La rumeur est de plus en plus intense : les jours d’Élisabeth Borne à Matignon sont comptés. Elle est surtout de plus en plus diversifiée… On a entendu les noms de Gérard Larcher, Julien Denormandie, François Baroin, Jean-Pierre Raffarin, Christine Lagarde et on en oublie certainement.
Cette diversité confirme surtout qu’il ne s’agit là que de rumeurs, davantage destinées à entretenir les pulsions médiatiques qu’un objectif politique.
D’ailleurs, si on y regarde de près, rien ne justifierait qu’Élisabeth Borne ne soit congédiée.
Remarquons d’abord que tout changement de Premier ministre opère soit au lendemain d’un événement politique majeur, soit en raison d’un désaccord notoire avec le Président de la République. Jean Castex succède à Édouard Philippe après les municipales de 2020, qui s’étaient alors tenues dans un contexte très particulier. Bernard Cazeneuve remplace Manuel Valls après que ce dernier a fait acte de candidature à l’élection présidentielle, tandis qu’il avait lui-même remplacé Jean-Marc Ayrault après la déroute aux municipales de 2014. Alors que François Fillon est resté en fonction toute la législature, Dominique de Villepin est nommé à la place de Jean-Pierre Raffarin après la victoire du Non, au référendum de 2005. Édith Cresson, nommée en remplacement de Michel Rocard dont l’opposition avec François Mitterrand devenait intenable, est congédiée au lendemain de l’effondrement de la gauche aux municipales de 1992, en laissant sa place à Pierre Bérégovoy. Pierre Mauroy, le compagnon de route du même Président, est remercié après les élections européennes de 1984, où le Front national a réalisé son premier score historique, à deux chiffres (10,95%), pour être remplacé par Laurent Fabius.
Rares auront été les périodes où la Constitution a été à ce point évoquée dans le débat public. Après s’être rappelés qu’il existait un article 49, al. 3, les Français ont découvert qu’il y avait aussi un article 47-1, puis un 44, al. 3, un « RIP » de l’article 11 et, aujourd’hui, un article 40.
Une telle appropriation de la Constitution par les citoyens serait saine et bienvenue, si elle ne venait souligner l’ampleur des excès commis dans le respect de cette norme. Car, après confirmation du Conseil constitutionnel que la loi de réforme des retraites a été adoptée conformément à la Constitution, l’épisode de la semaine dernière, lors de l’examen en commission de la proposition de loi déposée par le groupe LIOT et destinée à abroger cette réforme, est de nouveau respectueux de la lettre de la Constitution et du Règlement de l’Assemblée nationale. De même, si, jeudi, la Présidente de l’Assemblée nationale oppose l’article 40 de la Constitution à un amendement d’un parlementaire rétablissant l’article 1er de la proposition de loi, supprimé en commission, la Constitution ne sera pas davantage malmenée.
Après le dossier de la réforme des retraites, dont le dernier acte n’a sans doute pas encore été écrit, l’immigration est désormais celui qui empoisonnera les prochaines semaines du Gouvernement et de la majorité.
Tout indique que l’actuelle majorité, ainsi que le Gouvernement et le Président de la République qu’elle soutient, ne sont pas à l’aise avec la liberté, qui constitue pourtant l’un des principes cardinaux de la démocratie en général, de notre régime en particulier.
C’est parce que nous sommes libres, de nos choix, de nos opinions, de nos mouvements, que nous pouvons collectivement décider de la politique que doivent conduire ceux que nous élisons à cette fin. À l’inverse, une décision qui nous serait imposée par une autorité que nous n’aurions pas choisie serait une atteinte à notre liberté.
Cette liberté n’est évidemment pas sans borne : comme le rappelle justement l’article 4 de la Déclaration de 1789, elle « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », ce que l’on formule souvent selon l’adage populaire « la liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Ce même article 4 précise que seule la loi peut ainsi fixer des bornes à l’exercice de la et des libertés.