler, plutôt qu’à diviser, comme il le fit tout au long du premier quinquennat.

D’ailleurs, la configuration politique actuelle le lui impose. L’Assemblée nationale est éclatée entre dix groupes parlementaires, sa propre majorité est morcelée en trois groupes principaux qui ne détiennent pas la majorité absolue, les oppositions sont divisées entre des forces traditionnellement modérées qui versent dans la radicalité pour exister et des extrêmes, l’un en particulier, qui s’agitent à tout va pour crier plus fort. Plus fort que quoi ou que qui, demandera-t-on légitimement ? Qu’eux-mêmes, bien évidemment, puisqu’ils sont les seuls agitateurs de l’instant.

Pourtant, cette première année du second quinquennat a plus que jamais divisé, conduisant le pays à la fissure, voire à la fracture.

L’heure est grave, lorsque l’on constate la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis des institutions et de la démocratie, la puissance des forces politiques radicales (n’oublions pas que le Front national et les Insoumis sont respectivement les deuxième et troisième groupes de l’Assemblée, cumulant à eux deux presque autant de députés que le groupe Renaissance), les violences et l’insécurité toujours plus grandes.

Le rôle du chef de l’État, premier représentant de la Nation, est alors de garantir la paix sociale, certes en rétablissant et en garantissant l’ordre, mais aussi en y faisant adhérer. Or la force, les interdictions, les restrictions aux droits et libertés ne sauraient être la seule solution, les citoyens se sentant alors davantage exclus que rassemblés autour d’un horizon commun.

L’épisode majeur de l’année écoulée n’a fait qu’empirer une situation déjà délétère. Ce n’est pas tant l’objectif que le moyen d’y parvenir qui souligne une obstination du Président de la République à ne pas être à l’écoute des Français qui, pourtant, l’ont réélu. Il peut certes se targuer d’une telle victoire, au terme d’une campagne où il s’était engagé à faire cette réforme des retraites, pour revendiquer de la conduire jusqu’à son terme. Mais les électeurs n’ont pas désigné, pour voter une telle réforme, de majorité évidente, signe qu’ils avaient peut-être des réserves vis-à-vis du programme présidentiel, sur ce point et, sans doute, sur d’autres.

Une telle séquence ne fait qu’accroître la méfiance des citoyens vis-à-vis du système dans lequel ils vivent et dont le chef de l’État est supposé être le garant. Ils ont élu des députés, qui n’ont pas pu voter. Ils ont cru dans des syndicats qui ont animé une mobilisation historique, qui n’ont pourtant nullement été entendus. Ils se sont mobilisés dans la rue avec une exemplarité qui fait désormais souvent défaut, mais personne ne les a écoutés. 

Alors à quoi bon ? À quoi bon voter, se mobiliser, s’exprimer ? Le message renvoyé par le Gouvernement ne saurait contribuer à rétablir la confiance et ne fait qu’entretenir le sentiment que, pour être entendu, il faut verser dans la violence. Verbale d’abord, physique ensuite. C’est grave.

De même, le scandale du « Fonds Marianne », révélé et détaillé lors d’une enquête parlementaire et par un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA), souligne ce sentiment de puissance de l’Exécutif et de la majorité, qui se croient invincibles. Au terme d’un tel scandale, les responsables politiques concernés auraient dû immédiatement démissionner : ce n’est pas une sanction, c’est la logique de la responsabilité politique dans un régime parlementaire. Que Marlène Schiappa ne le fasse pas est un signe de sa méconnaissance du fonctionnement des institutions. Que la Première Ministre et le Président de la République ne le lui imposent pas est un signe d’irrespect vis-à-vis de notre démocratie parlementaire.

Comment peut-on alors dénoncer des comportements indignes tout en suscitant soi-même autant de reproches ? Car en ne se montrant pas à la hauteur de ses charges, la majorité actuelle appelle des comportements inadaptés en réaction, tels que ceux qui ont jalonné l’année écoulée, particulièrement de la part d’élus de la Nation, que ce soient des propos dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, des photos « balle » au pied ou dans des manifestations en marge de la légalité.

On n’inspire aux autres que ce que l’on donne soi-même à voir, à commencer par le respect et la confiance. À l’inverse, les provocations, insultes, invectives, entretiennent l’altercation et la violence.

Le bilan de cette première année de l’ère Macron II est donc peu réjouissant et n’augure rien de bon pour la suite. On veut croire qu’il n’est pas trop tard et que le chef de l’État saura prendre la mesure de la responsabilité qui est la sienne : rassembler la Nation et apaiser les conflits.

Mais il est difficile de rassembler la Nation toute entière lorsqu’on peine déjà à rassembler les siens.

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