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Vote de la censure par l’extrême droite : rien à gagner et beaucoup à perdre

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs.

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Le Gouvernement de Michel Barnier vivrait ses dernières heures. Empêtré dans la procédure budgétaire, il a en effet été contraint d’activer le « 49, al. 3 », conduisant au dépôt d’une motion de censure par le Nouveau Front populaire (NFP). Elle pourrait être également votée par l’extrême droite conduisant à son adoption par une majorité absolue de députés (289) et contraignant le Gouvernement à la démission. 

Cette chute pourrait donc intervenir dès mercredi, lors de l’examen du budget de la sécurité sociale. Si tel n’était pas le cas, ce serait d’ici à la fin de l’année, lors de l’examen final du budget de l’État. Tout cela est au conditionnel car rien n’assure, à ce stade, que la motion de censure sera adoptée. On relèvera simplement que Marine Le Pen et ses alliés ont peu à gagner mais beaucoup à perdre à s’allier à la gauche pour voter la censure.

Le Pen à la peine

« Soutenez Marine ! Défendez la démocratie ! »

Telle est la pétition lancée par l’extrême droite pour venir au secours de Marine Le Pen, que des faits accablants promettent à une condamnation probable.

Fréquemment, le tribunal de l’opinion condamne avant même que le tribunal judiciaire ne puisse se prononcer. Voici qu’aujourd’hui, alors que le tribunal correctionnel remplit son office, comme la loi l’y oblige, l’opinion est appelée à la rescousse : il y aurait scandale démocratique, car un procureur a demandé l’application de la loi à l’égard d’une candidate putative de la prochaine élection présidentielle, par ailleurs deux fois qualifiée au second tour des deux précédents scrutins.

Budget et Constitution

Ce billet est initialement paru sous forme de chronique dans « Un œil sur la Constitution », in Nouvel Obs

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Fait exceptionnel, presque qualifiable d’inédit : l’Assemblée nationale a rejeté, par 362 voix contre 192, la première partie du projet de loi de finances pour l’année 2025. Ce rejet emporte celui de l’ensemble du projet de loi, qui poursuit ainsi le cheminement de la procédure législative en étant transmis au Sénat, dans sa version initiale, c’est-à-dire tel qu’il avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée, sans aucun des amendements qui ont été adoptés. Resituons brièvement le contexte, avant de livrer quelques éléments d’analyse.

La loi de finances est composée de deux parties : la première détermine les recettes et la seconde est relative aux dépenses. Un vote doit avoir lieu sur chacune d’entre elles et il n’est pas possible d’examiner la seconde tant que la première n’est pas adoptée. La raison paraît évidente : si on n’acte pas « d’entrées » dans les caisses de l’État (les « recettes »), il n’est pas possible d’engager « des sorties » (les dépenses). Ce principe a pourtant dû être affirmé par le Conseil constitutionnel puisqu’en 1979, un cas similaire s’était produit : l’Assemblée nationale n’avait pas rejeté l’ensemble de la première partie (à l’époque, un tel vote n’existait pas), mais l’article dit « d’équilibre », soit celui qui détermine, en fin de première partie, l’état des recettes escomptées et qui doit ainsi fixer un plafond des dépenses. En rejetant cet article, c’était en réalité l’ensemble des recettes qui était remis en cause. Malgré cela, à l’époque, l’Assemblée avait poursuivi l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Dans sa décision du 24 décembre 1979, le Conseil avait censuré l’intégralité du budget.

Petite fable dans un pays au Gouvernement fragile

Il était une fois, dans un pays au Gouvernement fragile – on notera, au passage, l’emploi délibéré du singulier dans cette dernière qualification –, un Premier ministre qui devait affronter un débat budgétaire. En soi, telle aventure pourrait paraître bien ordinaire : elle se répète chaque année, dans chaque démocratie, traduisant la vitalité démocratique de pays soucieux du débat. Il peut arriver, assez occasionnellement en réalité, qu’un Gouvernement n’y survive pas mais le budget, quant à lui, parvient généralement à être adopté, sous une forme ou sous une autre.

Ce sera également le cas dans le pays concerné, malgré la triple fragilité du Gouvernement. Cette fragilité tient en effet, d’abord, à la « majorité » étroite sur laquelle il peut s’appuyer qui, d’ailleurs, en foi de majorité fait davantage office de « minorité », puisqu’elle ne compte que 211 députés sur 577, soit à peine 36,6% des effectifs, bien loin d’une majorité absolue. Ensuite, elle tient au caractère éclaté de la coalition soutenant le Premier ministre, qui se compose de quatre forces politiques, certaines s’étant parfois frontalement opposées dans un passé assez récent. Enfin, ce Gouvernement est d’autant plus fragile que son avenir est placé entre les mains d’une seule et unique cinquième force politique qui, pour le moment, le soutient tacitement mais pourrait décider de le renverser à tout moment, ou presque. Cette force politique n'est pas anodine car il s’agit de l’extrême droite, dont on sait que le soutien en question peut avoir un effet repoussoir et conduire d’autres forces politiques à renoncer au leur.

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