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Budget : une crise politique, pas de régime

Cette interview est initialement parue dans Franc-Tireur, le 3 septembre

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Le verdict approche. En dégainant l'article 49, al. 1, François Bayrou tente de trouver une issue de secours, aussi bien personnelle que politique. S'il est désavoué, scénario le plus probable, son gouvernement tombera.
Crise politique ou crise de régime ? Nous avons demandé leurs regards au spécialiste de droit constitutionnel Jean-Philippe Derosier. Pour lui, qu'elle menace ou non nos institutions, la crise est sérieuse.
Et la marge de manœuvre d'Emmanuel Macron se réduit. Une nouvelle dissolution se profile, où planent déjà les petits calculs et les stratégies de boutique. Le RN, en embuscade, pourrait en sortir vainqueur.
Propos recueillis par Christophe Barbier.

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Comment décryptez-vous la décision du Premier ministre : engager la responsabilité du gouvernement ?

François Bayrou a voulu lancer un défi : « C’est moi ou le chaos. Soit vous me faites confiance et nous négocions entre forces politiques responsables, soit c’est le chaos car personne d’autre ne sera en mesure de faire mieux, donc il y aura dissolution. L’extrême-droite gagnera du terrain tout en perdant sa députée phare qu’est Marine Le Pen, tous les autres seront affaiblis. Et tout cela dans un moment où l’on est confronté à des crises économique et diplomatique mondiales. » Je pensais qu’il attendrait la rentrée parlementaire, mais il a d’évidence voulu précéder le 10 septembre. D’un côté, quinze jours de plus n’auraient pas été inutiles pour négocier ; de l’autre, si le 10 avait été un succès, cela rendait les choses plus difficiles.

Le pari de François Bayrou : « moi ou le chaos »

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs, le 27 août

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Prenant de court tant le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre que La France insoumise et la motion de censure qu’elle entendait déposer à l’ouverture de la session extraordinaire, François Bayrou a décidé de solliciter la confiance des députés, le 8 septembre prochain.

Ce mécanisme se distingue de la motion de censure, dont avait l’objet Michel Barnier, le 4 décembre dernier. Le premier est « descendant », à l’initiative du Premier ministre qui sollicite les députés, tandis que le second est « ascendant », à partir de députés qui mettent en cause le Gouvernement et décident de le renvoyer. De plus, pour qu’une motion de censure soit adoptée, il faut qu’une majorité absolue des députés composant l’Assemblée nationale la vote, sachant que seuls sont comptabilisés les votes qui lui sont favorables : s’abstenir revient à voter contre. Au contraire, la confiance est accordée à la majorité des suffrages exprimés et les députés ont donc trois options : voter pour la confiance, voter contre ou s’abstenir.

C’est pourquoi « ne pas accorder la confiance », c’est-à-dire ne pas voter « pour » et « voter contre la confiance » ne sont pas équivalents.

Le Président de la République peut ne pas promulguer la Loi Duplomb

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune pour Le Monde, cosignée avec Laurent Fonbaustier, Arnaud Gossement et plusieurs autres de mes collègues

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La pétition s’opposant à la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite « Loi Duplomb » du nom du sénateur à l’origine de la proposition de la loi, connaît non seulement un succès retentissant, mais aussi historique et inédit. C’est la première fois qu’une telle pétition dépasse le seuil de 500 000 signatures, conduisant à la possible organisation d’un débat en séance publique à l’Assemblée nationale, auquel la Présidente de l’Assemblée s’est dite favorable.

Et, surtout, elle a dépassé le million de pétitionnaires. Une telle mobilisation ne peut laisser indifférent.

La loi a été adoptée le 7 juillet dernier et elle est actuellement examinée par le Conseil constitutionnel, qui rendra sa décision dans les prochains jours. La pétition est naturellement sans incidence sur son office, puisqu’elle ne porte pas, en elle-même, sur la constitutionnalité et, en tout état de cause, ne saurait inférer dans une procédure totalement distincte.

Retraites : saisir le Parlement est une nécessité démocratique et constitutionnelle

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune pour Le Monde

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La réforme des retraites imposée à marche forcée par le Gouvernement et, surtout, le Président de la République en 2023 a causé une triple fracture, dont la cicatrice ne disparaîtra jamais.

La fracture est d’abord sociale, en raison du passage en force, en dépit de toute négociation avec les partenaires sociaux. La fracture est également démocratique, tant les citoyens paraissaient majoritairement et frontalement hostiles à cette réforme qui les concerne tous (ou presque), l’absence de concertation dans la réalisation de la réforme n’ayant pas favorisé leur adhésion. Enfin, la fracture est institutionnelle et parlementaire, la voie procédurale choisie et les leviers juridiques mobilisés ayant permis d’imposer une réforme contre la volonté de la majorité parlementaire. On se souvient ainsi du cumul des mécanismes des articles 47-1 (loi de financement rectificative de la sécurité sociale, permettant des contraintes procédurales), 44, al. 3 (vote bloqué) et 49, al. 3 de la Constitution (absence de vote), auxquels s’ajoutent les ressorts des règlements des assemblées.

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