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« La Constitution a besoin d’une “ cure de jouvence ” »

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune dans Le Monde du 27 janvier 2023.

Le Monde 260123

La Loi fondamentale de la Ve République s’apprête à devenir la plus pérenne de l’histoire de notre pays. Cela souligne sa capacité à résister aux crises, affirme, dans une tribune au « Monde », le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. Néanmoins, des ajustements semblent nécessaires pour rétablir l’équilibre des pouvoirs.

Un Parlement contraint

Ce billet est initialement paru sur le Blog du Club des juristes.

Le Gouvernement a pris la décision de faire passer la réforme des retraites par la voie d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFSS rectificative). Une méthode qui permettrait à l’exécutif d’avoir recours à l’article 47-1 de la Constitution, notamment en termes de délais. Cet outil constitutionnel, méconnu, soulève plusieurs interrogations.

Deux mandats

Une question a agité le monde médiatique ces dernières semaines, alimentée par des analyses de constitutionnalistes. Elle est due à un avis rendu par le Conseil d’État, dont certains journalistes se sont emparés pour faire peser un doute sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle, qui paraissait pourtant univoque.

La disposition en cause est inscrite au second alinéa de l’article 6 de la Constitution et limite le nombre de mandats que le Président de la République peut exercer, en indiquant : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

Saisi pour avis de l’interprétation à retenir d’une disposition similaire, mais néanmoins bien différente, inscrite dans la loi organique relative à la Polynésie française, le Conseil d’État a retenu, le 18 octobre dernier, « qu’une personne ayant exercé deux mandats successifs, dont l’un est inférieur à cinq années, peut légalement briguer un troisième mandat ».

Soixante ans d’élection directe du Président de la République

À l’heure de la création d’un conseil national et autres comités ou conventions de citoyens tirés au sort, l’idée la plus efficace qu’on ait eue pour revivifier la démocratie, c’est encore de proposer aux citoyens de voter.

C’est ce que fit le Général de Gaulle, il y a soixante ans, lorsqu’il proposa d’élire le Président de la République au suffrage universel direct. Le contexte était évidemment particulier : la Ve République n’avait que quatre ans, les Accords d’Évian mettant un terme à la guerre d’Algérie avaient été votés, le Premier ministre avait été changé et de Gaulle venait d’échapper à un attentat qui faillit lui coûter la vie. L’élection présidentielle directe est toutefois venue parachever la transformation du régime, entamée en 1958 par l’adoption de la nouvelle Constitution, à double titre.

D’une part, elle vient définitivement conférer au Président de la République une légitimité qu’il ne doit plus qu’à lui-même – et, à vrai dire, à son parti –, selon la volonté originelle du Général de Gaulle de déconnecter l’Exécutif et son chef du Législatif et ses représentants. D’autre part, elle est à l’origine du fait majoritaire, qui contribua nettement à la stabilisation du régime.

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